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Pourquoi l’Iran a droit à l’arme nucléaire par Philippe Simonnot

Pour comprendre la crise actuelle, il faut évoquer les ambitions nucléaires de l’Iran.
Pourquoi l’Iran a droit à l’arme nucléaire?.
Ces ambitions lui sont contestées par la dite « communauté internationale » alors qu’à notre avis elles sont légitimes.Il ne s’agit pas ici de prendre la défense du régime iranien, dont l’incurie chronique vient d’apparaître tragiquement aux yeux du monde entier à l’occasion du crash « par erreur » d’un avion ukrainien au dessus de Teheran, mais seulement de raisonner en termes de droit, ici le droit d’un Etat souverain d’assurer la défense de son territoire, droit revendiqué par notre propre pays quand il s’est agi de lancer dans la bombe atomique française.
Le problème de l’arme nucléaire iranienne, il faut en fait remonter à 1956 pour le bien comprendre.
Cette année-là, pour convaincre David Ben Gourion, à l’époque premier ministre d’Israël, de participer à l’expédition de Suez, la France de Guy Mollet a promis à l’Etat juif de le doter de l’arme nucléaire. Cet engagement a été pris dans le plus grand secret. Pour que ce secret soit bien gardé, il ne pouvait être question de financement public.Le budget – considérable – de la bombe israélienne ne pouvait donc apparaître dans les comptes publics israéliens. Cette bombe a donc été financée par des dons privés, en provenance de la diaspora. On peut donc dire que la bombe israélienne est une bombe privée. C’est la seule en son genre. Elle n’est toujours pas avouée par Israël, et de ce fait même n’est pas soumise à la surveillance de l’autorité internationale en la matière, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Là aussi elle est la seule dans ce cas.
Ensuite l’Allemagne puis les Etats-Unis sont venus encore renforcer l’arsenal atomique de l’Etat juif, qui est depuis plusieurs années formidable au sens propre du terme (sous-marins nucléaires, missiles balistiques à haute portée, etc.)
L’existence même de cette puissance nucléaire, qui n’a rien perdu de sa clandestinité, a créé un déséquilibre géostratégique fondamental dans la région, qui explique l’impunité d’Israël dans ses guerres de conquête et d’occupation, même lorsqu’il viole les résolutions les plus solennelles des Nations Unies. L’Irak, puis la Syrie ont essayé, on le sait, de corriger ce déséquilibre. Les embryons de réacteur nucléaire qu’ils avaient réussi à développer ont été détruits par des raids ciblés de l’aviation israélienne.
Rappelons que lorsque l’Inde s’est dotée de l’arme atomique (premier essai en 1974), le Pakistan a décidé de la suivre (premier essai en 1998). Et personne n’a contesté à cet Etat, pourtant musulman, le droit de rééquilibrer la balance stratégique du continent indien. Le tout sous le contrôle de l’AIEA.
L’Iran s’est lui aussi attelé à la tâche de dresser face au monopole nucléaire israélien au Moyen Orient une force capable de faire retrouver à cette région le nécessaire équilibre géostratégique. A noter toutefois, que, contrairement à l’arme israélienne, la force atomique iranienne, si elle avait vu le jour, aurait été soumise au contrôle de l’Agence internationale sus nommée. Mais tout de même, le déséquilibre stratégique aurait été au moins diminué.
Puis dans un geste, que l’on peut dire de conciliation et de bonne volonté, l’Iran,en 2015, a accepté de renoncer à cette arme en contre-partie d’un levée des sanctions économiques qui le frappaient. Les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la Chine, la France et l’Allemagne ont publiquement signé avec l’Iran cet accord, le Joint Comprehensive Plan of Action, pour l’appeler par son nom. Israël s’est opposé de toutes ses forces et de toute son éloquence à cet accord, car pour l’Etat juif, cet accord était mauvais en ce qu’il permettait de renforcer l’économie iranienne.
En 2018, sans doute sous la pression d’Israël d’une part, et des Evangelistes américains d’autre part, Donald Trump s’est retiré unilatéralement de cet accord, déchirant la signature des EtatsUnis. Cet acte insensé n’ a qu’une seule rationalité. Complaire à la fois à Israël et aux Evangélistes. Ces derniers ont contribué à l’élection présidentielle de Donald Trump, sont appelés à assurer sa réélection . Comme je l’ai montré dans Le Siècle Balfour, ce sont aujourd’hui les pires des sionistes.
La suite, on la connaît. C’est mois après mois puis jour après jour l’escalade de la montée aux extrêmes qu’a si bien analysées Clausewitz et qui ne peut que mener au pire.
Philippe Simonot
Ancien professeur d’économie du droit
Auteur de Le Siècle Balfour, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.

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