L’écrivain Denis Tillinac : Johnny Hallyday était « l’enfant naturel du général De Gaulle »
Quelle fut votre première rencontre avec Johnny Hallyday ?
A quatorze ans ! J’habite à Paris. Je déteste mon âge. Je suis un roncier que les sécateurs pédagogiques échouent à tailler ; un de ces cancres indociles pour qui les profs de lettres ont des indulgences… C’est l’époque où dans les bars, les jeunes s’agglutinent autour des flippers Gotlieb et des juke-boxes en forme de demi-lunes. Le rock arrive avec Johnny au Golf-Drouot, les Chaussettes noires, les Chats sauvages et leurs épigones en chemises à jabot et pantalons à pattes d’éléphant. Premiers microsillons : Bien trop timide, tu parles trop, Daniela, Souvenirs, souvenirs, Mary Lou, Mon vieux copain…
Qu’est-ce qui vous attirait dans son style ?
C’était une double révélation : une mélodie répétitive que scande la batterie ; des guitares qui couinent comme un chat qu’on échaude. Et aussi une esthétique qui roule les mécaniques. Alors j’improvise au piano des accords en do, en fa et en sol pour m’accompagner en chantant : Oui mon cher, Jolie petite Sheila, ou Dactylo-rock. Mes pieds tapent sur les pédales, ma voix s’encanaille….
Quelle chanson préférez-vous ?
Quelque chose de Tennessee : que Johnny chantait au Parc des princes, le jour de son demi-siècle. Je croyais qu’il rendait un hommage à Elvis qui fut son idole et son maître. Renseignements pris, c’était de l’écrivain Tennessee Williams qu’il s’agissait. Si les rockeurs se mettent à célébrer les rimeurs, nous sommes sauvés….
Vous avez récemment affirmé que Johnny Hallyday était « l’enfant naturel du général De Gaulle » ?
Oui. Sa carrière débute en 1959. C’est la France allègre qui twiste à Saint-Tropez, c’est la France de Kopa, de Jacques Anquetil…. Pour évaluer l’émotion qui nous chavire tous, je crois qu’il faut tourner à l’envers les aiguilles du temps et se souvenir de notre tristesse, un jour pluvieux du mois de novembre 1970. « De Gaulle est mort, la France est veuve », nous a dit Pompidou ce soir-là à la télé. Johnny est mort, la France a porté son deuil samedi, sur les Champs puis à la Madeleine. Pour les gens de mon âge, la France se confond plus ou moins avec celle du « Grand Charles ». Tandis que l’un nous enivrait d’orgueil cocardier, l’autre nous ensoleillait l’existence. De Gaulle n’était pas très rock’n roll et Johnny n’avait sûrement pas lu Chateaubriand ni Malraux ; cependant le discours à la République (1958) et le concert à la Nation (1963) ressuscitent en moi les mêmes – comment dire ? – les mêmes regrets d’un âge d’or révolu.
L’avez-vous rencontré ?
Une fois, j’ai eu ce privilège avec Nicolas Sarkozy qui m’avait convié à une soirée. Son épouse Laetitia s’étonnait que je connaisse des chansons qu’elle ignorait, et pour cause car c’était des chansons du début et dont il avait oublié les paroles !
Anonyme
4.5