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Exit : de quoi veut-on vraiment sortir ? par Pierre de Laubier

Depuis que le Royaume-Uni s’est prononcé par référendum en faveur de la sortie de l’Union européenne, des voix se font entendre pour réclamer de semblables consultations en France ou ailleurs. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?

La première réflexion qui me vient à l’esprit est qu’il est un peu tard. Car l’Union européenne est comme une secte : il est facile d’y entrer et difficile d’en sortir. Ou plutôt, il paraît difficile d’en sortir.

La seconde réflexion, c’est que les consultations électorales sont, de plus en plus souvent, hostiles à l’extension des prérogatives de l’Union européenne. Ce qui n’empêche pas les électeurs de voter pour des partis favorables à la « construction européenne ». Ce qui pose la question de la manière dont les citoyens sont « représentés » par les élus qui siègent dans les assemblées. Et aussi la question suivante : le référendum britannique sera-t-il bel et bien suivi d’effet ?

De la part des Etats membres, les tentatives de limiter la propension des institutions européennes à sécréter continument une masse impressionnante de règlements et de normes sont à peu près sans effet. Pourtant, les élus qui siègent au parlement européen et ceux qui siègent dans les parlements nationaux appartiennent aux mêmes partis. Ce sont souvent les mêmes personnes !

En réalité, la propension des Etats à régler tous les détails de la vie des citoyens, et à disposer à leur place de leurs ressources, est sans limite. Le fameux « principe de subsidiarité » est une vaine parole qui ne se traduit pas ou peu dans les constitutions. Cette tendance à la toute-puissance trouve dans l’existence des institutions européennes non pas des obstacles, mais des relais. Les hommes politiques nationaux raillent et critiquent ostensiblement la bureaucratie bruxelloise. Il n’empêche que la bureaucratie administrative et politique de chaque Etat fait preuve d’un zèle sans faille à transposer les directives de Bruxelles et à les faire appliquer. Si les Etats nationaux décidaient de faire preuve d’inertie, il est probable qu’une grande partie de ces directives resteraient lettre morte. Il y a donc un double langage. Ceux qui contestent la toute-puissance européenne veulent-ils vraiment préserver l’autonomie des citoyens ? Ou veulent-ils au contraire conserver ce pouvoir pour eux-mêmes ?

En ce qui me concerne, obéir à des lois absurdes édictées par des institutions absurdes et lointaines n’est guère plus désagréable que d’y obéir si elles émanent d’institutions plus proches, mais guère moins absurdes. On dit que les institutions européennes souffrent d’un manque de contrôle démocratique. Certes. Mais je ne suis pas sûr que les institutions politiques nationales, qui, après tout, leur ont servi de modèle, soient plus satisfaisantes de ce point de vue.

Si elles l’étaient, il n’y aurait pas besoin de référendum : les élus britanniques, faisant corps avec leurs électeurs, auraient pris l’initiative de sortir de l’Europe sans avoir besoin de recourir à cette consultation.

Quand on rassemble des Etats dont la propension à l’exercice d’un pouvoir tutélaire, pour ne pas dire totalitaire, est immense, l’entité politique et administrative qui en résulte conserve ces caractères. Qu’on la coupe en morceau, et chaque morceau conservera ces fâcheuses tendances.

La question principale n’est donc pas de sortir de l’Europe. C’est de sortir des Etats. Autrement dit, de remplacer la culture du pouvoir par une culture du contre-pouvoir. D’être représenté non par des élus qui siègent dans des parlements, lesquels assurent leur subsistance, leur confort et même leur luxe aux frais de l’Etat, mais par des corps intermédiaires solides, puissants et légitimes. Ils peuvent être associatifs ou syndicaux, provinciaux ou municipaux, ou encore traditionnels et familiaux.

Celui qui fonde une école fait plus, chaque jour, pour la liberté d’enseignement que des milliers de professeurs défilant pendant des jours entiers contre une réforme. Les groupes de pression, tant décriés, ne sont pas obligés de solliciter de l’Etat des faveurs législatives ou fiscales. Pourquoi ne travailleraient-ils pas à exiger de l’Etat une limitation de ses prérogatives ?

Que les règlements tatillons qui me tracassent tous les jours soient inventés par des fonctionnaires français établis à Paris, ou par des fonctionnaires allemands, portugais ou tchèques établis à Bruxelles ou ailleurs, franchement, cela ne fait pas grande différence à mes yeux.

On parle d’exit. Mais de quoi veut-on vraiment s’affranchir ?

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