Pourquoi, aujourd’hui, dans l’Eglise peut-on tout critiquer : le pape, les dogmes, la morale, les sacrements, les conciles, les documents pontificaux… tout, sauf Vatican II ? Comment un concile peut-il effacer les autres conciles, remplacer le catéchisme et être si populaire, alors même qu’il affirme explicitement des choses dont on ne veut plus aujourd’hui à commencer par la réalité de l’enfer, du jugement dernier[1]. Corrélativement, son refus violent est l’acte fondateur de la fraternité saint Pie X. Dans les deux cas, Vatican II est synonyme de nouveauté, voire même de rupture, saluée avec enthousiasme par les uns, rejetée avec horreur par les autres. Beaucoup de jeunes catholiques perçoivent le concile un peu comme la révolution française dans les anciens livres d’école : le triomphe de la liberté contre l’autoritarisme. Certains vont même jusqu’à laisser croire qu’avant le concile il était interdit de lire la Bible, de discuter et, à la limite, de réfléchir, au point qu’on se demande comment saint Thomas d’Aquin, pour ne citer que lui, a pu exister.
Pourtant, le concile n’est qu’une forme extraordinaire du magistère qui a pour fonction de défendre la foi, vécue infailliblement et en plénitude par l’Eglise épouse du Christ. D’où ces deux conséquences. Celle-ci d’abord, aucun concile ne peut prétendre tout dire de la foi. Cette autre enfin, la foi exprime la pensée même de Dieu, elle est donc vérité une et immuable. Aucune explicitation de la doctrine ne peut donc limiter, supplanter, effacer, encore moins contredire une affirmation précédente. En résumé, la notion de nouveauté, au sens de rupture, est incompatible avec la réalité de la foi : « Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude. Tu sais de quels maîtres tu le tiens. (…) Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son Règne : proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire. Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. » (2 Tm 3 14 – 4).
Aussi bien Vatican II s’est-il inscrit dans la continuité des conciles qui l’ont précédé : « En écoutant religieusement et proclamant avec assurance la parole de Dieu, le saint Concile fait sienne cette parole de saint Jean : « Nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue (…) » C’est pourquoi, suivant la trace des Conciles de Trente et du Vatican I, il entend proposer la doctrine véritable sur la Révélation divine et sur sa transmission, afin que, en entendant l’annonce du salut, le monde entier y croie, qu’en croyant il espère, qu’en espérant il aime »[2].
Pourquoi, alors, est-il vécu par beaucoup comme le début d’un changement radical ? Pourquoi a-t-on laissé cette conviction se répandre ainsi dans l’Eglise ?