GAFA: la frontière nationale devient une relique barbare
Les GAFA et consorts sont devenues si puissantes à travers le globe, elles sont désormais si présentes voire indispensables à nos existences, qu’elles rivalisent avec les Etats. L’Union Européenne, et mêmes les Etats-Unis de Trump, ne s’y sont pas trompés et nous assistons, médusés, aux premières salves de cette bataille des titans que le livrent sous nos yeux pouvoirs publics et corporations mastodontiques.
En effet, dans les Evangiles selon les GAFA, la frontière nationale devient une relique barbare. Elle doit s’effacer, elle doit disparaître afin de permettre à ces entreprises transnationales de réellement prendre leur envol et d’asseoir leur domination sur des Etats réduits au rôle de simples administrateurs. La globalisation selon ces hyper corporations ne peut se concrétiser que sur le cadavre des Etats empilés l’un sur l’autre, l’un à côté de l’autre : prix à payer pour assurer la toute-puissance intrusive des GAFA. Bien plus riches que bien des Etats – même occidentaux -, les Apple et consorts doivent en effet écraser ce concept – encore résilient chez nombre de nos concitoyens – de frontière afin de mieux pouvoir leur subtiliser leurs informations personnelles, avant de se les échanger, de se les monnayer. Réduits au simple rang de matière première, notre vie, notre parcours, notre famille, nos amis, notre correspondance et nos moments intimes sont donc patiemment amassés par ces sociétés. Pire encore puisque nombre d’entre nous les leurs offrons gracieusement et en quantités industrielles.
N’est-il pas aberrant que Facebook ou que Google en sachent bien plus sur nous aujourd’hui que l’Etat et que le pays dans lequel nous vivons ? Tandis que nos nations démocratiques sont strictement règlementées et encadrées, les entreprises technologiques capitalisent sur un savoir nous concernant qui ferait rougir d’envie tout dictateur. Il n’est donc pas si loin, le jour où un usager, ou un groupement d’individus, prendront le parti d’Apple ou d’Amazon contre leur propre Etat. Car la capacité de persuasion – et de chantage aussi ! – de ces GAFA est d’ores et déjà massive auprès de nombre d’individus que leur accordent bien plus de confiance qu’en leurs pouvoirs publics.
La bataille des cœurs et des esprits semble ainsi basculer en faveur des GAFA du fait de la soumission quasi absolue de sociétés et de personnes qui leur tendent systématiquement l’autre joue. Notre allégeance à la technologie est sur le point de supplanter celle au pays nous ayant vu naître et dont nous sommes issus. L’identité nationale est, pour sa part, en train de rendre l’âme au profit de la marque de l’entreprise. Un jour pas si lointain, la Coupe du Monde de football verra s’opposer – non la France au Brésil – mais Facebook contre Google.
Michel Santi