Les étrangers résidant en France : une délinquance de pauvres ?
Interrogé sur plusieurs faits divers de violences et d’agressions survenus durant l’été 2020, le ministère de l’intérieur Gérald Darmanin avait déclaré : « il faut mettre fin à l’ensauvagement d’une partie de la société ».Plus qu’un simple mot, le concept d’« ensauvagement » a été théorisé par le criminologue et essayiste Xavier Raufer* dans la préface de l’ouvrage ‘La France Orange mécanique’ de Laurent Obertone,paru en 2013. Il a depuis été largement popularisé dans les milieux d’extrême droite, et progressivement adopté au sein de la droite républicaine.
Cela étant, certaines des données policières sont trop importantes pour ne pas correspondre à quelques réalités de la délinquance elle-même. L’essentiel réside alors dans l’interprétation qui en est donnée. Celle-ci nous semble assez aisée à suggérer. Du point de vue du nombre (la masse des quelques 90 000 mises en cause), la sur délinquance des étrangers résidant en France semble être essentiellement une sur délinquance de miséreux : petits voleurs à la tire et à l’étalage, petits revendeurs de drogues, bagarreurs et parfois meurtriers. Ceci est confirmé aussi par une recherche récente portant sur une population d’une bonne centaine de meurtriers jugés en cours d’assises dans les années 1990 dans un département de la banlieue parisienne (Mucchielli, 2003).
S’agissant d’un crime où l’effet du « tri ethnique » est certainement particulièrement faible, voire inexistant, il ressort sans ambiguïté que les étrangers sont sur-représentés parmi ces criminels. Leur part dans cet échantillon de criminels correspond au double de leur poids démographique dans la région étudiée. Parmi les auteurs étrangers concernés, ceux originaires du Maghreb et du Portugal sont les plus nombreux, ce qui correspond aussi à leur importance démographique dans le département. Enfin, il apparaît également avec force que ces criminels étrangers appartiennent presque exclusivement aux milieux populaires précarisés, comme en témoigne leur activité professionnelle (plus de la moitié sont des inactifs ou des chômeurs, les autres sont essentiellement des ouvriers), le type (précaire voire très précaire) et le lieu (souvent les grands ensembles les plus dégradés de la région) de leur logement.
Pour le reste, la délinquance des étrangers relève sans doute essentiellement de ce que les policiers appellent la « grande criminalité » (trafics divers, proxénétisme, escroqueries à grande échelle) et qui est sans doute liée à des organisations délinquantes dont les chefs ne résident pas nécessairement en France. Faute de renseignements, nous n’en traiterons pas davantage.