LIBERALISME ET CONCURRENCE
Les positions de Hobbes et de Rousseau sont du point de vue libéral paradoxales.
La seconde (Rousseau) tente de fonder la liberté politique sur la réduction, voire la suppression des inégalités sociales et économiques. Ce faisant elle fait du peuple absolument souverain la source d’une législation égalitaire, voire égalitariste, seule capable de rendre possible un authentique intérêt commun et une volonté générale qui s’impose aux intérêts particuliers. Mais l’expression de cette volonté générale suppose trois conditions extrêmement restrictives: D’abord que tous les citoyens unis par contrat au tout de la société soient, sinon d’accord sur tout, au moins sur la nécessité de réduire la liberté économique afin de rendre impossible le développement d’une économique dynamique et progressive mettant en jeu les désirs et passions illimités des individus. Cette économie frugale du besoin naturel par opposition à celle des désirs artificiels implique à son tour une société communautaire, voire communautariste peu nombreuse dans laquelle tous se connaissent personnellement, fermée et indépendante des autres, réellement, c’est à dire socialement et économiquement, égalitaire, dont le ciment idéologique est une religion civile obligatoire qui « sacralise » la communauté aux dépens des désirs individuels et des autres sociétés. Ensuite elle suppose le pouvoir exécutif fort d’une élite de magistrats non directement contrôlables par les individus-citoyens , indépendante du pouvoir législatif du peuple, afin de faire respecter par chacun, y compris par la contrainte et la menace de mort, cette égalité et l’expression de cette volonté générale transcendant les désirs et intérêts particuliers qui en est la conséquence. Enfin elle exige des citoyens vertueux dans leur plus grande majorité, dépourvus d’égoïsme et qui accepteraient, plus volontairement que par la contrainte, de sacrifier ou de mettre au service de la communauté leurs personnes, leurs biens et leur liberté ou pouvoirs naturels. Autant dire que la position de Rousseau reste inapplicable à la quasi-totalité des sociétés humaines existantes, sauf à prétendre les révolutionner par la violence et la terreur extrêmes ; ce qui de l’aveu même de Rousseau conduirait au pire désastre social qui soit : la fin du contrat social et à la guerre civile qui elle même fait cesser toute moralité.