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Un profit n’arrive jamais seul Par Stéphane Geyres

Un de mes collègues, pourtant cadre-sup dans une grande entreprise internationale de conseil, m’affirmait sa conviction qu’une entreprise moderne, telle la nôtre, a un rôle social qui va bien au-delà du seul profit, idée très à la mode dans les cercles influents. Et moi de lui affirmer avec le sourire que je suis convaincu qu’au contraire, une entreprise veillant à sa meilleure place sociale se doit de maximiser son profit et surtout rien d’autre ; à son grand étonnement, comme on peut l’imaginer.

A la décharge de mon collègue, il est très à la mode depuis le début du siècle de demander aux grandes entreprises de se mobiliser socialement sous diverses formes, culminant en une fumeuse autant que fameuse Corporate Social Responsibility, Responsabilité Sociale d’Entreprise faisant partie intégrante des rapports annuels qui d’ordinaire ne s’intéressent qu’aux chiffres et à la performance.

Mais la RSE pose deux problèmes économiques. Tout d’abord, comment savoir si elle effectivement socialement utile ? Et si elle est utile, quel doit être son montant au regard des profits engrangés ? Pourquoi l’entreprise ne convertit-elle pas l’intégralité de ses profits en RSE si celle-ci est en réalité plus proche de l’intérêt général ? On comprend que la question ne sembla pas simple. Pourtant…

Or il n’y a pas de réponse économique à l’utilité sociale de la RSE, ou plus clairement, le mécanisme social qui met l’utilité en évidence ne fonctionne pas pour la RSE. Mais quel est ce mécanisme ?

Le concept d’utilité suppose une action à laquelle se manifeste une réponse objective. Il y a trois façons élémentaires d’agir utilement, d’agir de manière à obtenir un indice d’utilité. En un : faire un don. En général, cela conduit à un ‘merci’. Sauf si on donne quelque chose qui est sans réelle valeur pour autrui. Ce qui est justement le problème de la RSE : on croit être utile, mais est-ce bien le cas ?

En deux : vendre quelque chose. Oui, vendre est un acte utile, à l’inverse à ce qu’on croit souvent. Car le plus souvent, vendre suppose acheter. Et acheter, qui est un acte libre, ne peut se concevoir que si l’acheteur à envie ou besoin de cet achat. Donc que la vente est effectivement utile. Et en trois, on trouve la signature d’un contrat, qui est la généralisation d’une vente et d’un achat.

Il faut bien voir qu’on ne peut pas juger de ce qui est utile pour autrui à sa place. Sauf à se prendre pour un dieu supérieur. Ce qui explique que l’utilité ne se décrète pas, elle s’exprime par un ‘merci’.

Mais tout vendeur vend pour gagner de l’argent, c’est-à-dire dégager un profit. Chose parfois mal comprise, l’acheteur aussi profite de l’échange car ce qu’il a acheté vaut plus pour lui que la somme accordée au vendeur – sinon, pourquoi acheter ? On voit donc que lorsqu’il y a utilité, il y a profit. Et qu’un profit n’arrive jamais seul, puisque le vendeur profite comme l’acheteur profite. Mais à l’inverse, le profit est-il la seule marque de l’utilité ? En effet, à part les dons appréciés, il l’est.

Revenons à l’entreprise. On comprend que les dépenses qu’elle consacre à la RSE, mais aussi au CE et à toutes les fantaisies sociales modernes, sont d’une utilité douteuse et viennent grever d’autant le profit. Or le profit par contre est le seul élément qui peut témoigner de son utilité. Il lui faut donc au contraire l’accroître pour être bénéfique. Une entreprise riche, qui s’enrichit et qui fait des profits sans gaspiller sa richesse à d’autres objectifs, est donc une entreprise qui remplit au mieux sa fonction sociale. Allez tenter d’expliquer cela à vos collègues socialisants qui détestent les profits…

S.Geyres

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