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PRENDRE EN COMPTE LES SONDAGES POUR LES MUNICIPALES 2014

 

Les sondages d’opinion concernant les sujets politiques sont nés du développement de cette technique en marketing. Comme le souligne Loic Blondiaux1, les entreprises des États-Unis ont été les premières à utiliser ces derniers afin de connaître les attentes supposées des consommateurs et augmenter leurs marchés. Progressivement, la frontière entre marketing et politique s’est effacée, et en 1936 le journaliste G.H. Gallup fonde l’American Institute of Public Opinion en vue de l’élection présidentielle.

En France, le sondage d’opinion appliqué à la politique est apparu en octobre 1938 par l’entreprise de Jean Stoetzel, qui a fondé l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) qui conduit la première enquête d’opinion publique en France : « Faut-il mourir pour Dantzig ? » ; ces premiers sondages sont publiés en juin, juillet et août 1939 par la revue Sondages appartenant à l’Ifop, avant que la publication de sondages ne soit interdite par la censure2.

Aujourd’hui encore, les entreprises de sondages tirent l’essentiel de leur notoriété des sondages politiques, alors que ceux-ci représentent moins de 1 % de leur chiffre d’affaires3, l’essentiel de leur activité concernant les études marketing commandées par les entreprises.

À partir de la fin des années 1960, la place des sondages s’est considérablement accrue avec l’essor de la communication politique, ce qui a donné lieu à une loi réglementant la fabrication et la diffusion des sondages d’opinion en période électorale (loi no 77-808 du 19 juillet 1977, modifiée le 20 février 20024). Le souci du législateur a été de protéger la libre détermination du corps électoral d’une influence démesurée des sondages en les interdisant la semaine précédant le scrutin (période ramenée à 1 jour depuis 2002) et en créant une autorité de régulation, la Commission des Sondages.

Malgré cette restriction de la liberté d’information, le nombre des sondages électoraux a considérablement augmenté, passant de 111 en 1981 à 293 pour la présidentielle 2007 (selon les rapports de la Commission des Sondages). Il demeure difficile de lier l’augmentation numérique à un « poids » croissant dans le débat politique, constatation relativement empirique. Certains auteurs critiques des sondages[réf. nécessaire] n’hésitent cependant pas à parler d’un coup de force opéré par les sondages. Patrick Champagne (Faire l’opinion, le nouveau jeu politique, Minuit, 1990) estime que des professions para politiques (sondeurs, journalistes, chercheurs) se sont emparées des sondages pour imposer leur vision du monde, en interprétant ce que veut le peuple.

Les critiques des sondages d’opinion sont anciennes : dès 1948 Herbert Blumer s’interrogeait à leur propos 5tandis que Bourdieu affirmait en 1973 dans un article des Temps Modernes « L’Opinion publique n’existe pas » . Récemment l’échec des entreprises de sondages à anticiper le succès de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 a fortement écorné leur crédibilité, tandis que l’impartialité des entreprises de sondages et marketing, détenues par de grands groupes financiers proches des hommes politiques, est de plus en plus questionnée dans la société

Cette critique, émanant le plus souvent des sociologues, concerne plus particulièrement le rôle des sondages dans le fonctionnement de la société. Abondamment utilisés par les médias, les sondages constituent un miroir, peut-être déformant, pour la société qui au travers de questions simples et de chiffres ronds se donne une représentation d’elle-même.

Les sondés ont le sentiment de participer à la mesure de la réalité sociale. Ils perçoivent le sondage comme légitime pour lui-même plus que pour la question qu’il soulève. Répondre à un sondage constitue une participation à une institution de fait dans laquelle le sondé trouve la gratification d’être celui qui pour une fois va déterminer la réalité sociale. Il n’est dès lors plus très important de posséder effectivement un avis formé sur la question, l’acte de répondre l’emporte sur le sens de la réponse. Notre exemple précédent illustre bien comment trois échantillons a priori représentatifs parviennent à exprimer des réponses différentes et même opposées sur un même sujet. On peut en déduire qu’une partie des réponses est une réaction à une stimulation instantanée, plutôt que le reflet d’une opinion préexistante fruit des convictions et de la réflexion des individus sur un sujet particulier. Le sondage mesure donc pour une partie non négligeable de l’échantillon son propre effet sur les sondés.

Dès lors, considérant que la définition de la problématique, tant par le choix des sujets abordés que par la formulation des questions, appartient au sondeur, la construction du débat échappe à la société civile (associations, syndicats, intellectuels) qui possède une opinion formée sur un sujet et aux représentants élus pour échoir à des groupes de presse (dont les propriétaires viennent aujourd’hui souvent d’autres métiers) et des chaînes de télévision (exemple : Bouygues propriétaire de Tf1).

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