Le libéralisme peut-il être un totalitarisme ?
Demandons-nous-ce qu’est vraiment le totalitarisme et comment on peut le caractériser. Le totalitarisme cherche à contrôler toutes les facettes de l’activité humaine. Il ne peut rien contre les idées, elles lui sont hors de portée. Reposant sur l’absence de pouvoir et de contrôle, le libéralisme est donc l’inverse de toute forme de totalitarisme. Pourtant, beaucoup semblent penser le contraire.
Cinq caractéristiques viennent à l’esprit pour cerner le totalitarisme :
- Le constructivisme, la volonté de construire un certain type de société : « les connaissances et les croyances des hommes doivent servir d’instrument pour la réalisation d’un but unique» (Hayek).
- Le collectivisme, où le collectif (nation, peuple, prolétariat…) est une entité voulue supérieure à l’individu : « le totalitarisme repose sur « une conception d’ensemble du tout » (Hayek).
- L’esprit monopoleur (protection contre l’étranger, l’ennemi interne ou externe désigné, etc.).
- Une idéologie, soit sociale, soit politique, soit religieuse, soit pseudo-mystique. Dans le cas du nazisme, c’est la conception de la supériorité d’une race. Dans le cas du communisme, c’est la conception dite de la lutte des classes. Avec « dite» en italiques, car on peut voir le libéralisme comme la lutte de la classe du peuple contre celle des hommes de pouvoir, ce qui définit rien de moins que l’antitotalitarisme.
- L’utilisation de « mots-virus », à l’usage déformé, afin de conditionner les esprits et de les sidérer. Ce qu’Ayn Rand appelle le « vol de concept » et qui fonde toute propagande.
Certains voient le libéralisme comme tout aussi totalitaire que le communisme, sous prétexte que ses « disciples » chercheraient à imposer leur idéologie. Or il est l’inverse d’une idéologie, puisqu’il établit les conditions pour que toute idéologie puisse s’exprimer – pourvu qu’elle respecte les autres.
Ainsi, le libéralisme libertarien n’est pas constructiviste : il laisse chaque individu ou groupe d’individus décider de leur manière de vivre dans la société ; le seul impératif étant la non-agression et le consentement explicite des personnes à toute forme de loi. Il ne demande que le respect de ce même devoir par tous. Une telle demande relève-t-elle du totalitarisme ? Ou du fondement social ?
Le libertarien n’est pas collectiviste, il est individualiste. Rien n’est au-dessus de l’individu et si entité collective il y a, elle ne tire sa légitimité que du consentement de ses membres, sans les soumettre : « [Les libéraux] soutiennent que seuls les individus pensent, préfèrent, agissent et choisissent. Ils croient que les individus sont propriétaires de leur corps, et qu’ils ont le droit de n’être pas victimes d’intrusion violente. » (Murray Rothbard)
Le libertarien nie l’existence de tout monopole qui ne serait de source étatique. Il souhaite laisser jouer la concurrence dans tous les domaines de la vie sociale, justement pour éviter les monopoles.
Le libertarianisme dépasse toutes les idéologies, mais ne tolère aucune violence envers les personnes dans leur liberté et leur propriété. Tolérance complète en tout choix individuel, mais intolérance absolue quant au respect du droit propriété et au respect du principe de non-agression.
Enfin, le libertarianisme n’a pas besoin mots-virus ni d’euphémismes pour contrôler les esprits. Il n’a pas besoin de mentir au peuple, car c’est le peuple lui-même qui détient le pouvoir politique.
Un autre fantasme voit le libéralisme comme une « dictature des marchés », où la concurrence sauvage ferait et même imposerait la loi de la jungle, même à ceux qui n’en veulent pas.
Pourtant, le marché est l’expression continue de la seule dynamique combinée des actions et des échanges des individus qui le composent : comment un peuple pourrait-il être son propre dictateur ? La concurrence n’est jamais une menace, même si elle peut être exigeante envers chacun. Pas une menace car elle est porteuse de l’opportunité pour chacun de déterminer sa place sociale. On peut voir le socialiste pro-monopole comme un pessimiste indécrottable qui ne croit pas en ses chances ni en celle des autres, là où le libéral est un optimiste obstiné qui croit en l’avenir de l’homme.
Citations
« Le libertarianisme n’a pas pour but de remodeler la nature humaine. En revanche, un des objectifs principaux du socialisme est de créer (en pratique en utilisant des méthodes totalitaires) l’Homme Nouveau acquis au socialisme, un individu dont la fin ultime serait de travailler avec diligence et altruisme au service du collectif. Le libertarianisme est une philosophie politique qui affirme que, quelle que soit la nature humaine, un système politique moral et efficace ne peut être fondé que sur la liberté. » (Murray Rothbard)
« Le totalitarisme est bien autre chose que la simple bureaucratie. C’est la soumission totale de l’individu, dans le travail et dans le loisir, aux ordres des dirigeants et des fonctionnaires. Il réduit l’homme à n’être qu’un rouage dans un mécanisme de contrainte et de coercition qui embrasse tous les aspects de la vie individuelle. Il oblige l’individu à renoncer à toute activité que l’État n’approuve pas. Il transforme la société en une armée du travail admirablement disciplinée, disent les défenseurs du socialisme, en un bagne, répliquent ses adversaires. En tout cas, il rompt de façon radicale avec le mode de vie auquel les nations civilisées étaient traditionnellement attachées. » (Ludwig von Mises)
S.Geyres