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La vraie bataille pour l’emploi par Jacques Attali

Le président de la République a raison de dire que la France ne peut pas accepter une réforme si celle-ci ne s’inscrit pas dans un projet d’ensemble, visant à la grandeur du pays.
Ce n’est malheureusement pas le tour que prend aujourd’hui le débat public : pour le moment, l’opinion n’entend parler que de réduction des droits des salariés et de coupes budgétaires. Cela ne fait pas un projet de société. Et encore moins une vision fraternelle de l’avenir.
Si on continue ainsi, la France, une fois de plus, risque de s’enliser dans la bataille d’hier, et de négliger celle qui conditionne son destin au 21ème siècle.
Toutes les études internationales, toutes les expériences, toutes les analyses montrent en effet que l’emploi est moins lié aux conditions du recrutement et du licenciement qu’au niveau de compétences des travailleurs : Plus on est formé, tout au long de sa vie, moins on a de risque d’etre chomeur.
C’est d’abord vrai de la formation initiale : les diplomés de l’enseignement supérieur sont, partout, beaucoup moins souvent et beaucoup moins longtemps chomeurs que les autres. Que la formation supérieure soit générale ou professionnelle. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le taux de chômage est inférieur à 4 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur et supérieur à 10% pour ceux dont le niveau est inférieur au deuxième cycle de l’enseignement secondaire.
C’est ensuite vrai de la formation permanente : Plus elle est développée, moins il y a de chomage : En Allemagne, où le chomage est moitié moindre qu’en France, 1 chômeur sur 5 est en formation, contre 1 sur 10 en France. En Autriche, 4 chômeurs sur 10 sont en formation et les jeunes de moins de 18 ans, sortis du système scolaire, sans apprentissage doivent suivre obligatoirement une formation financée par les services publics limitant ainsi à six mois leur période maximale de chômage. Au Danemark, dès qu’un jeune est sans emploi pendant six mois, il est intégré de façon obligatoire dans une formation intensive.
Si, en France, le niveau de formation initiale semble s’améliorer, la formation permanente y est un désastre : elle est reservée, pour l’essentiel, à ceux qui ont un emploi, privé ou public ; seuls 10 à 12% des inscrits pôle emploi ont accédé à une formation, alors que six chômeurs sur dix ont retravaillés dans les six mois suivant une formation proposée par Pôle emploi
Et ceci, dans une connivence totale et silencieuse des institutions, des partis politiques, des entreprises et des syndicats : Dans les entreprises, il n’est pas naturel de s’adresser aux universités pour former ses collaborateurs, ni de financer la formation des chômeurs. 97% des organismes de formation professionnelle relèvent du secteur privé et ne forment que les salariés des entreprises. Dans les universités , il reste mal vu de préparer les jeunes au travail et plus encore de former aux connaissances nouvelles des diplômes des années ou des décennies précedentes. ( De fait, les universités francaises n’ont même, pour la plupart, aucune idée de ce que sont devenus leurs anciens étudiants ; et encore moins de leurs besoins de formation).
Un grand projet pour le pays serait pourtant évident : Dans un monde où tout se joue sur le savoir, mettre tous les moyens sur la formation de tous, tout le temps. A l’école, à l’université, dans la vie active. Et en priorité les plus fragiles.
Une premiere réforme, tres bienvenue, dans ce sens, vient d’etre décidée, donnant plus de moyens aux ecoles maternelles des quartiers difficiles (à condition bien sur de ne pas réduire pour cela les effectifs d’enseignants remplacants, mais avec de vrais recrutements nouveaux).
Il faut aller beaucoup plus loin et déclarer que tout chomeur doit etre formé, après six mois de chomage, et rémunéré pour cela . En mélant, parmi les enseignants, ceux dont c’est le métier et ceux qui sont, par leur métier, à la pointe des savoirs de demain.
Là est la bataille du 21ème siècle, la passionnante bataille : former mieux, sans cesse, aux besoins et aux savoirs du monde.
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