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Interview de Geoffroy Lejeune : « Emmanuel Macron est en phase avec son époque »

Quelle est la genèse de votre vocation ?

Je suis né  en 1988 dans une famille de six enfants peu politisée. Les cours que j’ai suivis à Science Po m’ont initié  et donné le gout de l’histoire politique contemporaine mais finalement j’ai vite compris que le militantisme en tant que tel ne m’intéressait pas et je me suis tourné vers le journalisme qui est une autre approche de l’univers politique en étant commentateur plus qu’acteur.-        

  Pourquoi « Valeurs Actuelles » ?

Le magazine « Valeurs Actuelles » a longtemps été un hebdo plutôt économique à l’audience confidentielle ; il a modifié sa ligne éditoriale  et est aujourd’hui prescripteur d’opinion et l’un des rares organes à influencer le débat public. Il faut savoir que le marché de l’embauche dans le domaine du journalisme est extrêmement étriqué mais que j’ai eu la chance d’intégrer la rédaction du « Point » puis d’entrer à VA en tant que stagiaire. Je suis devenu rédacteur en chef adjoint au service politique en juin 2013 puis rédacteur en chef en 2016-     

     Le journal a soutenu ouvertement la campagne de François Fillon : en tant qu’observateur attentif de la droite en France, comment expliquez-vous ce désastre ?

Pendant des années les études d’opinion ont pointé la sensibilisation des Français sur les thèmes identitaires : meilleure protection de l’Etat face au terrorisme , (pouvant passer d’ailleurs par une  phase autoritaire) , souci d’une laïcité qui remettrait les religions sur un pied d’égalité. Une fracture s’est creusée sur cette ligne de crête. Les Manifs pour tous ont également joué un rôle avec l’éclosion d’une pensée de « droite » autour de Bellamy, Fabrice Hadjajd… Je suis persuadé que le réveil culturel de cette droite aura une traduction politique… On l’a vu en mai 68 : il y a  eu un temps de latence entre le champ épistémologique de la pensée libertaire et quinze ans plus tard Mitterrand qui fut porté au pouvoir-      

    Vous avez publié un livre : « Une élection ordinaire » aux éditions RING. Il s’agit d’une œuvre de politique-fiction. Comment voyez-vous l’évolution des prochains mois ?

La fracture dont je parlais tout à l’heure existe aujourd’hui au sein des partis, par exemple dans l’état-major des LR la ligne de partage passe entre 80% de membres du Bureau politique qui sont dans la neutralité bienveillante face à Emmanuel Macron, voire plus et 20% dans l’opposition pure et dure. Mais cela ne reflète aucunement la base des 250 000 adhérents. Le Congrès LR de l’automne donnera la tendance : ce sera sans doute Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui récupèrera le parti.

Mais cela provoquera une scission, douce d’ailleurs, chacun regagnant la maison dont il est idéologiquement issu entre un néo-RPR autour de Wauquiez et un néo-UDF (centre) avec NKM, Raffarin, Apparu… Il y aura également du chambardement du côté du FN avec l’éviction attendue de Florian Philippot. Quant au Président, il a eu le mérite de re-sacraliser la fonction tout en ringardisant le « vieux » personnel politique. Je dois d’ailleurs faire mon mea culpa par rapport à Emmanuel Macron que je n’avais pas pris au sérieux et dont je n’avais pas mesuré l’envergure. Laurent Fabius lui a dit lors de l’investiture : « Vous êtes un homme de votre temps ». C’est exactement cela : il est en phase avec son époque, il incarne un certain progressisme et son action va atomiser les partis traditionnels. Mais ce progressisme est tempéré par le souci du consensus : son expression favorite n’est-elle pas « et en même temps » ? Il cherche à ménager un équilibre. –         

 Après avoir soutenu, on l’a vu, François Fillon,  quelle ligne éditoriale allez-vous choisir ?

L’exercice journalistique doit être nuancé : pas d’opposition systématique. Par exemple nous allons donner la parole à l’actuel ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer dont le parcours est un sans faute

Nous ne sommes derrière aucune écurie. Nous voulons ouvrir le débat. Il ne faut pas s’enfermer dans un corner.

Sandrine R

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