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« LES PAYS DE LA ZONE EURO ONT PRETENDU CREER LA MONNAIE UNIQUE SANS AVOIR DE FEDERALISATION DE LA ZONE,SANS PARTAGER LES MEMES VALEURS ET LES MEMES INTERETS » Ch.SAINT-ETIENNE

La crise au sein de la zone euro n’en finit plus de s’aggraver alors que la zone dans son ensemble a des comptes extérieurs équilibrés. Des propositions sont faites pour essayer de contrôler les événements. Elles vont toutes dans la même direction : durcissement des plans d’ajustement dans les pays déficitaires et mise en place d’une gouvernance économique européenne punitive qui se pare à tort des habits du fédéralisme alors que ce dernier est fondé sur une solidarité entre acteurs qui est totalement absente de la gouvernance punitive.

Comment expliquer la crise actuelle ? Pour bien comprendre les problèmes de la zone euro, il faut réfléchir à la situation des cinquante états constituant les Etats-Unis d’Amérique. Comment ont-ils pu tenir ensemble à travers toutes les crises des cent dernières années ? Parce qu’ils sont intégrés dans un Etat fédéral avec un budget fédéral représentant un cinquième du PIB américain, tout en partageant les mêmes valeurs et les mêmes intérêts stratégiques.

Les pays de la zone euro ont prétendu créer la monnaie unique sans avoir de fédéralisation de la zone, sans partager les mêmes valeurs et les mêmes intérêts, et tout en se livrant à une concurrence fiscale et sociale frontale. Le sommet a été atteint quand la France et l’Allemagne ont apporté 85 milliards d’euros à l’Irlande qui revendiquait le droit de leur faire une concurrence fiscale directe avec un taux d’impôt sur les sociétés de 12,5%, presque trois fois plus faible que le taux français. La concurrence, pour être efficace, suppose que tous les acteurs, comme c’est le cas au sein des Etats-Unis d’Amérique, opèrent avec les mêmes règles fiscales et sociales. Aux Etats-Unis, les principaux systèmes sociaux et fiscaux sont fédéraux et la totalité du pays est soumis aux mêmes règles pour le commerce ou la finance.

Si cette erreur de conception de l’euro ne suffisait pas, il convient de noter qu’au moment même où les pays membres mettaient en œuvre l’euro en 1999, ils adoptaient des politiques opposées. L’Allemagne, suivie des Pays-Bas et de l’Autriche, a choisi un modèle industriel et exportateur pour retrouver sa compétitivité et engrange depuis plusieurs années des excédents de balance courante. La France, et dans une moindre mesure l’Espagne et l’Italie, a choisi un modèle de consommation tirée par une dépense publique à crédit. Ce modèle s’est traduit par une forte désindustrialisation et des déficits croissants de balance courante. Chacun de ses modèles a ses avantages et ses limites, mais ils ne peuvent fonctionner ensemble au sein de la même zone monétaire, surtout si cette dernière n’a pas de budget permettant de redistribuer des ressources d’un pays à l’autre. La crise de l’euro a restauré la « contrainte extérieure » venant du déficit de balance courante et les pays du sud sont menacés par leur déficit extérieur au moins autant que par le déficit public.

Pour atténuer la crise, on exige des pays du sud qu’ils réduisent fortement leur déficit public, aggravant celle-ci par la réduction de la demande globale au sein de la zone. Que les pays du sud fassent un effort important pour revenir à l’équilibre de leurs comptes est effectivement nécessaire. Mais il est tout aussi essentiel de compléter ces ajustements par un plan de relance au niveau de l’ensemble de la zone afin de redonner confiance aux acteurs économiques sur les perspectives de croissance de la zone. Il serait parfaitement justifié de mettre en place un plan de relance de 150 milliards d’euros pour financer des infrastructures nouvelles de toutes natures au sein de la zone euro en faisant appel à des financements obligataires dont le remboursement serait garanti par la création d’un budget de la zone.

Il est donc clé de comprendre qu’une gouvernance punitive exigeant toujours plus de baisse des déficits des pays du sud sans relance au niveau de la zone est l’inverse d’une fédéralisation de la zone ou d’une partie de la zone. Les principaux pays de la zone doivent s’unir en prenant trois séries d’engagements : – instaurer des minima fiscaux et sociaux entre eux, par exemple s’engager à ne pas baisser le taux de l’impôt sur les sociétés et le taux de fiscalité de l’épargne au-dessous de 20%, – s’interdire des déficits structurels des Etats membres de cette fédération monétaire supérieurs à 1% du PIB aussi longtemps que la croissance est égale ou supérieure à la croissance potentielle avec un bureau fédéral en charge de faire respecter ces engagements en se substituant aux Etats nationaux défaillants, – mettre en place un budget spécifique à cette zone atteignant rapidement 3% du PIB de la zone pour financer des infrastructures, de la R&D et la mise en place d’un tissu d’universités fédérales. C’est ce budget fédéral qui pourrait être financé par des eurobonds (obligations européennes). En attendant la mise en place de ces nouvelles orientations, il faut que la BCE rachète la dette de tous les pays prêts à s’engager sur la voie de la fédéralisation économique de la zone euro.

Tant que l’on confondra gouvernance punitive et fédéralisation économique et que l’on proposera une accentuation permanente des ajustements des pays déficitaires sans relance au niveau de la zone, on ne fera qu’accentuer une crise qui est désormais pratiquement hors contrôle.

Ch.SAINT-ETIENNE

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