Grand Port Maritime de Bordeaux : lettre à Edouard Philippe
Je me permets de vous adresser ce courrier, bien sûr en qualité de Conseiller régional représentant la région Nouvelle Aquitaine au Conseil de Surveillance du GPMB, mais également en qualité de Conseiller départemental de la Gironde, du canton de Bordeaux où se trouve l’intégralité des installations portuaires de la ville intra muros avec les nombreux emplois que génèrent ces activités.Comme vous le savez, l’annonce du retrait de l’armateur MSC du Port de Bordeaux est la résultante d’un sentiment assez général que ce port est un port sans avenir. La baisse constante des trafics (-6% en 2016, – 7% en 2017) les échecs successifs pour relancer le terminal du Verdon, le terminal tout neuf et inexploité de Grattequina, les mouvements sociaux et l’absence de communication donne une image très négative de Bordeaux Port Atlantique.Et pourtant la place portuaire bordelaise, c’est 5 000 emplois directs et 15 000 emplois indirects.Le port de Bordeaux, c’est 104 km d’estuaire, 7 terminaux, une place stratégique pour les hydrocarbures. C’est également un foncier urbain important et une extraordinaire surface d’espaces naturels.Le port de Bordeaux dispose donc malgré sa mauvaise image d’atouts importants.Imprimé sur papier à base de fibres issues de forêts gérées durablementDans ce dossier chacun y va de son analyse, de son ressenti et de ses critiques. Pour changer un peu, ce courrier ne vise qu’à ouvrir des pistes générales concrètes recouvrant plusieurs éléments de progrès et de développement appelés à inter agir les uns avec les autres.L’urgence de la démarche doit être à la hauteur des impératifs des transformations qui s’annoncent afin de changer les handicaps d’un établissement en un potentiel de développement concret. Par ailleurs, cette transformation ne pourra pas ce faire par le seul GPMB. Ce redressement ne pourra réussir qu’en lien direct avec les collectivités et particulièrement la Région, qui a dans ses missions le développement économique et connait avec précision les atouts et besoins des territoires et de leur l’hinterland.
L’interface Ville-Port
Et oui ! Il existe un port à Bordeaux et pas que pour la croisière !
Une gestion plus dynamique passe d’abord par une véritable évaluation et une communication ciblée.
La communication positive auprès de la population doit être développée. Il faut densifier les relations avec la presse, rarement invitée sur le site qui regorge pourtant de sujets attractifs ; ce n’est qu’ainsi que l’on fera redécouvrir le Port aux bordelais.
Le foncier (une véritable richesse à ne pas dilapider)
Une gestion plus dynamique du foncier doit prendre le relai de la gestion actuelle.
En effet, sa politique de loyer modéré a sans aucun doute facilité l’effort de la ville pour ouvrir les quais au public. Imaginons ce qu’aurait donné la réhabilitation des quais après que le foncier eu été livré à la promotion privée… On le voit bien par différence avec promoteurs ont fait dans les quartiers périphériques qui touchent le domaine du port.
L’autre aspect doit consister à reprendre en main les relations avec les locataires qui ont droit à plus de considérations, mais qui doivent en contrepartie s’acquitter de tarifs conformes au marché. La loi Sapin 2 sur la domanialité peut certainement être un vecteur de plus-value et de plus de transparence sur ce domaine. Aujourd’hui la gestion du foncier du port rapporte environ 13M€ alors qu’une gestion plus conforme avec la réalité du marché devrait doubler ce chiffre (26M€).
En effet, il convient de mettre plus de rigueur dans la sélection des offres des promoteurs. Là où clairement certains ont eu la part trop belle il convient à agrandir le cercle des consultations..
Le foncier est également un vecteur de création de plus-value en réservant et spécialisant des espaces, notamment urbains, aux activités en lien avec les activités portuaires ou navales. Bordeaux intra muros a besoins de relancer les entreprises productives à haute valeur ajoutée générant des emplois industriels aux salaires plus en adéquation avec le coût de la vie à Bordeaux.
Le foncier est un élément essentiel de l’équilibre économique du port de Bordeaux. Sans son foncier le GPMB ne peut prétendre à l’autonomie de gestion et son foncier important est aussi la garantie d’un accès au financement bancaire à moindre coût.
Le port un acteur économique régional majeur.
Les atouts d’un port d’estuaire avec 7 terminaux et la proximité immédiate d’une grande métropole et son vaste hinterland sont négligés et inconnus des décideurs. Alors que la transformation écologique dont tout le monde parle devrait mettre le port aux avant-postes de ces transformations.
L’action commerciale doit être une résultante d’efforts communs, relayé par une véritable équipe de professionnels en lien direct avec l’établissement.
Le premier support de l’action commerciale est la communication dont le moins que l’on puisse dire, est qu’elle n’est pas le point fort du Port.
Les relations doivent être retendues avec la place portuaire (UMPB, CCI, Armateurs, VNF ….) En effet le Port ne reçoit plus comme avant l’ensemble de ces acteurs.
Avec également les institutionnels et les collectivités où le Port a doucement délaissé toute représentation au sein des instances locales politiques, et économiques.
Le lien avec l’action économique de la Région devrait être permanent.
Le port au cæur de la mutation écologique
Comment expliquer l’absence quasi totale de trafic fluvial (hors croisière et AIRBUS) sur le plus grand estuaire d’Europe ?
L’échec du Verdon tient en partie à sa position de « cul de sac routier » avec un risque d’engorgement routier que les professionnels ne veulent pas prendre. Doit-on rappeler la saturation chronique de la rocade bordelaise ?
La solution passera par une logistique combinée Fer, Fleuve et Route. Or à ce jour aucun projet sérieux n’existe pour du transport fluvial.
Seul un véritable projet régional sur ce mode alternatif permettra de rendre crédible le projet du Verdon auquel je crois toujours.
La mise en place du TCSO est un enjeu essentiel pour la Région car aucun autre endroit n’est susceptible d’être choisi avec pertinence sur son territoire et les installations existent. Le port de La Rochelle n’a pas le foncier nécessaire pour développer une activité container crédible.
La coopération inter portuaire
Pour être visible sur le Marché mondial il faut une offre régionale. La coopération commerciale est donc essentielle en ce domaine. Elle constitue également un vecteur d’économie non négligeable en partageant certains savoir-faire.
Le transport ferroviaire et le cabotage interportuaire sont également des pistes de coopération qui ont été trop rapidement écartées.
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Il conviendra de mener une vraie réflexion sur les politiques énergétiques régionales. A cet effet, les futures difficultés de stockage de produits raffinés à La Rochelle du fait de l’hostilité croissante des riverains, offrent au bec d’Ambès des perspectives très attractives.
Le plan de charge des ateliers du port
Les ateliers du port regorge de compétences techniques de haut niveau (chaudronniers, soudeurs, menuisiers, hydrauliciens, électromécaniciens….).
Il y a toujours de grands débats sur le plan de charge de ce secteur alors que les outillages du port (écluses des Bassins à flot, formes de radoub, slipway…) sont dans un état préoccupant. Je rappelle à ce sujet que sur proposition du Président du Conseil régional, c’est 13M€ qui ont été inscrits au Contrat de Plan pour la réhabilitation des outillages du port.
Déjà sur le sujet des outillages des actions concrètes ont été menées, mais avec encore trop de lenteur.
Voici, Monsieur le Premier Ministre, quelques réflexions et propositions concrètes d’un Conseiller régional, administrateur du Grand Port Maritime de Bordeaux, mais également Conseiller départemental de Bordeaux dont le canton à la chance d’avoir sur son territoire le pôle naval des Bassins à flot, les ateliers du port, le slipway et la direction générale.
La situation très critique du port de Bordeaux impose une prise de décision très urgente de votre part. Je pense que dans ce cadre, et pour être au plus proche des réalités économiques du territoire où se trouve le Port, la Région, de part ses missions économiques et sa compétence « Transports et Mobilité » pourrait être la collectivité la plus adaptée. Il pourrait être confié rapidement à son Président la gouvernance (présidence du Conseil de Surveillance et nomination du directoire). Ce nouveau directoire pourrait, en concertation avec l’ensemble des acteurs de la place portuaire analyser, de manière détaillée les forces et les faiblesses pour proposer le cadre opérationnel et institutionnel le plus adapté. Cette préfiguration pourrait facilement et rapidement être mise en place avec les structures actuelles
En ce qui concerne une régionalisation pure et simple du Port de Bordeaux, beaucoup d’incertitudes sont à lever comme par exemple le coût du dragage 14M€. Comme le dit le Président Alain Rousset il n’est pas question de laisser la Région, seule, sur ce sujet.
Restant à votre disposition,
Je vous pris de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’expression de mes sentiments respectueux.
Philippe Dorthe Administrateur du GPMB pour la Région
Anonyme
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