Entretien avec Adrien Perreau – “Pour diminuer l’impact environnemental du secteur cinématographique et audiovisuel, il faut changer les habitudes en douceur”
Administrateur de la Commission du Film d’Île-de-France, Adrien Perreau oeuvre pour renforcer l’attractivité de cette région comme site de tournage et comme espace privilégié pour la production cinématographique et audiovisuelle. En 2009, la commission du Film d’Île-de-France s’est unie avec cinq autres acteurs du secteur pour lancer la démarche Ecoprod. Cette dernière vise à une meilleure prise en compte de l’environnement dans les productions audiovisuelles. Rarement évoqué, Adrien Perreau nous explique l’impact du secteur sur l’environnement et quelques solutions pour y lutter.
LCDL. Qu’est-ce que la démarche Ecoprod ?
A.P. Aujourd’hui le secteur audiovisuel émet 1 million de tonnes de CO2 chaque année. Le quart de ces émissions est lié aux tournages[1]. L’impact principal en matière d’environnement est le nomadisme des équipes, c’est-à-dire le déplacement du personnel et des matériels. Les employés parcourent ainsi tous les jours des distances importantes ! Le second élément majeur de l’empreinte écologique d’un tournage est sa consommation électrique. Il est en effet indispensable de disposer d’une alimentation électrique d’une forte puissance. À titre d’exemple, 600 piles sont jetées encore chargées pour la prise de son d’un long métrage. Nous avons ainsi lancé en 2009 cette démarche pour une meilleure prise en compte de l’environnement dans les productions audiovisuelles.
LCDL. Quelles sont les difficultés rencontrées ?
A.P. Le secteur de l’audiovisuel est constitué essentiellement de petites et moyennes entreprises. Il existe – rien qu’en Île-de-France – environ 5000 entreprises de production. Les équipes sont constituées ponctuellement pour le tournage d’un film, avec des individus recrutés individuellement. Il est donc délicat d’instaurer des politiques à long terme pour les sensibiliser. De surcroit, ces entreprises font souvent face à des restrictions budgétaires. Ainsi, moins on dépense, mieux c’est. Difficile ainsi d’imposer des règles. Notre démarche vise à sensibiliser ces acteurs, en leur prouvant qu’en étant attentif à leur empreinte environnementale, il est tout à fait possible de faire des économies d’échelle.
LCDL. Quelles sont alors les solutions proposées par Ecoprod ?
A.P. Afin de préparer au mieux un tournage, nous avons mis à disposition en 2009 des outils pour réduire son empreinte environnementale. Dans un premier temps, nous avons développé le logiciel gratuit “Carbon’clap”. Il s’agit du premier calculateur d’empreinte carbone dédié aux productions audiovisuelles qui permet de repérer les postes les plus émetteurs de CO2. Par conséquent, de déterminer les priorités et bâtir un plan d’actions concret. Dans un second temps, nous avons publié un guide de l’éco-production, une sorte de feuille de route. Nous savons qu’il est bien difficile pour une entreprise de production de suivre toutes les démarches… que la route est longue… Pour cela nous préconisons de choisir un premier objectif, comme l’énergie ou la gestion des déchets et de se référer à nos recommandations ! Encore une fois, le but est de sensibiliser petit à petit le secteur … Il faut changer les habitudes de travail bien ancrées… en douceur !
Enfin, le collectif Ecoprod a lancé la Charte pour l’Entreprise Audiovisuelle. Cette charte vise à créer un cadre pour les entreprises dans l’adoption d’une démarche éco-responsable.
LCDL. Est-ce vraiment réalisable ?
A.P. Tout à fait. Ecoprod a suivi le tournage de JO (c.f : une série télévisée de 8 épisodes dont le personnage principal est Jean Reno) dans sa démarche de réduction d’empreinte écologique. La clef du succès fut d’anticiper les actions. De nombreuses bonnes pratiques furent ainsi mises en œuvre. En terme d’énergie, des branchements forains ont été utilisés 70% du temps de tournage. Les déchets de restauration ont été réduits, triés et enlevés par la ville de Paris, les mobiliers de bureaux furent revendus, une centrale d’aspiration d’air pour les peintures installée, dans un souci de santé et d’environnement. Les vues aériennes ont été réalisées par un drone léger doté d’un moteur thermique et électrique comme alternative à l’hélicoptère. Résultat ? 72 tonnes équivalent CO2 par épisode en moyenne. Les émissions de carbone auraient doublé pour un même tournage sans actions spécifiques !
[1] Selon une étude sur la filière réalisée en 2011