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INTERVIEW de Philippe Bloch:« J’ai vécu tellement d’emmerdes chez Columbus »

Philippe Bloch, créateur de Colombus Café en 1994, auteur de nombreux livres sur l’entreprise et l’entreprenariat, conférenciers et animateur de conventions et d’une émission radio dominicale « Entreprise BFM », revient sur son expérience professionnelle et sa vision de l’entreprenariat. Ce boulimique de travail (80 heures par semaines, 7 jours sur 7) nous a accordé 20 minutes de son temps…

En tant qu’entrepreneur et observateur des entreprises depuis 25 ans, quels conseils donneriez-vous à un créateur d’entreprise pour qu’il réussisse ?  

Tout ce que j’ai appris sur les qualités nécessaires pour entreprendre, je les ai synthétisées dans le livre « Bienheureux, les fêlés », qui est extrait d’une citation d’Audiard qui est « Bienheureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière ». L’idée est de dire que c’est le plus beau métier du monde d’entreprendre mais aussi le plus fou et qu’il faut être un peu dingo pour le faire. C’est un bouquin assez rigolo et personnel, où je raconte les dix années de Colombus. Par quoi on est passé, en termes de bonnes choses, de choses plus compliquées et ce que j’ai appris.          

Le premier conseil est que quelque soit la nature du projet, c’est de se donner une grande ambition, le fameux « think big » des Américains. Penser grand parce que construire une entreprise est toujours plus compliqué, plus long et plus chiant que prévu. Et c’est normal parce que la vie n’est pas simple. Le vrai problème de quelqu’un qui n’a pas une grande ambition est que dès qu’arrive les premières difficultés, il a tendance à se décourager et que le rêve n’étant pas assez excitant, les perspectives du projet n’étant pas si sexy, il a tendance à dire : «  ça ne marche pas, j’arrête ». La condition sine qua non de ne pas abandonner à chaque difficulté d’un projet est que le projet soit plus sexy, plus bandant que la réalité. Parce qu’à ce moment-là, on se dit « bon allez je suis dans la merde, mais c’est quand même con d’abandonner parce que dans dix ans, ce sera génial ».

La deuxième condition est d’avoir une capacité importée de l’angoisse et exportée de l’enthousiasme. Je pense qu’un entrepreneur est une personne qui recycle en permanence les mauvaises nouvelles et les emmerdements qu’il prend sur la gueule un enthousiasme intact pour entrainer avec lui ses équipes, ses clients, ses banquiers, ses partenaires, ses fournisseurs. Et on le sait bien, quand on a des difficultés de trésorerie, quand on ne sait pas comment on va payer l’URSAFF, quand on ne sait pas comment on va payer une facture, on va commencer à avoir une pression des gens. Si l’on n’a pas la capacité à faire rêver, à dire que « oui, il y a des difficultés », mais on a réussi telle ou telle chose, on abandonne et on a du mal à convaincre ses équipes.

La troisième chose est qu’il faut fondamentalement prendre du plaisir. Je suis quand même fascinée de voir le nombre de gens qui subissent leur travail, n’aiment pas ce qu’ils font, les gens avec qui ils le font, n’aiment pas l’entreprise dans laquelle ils font leur super boulot. Je pense que l’un des privilèges de l’entrepreneur, et c’est aussi sa faiblesse d’ailleurs, est qu’il est libre et qu’il fait ses propres choix. Il ne peut pas en vouloir à tout le monde d’un truc qu’il n’aime pas. Il faut impérativement chaque matin qu’il se dise : « j’ai envie d’y aller ». Mon conseil, c’est choisir un métier que vous aimez, les produits que vous aimez. Si en plus il correspond à un marché en demande, c’est génial.

Le positivisme est-il un concept que l’on apprend ou est-ce quelque chose d’inné ?

Je ne sais pas. Ce que je pense c’est que je ne connais pas d’entrepreneur qui réussisse sans avoir été optimiste. Les entrepreneurs qui échouent sont généralement des gens par nature pessimiste et qui du coup n’ont pas su trouver dans l’adversité les façons de combattre les difficultés parce qu’ils étaient entrainés par leur pessimisme. L’optimisme est un état d’esprit tellement puissant que vous n’êtes pas affecté par les mauvaises nouvelles ou alors qu’il vous permet de ne pas être immobile face aux mauvaises nouvelles.

Le pessimiste est totalement figé parce qu’il ne trouvera aucune solution et son état d’esprit l’emportera sur la croyance qu’il peut s’en sortir. L’optimiste ne s’attaque qu’à des choses sur lesquelles il a un vrai pouvoir. Il ne va jamais sur des combats sur lesquels il n’a aucun levier. Et il choisit des leviers sur lesquels il a de véritables pouvoirs d’action. L’entrepreneur est par définition optimiste. L’optimisme est ensuite révélé dans son activité d’entrepreneur. Parfois, il pense être optimiste et en fait il ne l’est pas. Il est fondamentalement pessimiste. Si son business va bien où tous les marchés son faciles, il peut réussir quand même. Mais le pessimiste va échouer plus vite quand l’adversité arrive.

L’optimisme est une condition sine qua non de l’entreprenariat, mais on ne peut pas vraiment le savoir, sauf si dans la vie vous avez toujours démontré des qualités de vie absolues.

Je vous assure que j’ai vécu tellement d’emmerdes chez Columbus qu’aujourd’hui j’aime bien rappeler que je suis fait en béton et recouvert de téflon, c’est-à-dire que rien ne m’affecte et tout glisse. Les seules choses qui m’affectent sont les problèmes de santé, le reste il m’en faut beaucoup pour m’émouvoir. Et ça se renforce avec les années, parce que j’ai une autre conviction que j’explique dans mon bouquin «  Ne me dîtes plus jamais bon courage », c’est que nous sommes en France dans un pays où la surprotection de tout, tout le temps, partout, pour tous les sujets, fait que nous avons perdu nos défenses immunitaires. C’est un drame absolu de la société française aujourd’hui qui fait que l’on a tellement peur de prendre un risque, là-dessus je rappelle aussi qu’en Anglais, on le traduit par « take a chance », ce qui n’a pas la même signification ou interprétation; je pense que l’aspect de surprotéger affaiblit et entreprendre aguerrit.

Je suis convaincu de ça aujourd’hui et qu’à force de braver les emmerdes et rompre l’adversité problème après problème, il n’y a pas grand-chose qui me paraît impossible ou qui m’affecte aujourd’hui. Je pense que nous sommes de très nombreux entrepreneurs à être comme ça.

Ça en vient à une autre qualité d’entrepreneur : la ténacité absolue et la capacité à ne jamais abandonner y compris quand tout le monde vous explique que ça ne marchera jamais ou que d’ailleurs ça n’a pas marché et que l’on aurait dû le comprendre. Bien évidemment, il y a des moments où il ne faut pas être idiot et éventuellement s’arrêter s’il n’y pas d’autres issues. Mais dans 90% des cas, on trouve des issues. La ténacité me paraît être une qualité indispensable. Il faut aussi avoir une bonne hygiène de vie et une bonne santé même si l’on ne décide pas de sa santé, mais on peut l’influencer par son style de vie. Je ne suis pas un exemple, mais j’ai toujours bossé 80 heures par semaine, sept jours sur sept sans être fatigué. Je ne connais pas d’entrepreneur qui ait réussi sans avoir beaucoup travaillé. Donc il vaut mieux avoir la santé.

Je crois qu’il faut également du courage. Un entrepreneur qui réussit a des valeurs, quelle qu’elle soit et ces valeurs, il faut du courage pour les défendre, comme l’éthique, ou la diversité ou la tolérance qui est une de mes valeurs d’ailleurs. Il faut aimer les gens, ses équipes et les gens pour lesquels on bosse.

Vous êtes en plus d’être entrepreneur et chroniqueur, un business angel dans le secteur des nouvelles technologies, pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ? 

 

Entre autre. J’ai plutôt une boîte qui fait de la gestion numérique mobile, une autre dans le logiciel. J’avais investi dans une boîte qui vendait des lunettes par Internet, mais on s’est trompé. J’ai investi un peu d’argent dans une boîte qui fait de la conciergerie privée qui est une très belle entreprise. Il y a différents secteurs d’activité. Pour moi, ce sont des amis plutôt qu’autre chose. Je ne suis pas très riche, je gagne bien ma vie et j’ai plus d’argent que je n’en ai besoin et cela me permet de le re-dépenser sur des projets sympas. J’y vais vraiment au feeling, pas comme un fond d’investissement avec des rentabilités dans 5 ans et une revente dans 5 ans. Je suis plutôt des projets qui m’amusent, qui m’inspirent et dont je pense que je peux les mettre en réseau avec des gens que je connais. Et après, je passe du temps avec eux dans la mesure de mes moyens pour justement les recadrer quand je pense qu’ils déconnent, les aider à prendre les bonnes décisions au bon moment.

Avez-vous un nouveau projet d’écriture ?

En ce moment, je bosse sur un bouquin, mais alors là je n’en ai jamais parlé à personne et c’est bien parce que vous posez la question que je vous le dis. Parce que vous ne savez jamais où un bouquin vous entraîne et je suis infoutu de savoir comme je bosse comme une brute si je vais arriver à le faire. Mais si tout va bien, j’aimerais qu’il y ait un nouveau bouquin à la rentrée. Ce sera plutôt dans la même veine que « Ne me dîtes plus jamais bon courage », plutôt un bouquin de société.

L’autre scoop est que « Ne me dîtes plus jamais bon courage » sortira en édition de poche à la rentrée, ce qui prouve le succès de la version initiale. C’est un bouquin sympa, atypique parce que j’ai fait des bouquins plutôt business sur le client, l’esprit d’entreprise, l’entreprenariat et là c’était la première fois que je m’aventurais sur un bouquin grand public. D’ailleurs ce qui est sympa aussi entre décembre 2013 et janvier 2014, il était pendant 4/5 semaines parmi les 15 meilleures ventes dans les classements l’Express, le Point. Il a été vraiment un grand succès public et ça fait vraiment plaisir. C’est un peu le fruit de mon expérience d’entrepreneur qui m’a rendu optimiste et dont j’ai eu envie de partager l’optimisme.

Pour aller plus loin :

www.philippebloch.comwww.plusjamais.frwww.bookee.com

www.operation-boomerang.comwww.bienheureuxlesfeles.com

G.B

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