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Mbañé : l’îlot disputé entre le Gabon et la Guinée équatoriale

Petit confetti de terre au large des côtes gabonaises, l’île de Mbañé cristallise depuis plusieurs décennies une querelle territoriale tenace entre Libreville et Malabo. En toile de fond : le contrôle de précieuses zones maritimes du golfe de Guinée.

À première vue, Mbañé n’est qu’une modeste île sablonneuse perdue dans la baie de Corisco, au nord-ouest du Gabon, à une dizaine de kilomètres à peine de la côte de la province de l’Estuaire. Sa superficie — une vingtaine d’hectares — n’évoque guère un enjeu d’importance. Pourtant, ce bout de terre inhabité, hormis un petit poste de gendarmerie gabonais, est le théâtre discret d’un conflit territorial persistant entre le Gabon et la Guinée équatoriale.

Depuis 1972, les forces de l’ordre gabonaises y maintiennent une présence constante. Mais l’État voisin, la Guinée équatoriale, revendique sa souveraineté sur l’île depuis cette époque, au même titre que les îlots voisins de Cocotiers et Conga.

Une querelle ravivée dans les années 1990

Si un traité bilatéral signé en 1974 entre Libreville et Malabo avait momentanément gelé le différend, la question de Mbañé a ressurgi dans les années 1990, portée par de nouvelles ambitions régionales. Le litige ne porte pas tant sur les terres émergées que sur les espaces maritimes stratégiques qu’elles permettent de revendiquer. Dans un golfe de Guinée où les fonds marins regorgent potentiellement d’hydrocarbures, chaque mètre carré d’océan devient un enjeu de souveraineté, d’autant plus lorsque les deux États ont octroyé des permis d’exploration pétrolière sur des zones se recoupant.

L’intérêt de la Guinée équatoriale pour Mbañé s’expliquerait moins par des gisements prouvés que par la volonté d’asseoir son influence sur un couloir maritime particulièrement convoité, situé entre ses côtes et l’île de São Tomé.

Une médiation infructueuse, une procédure internationale en cours

Face à l’impasse diplomatique, une tentative de médiation sous l’égide des Nations unies est lancée en 2003. Sans succès. Après des années de discussions stériles, les deux capitales décident en 2021 de porter le différend devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye. En avril de la même année, le ministère gabonais des Affaires étrangères confirme l’ouverture officielle de la procédure, entamée en mars.

Il reviendra désormais à la plus haute juridiction internationale de déterminer, sur la base des traités, des cartes, et des pratiques administratives historiques, à qui appartient l’île de Mbañé. Un jugement dont l’échéance est encore incertaine, mais qui pourrait faire jurisprudence pour d’autres litiges frontaliers similaires sur le continent.

Un cas emblématique de la diplomatie africaine

Dans un continent où les frontières héritées de la colonisation demeurent une source fréquente de tensions, l’affaire Mbañé illustre la complexité des différends frontaliers en Afrique subsaharienne. À défaut de solution politique durable, le recours au droit international apparaît aujourd’hui comme l’ultime voie de règlement pacifique, saluée par nombre d’observateurs.

En attendant le verdict de La Haye, le Gabon conserve le contrôle effectif de l’île, tandis que la Guinée équatoriale campe sur ses positions, renforcée par ses récentes ambitions énergétiques. Un statu quo tendu, sur fond d’or noir.

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