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EDF menace de disjoncter : chronique d’une pénurie annoncée

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« La France ne connaîtra pas de pénurie d’électricité cet hiver » assure Ségolène Royal. Pouvez-vous y croire ? C’est même « une très bonne chose qu’un certain nombre de réacteurs soient contrôlés », a-t-elle estimé. Formidable, nous voilà rassurés…

Pas tout à fait quand même… Fin octobre, la ministre n’avait pas caché ses inquiétudes, adressant un courrier à Jean-Bernard Lévy, patron du groupe énergétique, pour s’assurer des capacités d’approvisionnement en électricité.

Le groupe aurait répondu qu’il n’y avait pas de risque pour cet hiver, même si ce sont 21 réacteurs sur 58 qu’exploite EDF dans ses 19 centrales françaises qui ne fonctionnent plus.

Puce Plus d’un tiers du parc nucléaire est à l’arrêt
Certains réacteurs le sont pour une « maintenance classique », d’autres pour « observation », soupçonnés par l’Autorité de Sûreté Nucléaire de ne pas être conformes au cahier des charges. L’ANS a refusé de donner son feu vert pour la remise en marche de ces derniers, contraignant EDF à annoncer, début novembre, une diminution de sa production nucléaire.

Il se trouve que la France est habituellement exportatrice dans ce domaine. Les clients devront aller voir ailleurs.

Au vu des sombres prévisions de la RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF), devrez-vous vous inquiéter à l’approche d’un hiver que d’aucuns annoncent glacial ? Pour l’heure, rien ne sert de spéculer sur une donnée aussi incertaine que la météo, laissons cela à d’autres… mais, il n’empêche qu’entourée de volets, de plaques de cuisine, et de chauffage électrique, je commence à m’inquiéter de ce que pourrait donner une pénurie… La conjonction la plus malheureuse de grand froid, d’absence de soleil et de vent pourrait tout à fait nous conduire à des soucis réels d’approvisionnement des foyers.

L’autre versant d’une éventuelle pénurie est pécuniaire : d’exportatrice, la France devient importatrice avec les désagréments qui vont avec. Je m’explique : au nom de la concurrence, la loi Nome impose, depuis 2010, le partage de la « rente nucléaire » entre EDF et les autres producteurs alternatifs d’électricité. L’entreprise publique cède donc une partie de sa production à un prix garanti de 42 euros le mégawattheure. Avec la baisse de la production de cette année, les prix explosent (80 euros). Voilà EDF contraint de racheter de l’électricité à ceux à qui elle l’a vendue deux fois moins cher, sinon pire… Bonjour la spéculation ! Et qui va payer la note ? Le contribuable !

Mais pourquoi ne pas interrompre ce mécanisme qui contribue à gonfler la note me direz-vous ? Je n’ai pas la réponse, Ségolène Royal non plus visiblement.

Puce Le nucléaire coûte cher et de plus en plus cher
Je ne vous apprends rien. Nous ne sommes pas près d’en sortir. Nous ne sommes plus à une contradiction près : le gouvernement souhaite réduire la part du nucléaire, EDF s’y oppose (forcée par l’ANS), le gouvernement parle de développer les énergies renouvelables, EDF investit dans le gaz de schiste américain via sa filiale EDF Trading. Le gouvernement lutte contre la précarité énergétique, EDF hausse les prix.

Puce Qu’est ce qui pourrait limiter une éventuelle crise ?
Le fait que le problème soit européen et que la solution puisse venir en même temps d’une collaboration européenne. Qu’est ce qui pourrait l’aggraver ? Un arrêt prolongé des centrales nucléaires, en France et dans les pays limitrophes, la pénurie du gaz russe…

Ce déficit prévisionnel est lié à l’arrêt de plusieurs centrales à gaz, au fioul ou au charbon, soit une perte de capacité installée pour le réseau. Les arrêts de centrale sont liés au durcissement des normes environnementales, à l’essor des énergies renouvelables et à une demande atone.

Globalement, nous sommes en situation de surcapacité mais nous avons une situation de manque de puissance pour les pics de consommation.

La France est le pays européen le plus sensible à la température, liée à la forte part du chauffage électrique. La France représente 15% de la consommation électrique européenne mais 50% de la demande supplémentaire en cas de baisse de la température.

Nos équipements sont énergivores et vous aurez beau produire ou utiliser des énergies propres, cela ne changera rien au fait que votre radiateur électrique consomme trop d’électricité en période de pic et que la chaudière de l’immeuble soit bloquée à 25 degrés.

Gardez votre stock de bougies pour l’anniversaire du petit, pour Noël ou pour le plaisir d’une lumière feutrée. Inutile de fantasmer sur un hypothétique retour à la bougie et au feu de bois. La réalité est bien moins romanesque et la note risque d’être salée* surtout si, comme moi, vous habitez un immeuble surchauffé et que vous n’êtes pas maître du thermostat.

Si vous êtes propriétaire, n’hésitez plus à recourir à un diagnostic énergétique. Voyez en quoi vous pouvez concrètement diminuer votre dépendance au système de fourniture d’électricité nucléaire devenant de plus en plus incertain et onéreux, comment vous pouvez diminuer concrètement votre consommation.

* La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) annonce que le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe, 35% de votre facture) connaîtra une augmentation non négligeable en août 2017. Cette augmentation serait largement supérieure à l’inflation, dont les niveaux restent très bas dans l’Hexagone.

M. Saïdi

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