MARIE-THERESE MERCIER : « Je suis très optimiste sur le fait que l’on peut tirer Montpellier et sa région vers le haut »
La présidente du Medef Montpellier-Sète-Centre-Hérault revient sur l’actualité politique et économique. Sans langue de bois, Marie-Thérèse Mercier, également directrice du cabinet Ernst & Young à Montpellier, nous livre ses réflexions depuis son bureau.
Montpellier et son agglomération accuse un taux de chômage de 14,8%. Qu’attend le Medef de la classe politique pour lutter efficacement contre ce fléau ?
On espère que les mesures prises dans le cadre du Pacte de responsabilité donneront un peu d’air aux entreprises. Il se trouve que l’on voit venir un léger rebond de l’économie mondiale et européenne depuis le début de l’année. Il serait très important que la France puisse en bénéficier. À partir là, on espère que les entreprises seront bien placées, gagneront des commandes et pourront embaucher. Bien sûr, il ne suffit pas de décréter des politiques publiques pour régler le problème du chômage.
Pour nous, l’axe fondamental sans lequel on ne peut rien faire est la baisse des cotisations patronales. On sait que l’on a 12 points d’écart en termes de marge brute entre les entreprises françaises et européennes, notamment allemandes. On est très attentif au sujet du chômage dans la région.
On est d’ailleurs en train de travailler sur un projet dénommé « Place pro ». C’est un outil qui existe déjà en PACA. L’idée est d’avoir une plate-forme informatique et des personnes issues du Medef qui seront chargées de faire remonter des offres cachées, c’est-à-dire des postes qui ne sont pas pourvus ou pourvus partiellement car les employeurs ont des difficultés pour trouver les bonnes personnes et ainsi recruter. Ces offres seront ensuite recensées par nos soins et on travaillera avec tous les partenaires. Le Conseil régional soutient ce projet et Pôle emploi devrait aussi être partenaire. Nous ferons un tri préalable et on s’engagera vis-à-vis des chefs d’entreprises à mettre en avant des offres qui correspondent à leurs besoins. C’est donc un projet collectif et non pur Medef. On travaille depuis quelques mois sur ce projet-là et je pense qu’il aboutira dans les mois qui viennent.
Avec la nouvelle municipalité, on est sur la même longueur d’onde, notamment celle de développer la ville et d’en faire surtout une grande métropole. Nous avons d’ores et déjà un accord de principe de Philippe Saurel pour travailler ensemble sur ces sujets.
Concernant le redécoupage de la France des régions, il y a eu des accrochages entre les présidents des régions Midi-Pyrénées et Languedoc Roussillon, notamment entre Martin Malvy (pour la fusion) et Christian Bourquin (contre). Quelle est la position du Medef à ce sujet ?
Il faut laisser faire les politiques sur les sujets politiques. Le Medef n’a pas à rentrer dans les discussions des deux présidents de région. De surcroît, c’est plutôt un sujet qui concernerait le Medef région. Mais ce n’est pas un sujet en soi, car l’organisation Medef s’adaptera. Quoiqu’il en soit, j’interviendrai sur ces sujets de façon très ferme. Je pense que le Languedoc-Roussillon n’a pas à rougir de sa position. On a fait de belles choses depuis de nombreuses années, ce qui prouve que l’on est une région attractive. Donc casser ou prendre le risque de casser toute cette dynamique quand on est un entrepreneur, ça paraît aberrant.
Je suis favorable à ce qu’on laisse le Languedoc-Roussillon, tel qu’il est aujourd’hui. La dynamique existe. Je soutiendrai donc Christian Bourquin dans sa volonté de garder la région tel quelle. Je ne peux pas accepter l’idée selon laquelle Montpellier pourrait garder la capitale administrative et Toulouse la capitale économique. Ça paraît encore pire d’entendre dire que Montpellier serait une sous-préfecture. Je ne peux pas adhérer à cette idée-là.
Pour moi, la question est avant tout de savoir si ce redécoupage est utile pour les entrepreneurs et si l’on ne risque pas de perdre une partie de notre développement économique. Dans le cadre de la 3S, la région a réussi à avoir des financements de l’Europe d’environ 1,2 milliard d’euros pour les 5 prochaines années sur des projets innovants. Est-ce que le Languedoc-Roussillon aurait eu la même part si elle avait été fusionnée avec la région Midi-Pyrénées ? On n’en sait rien, car ce ne sont pas les mêmes priorités qui auraient été retenues. Et puis quelque part, ne pas tenir compte de l’économie et rapprocher des régions sans avoir établi avant un diagnostic des forces et des faiblesses, et sans avoir discuter de ce que chacun va apporter à l’autre, ça me choque.
La fiscalité locale est très forte dans l’Hérault. Quelle est votre vision de la situation ?
Pour baisser la fiscalité locale, il n’y a pas 36 solutions ! C’est avant tout réduire les dépenses publiques, donc le budget des collectivités territoriales. Nous avions reçu lors des élections municipales l’ensemble des candidats au Medef, notamment Philippe Saurel pour parler de ces sujets. Nous avions d’ailleurs présenté à cette occasion le Manifeste du Medef, nos propositions et nos attentes. Le maire actuel s’était engagé à l’époque à ne pas augmenter la fiscalité locale, ce qui était une bonne chose. Le fait d’avoir la même personne à la tête de la mairie et de l’agglomération, et d’avoir des équipes communes doit pouvoir engendrer des économies. Les indicateurs sont plutôt au vert par rapport à ce que l’on pouvait attendre.
La fiscalité locale, autrement dit la fiscalité foncière, est évaluée autour de 29€ le m2. Nous sommes l’une des villes les plus chères. En même temps, la ville est attractive. Il y a de la réserve foncière. Concrètement, nous voudrions travailler en amont avec les collectivités de façon à pouvoir anticiper les sujets et voir les impacts existants pour les TPE, les commerçants et les industries. Nous sommes en mesure de mettre à disposition des fiscalistes qui sont capables de travailler avec les collectivités. Notre demande est plutôt à ce niveau-là. On est sur des sujets très techniques et très concrets, comme la taxe sur les droits de terrasse, les enseignes ou encore la réforme des valeurs locatives foncières.
Il y a énormément de sociétés de services dans le département de l’Hérault. Quels sont les pôles de compétitivité industriels de Montpellier et de son agglomération ?
Il y a le pôle Eau, qui est un pôle de compétitivité mondial. On est aussi sur les énergies renouvelables, la santé et le numérique. Ensuite, il faut à tout prix que la ville de Montpellier soit la ville du numérique et l’une des premières à être labellisée French Tech. C’est la raison pour laquelle je dis que Montpellier est dynamique parce que nous sommes sur des métiers d’avenir et nous sommes en perpétuel développement. Je suis très optimiste sur le fait que l’on peut tirer la ville et la région vers le haut.
Les commerces de proximité du vieux Montpellier disparaissent d’année en année, alors que ce sont eux qui font vivre le cœur de ville. Quelle est la position du Medef pour créer une nouvelle dynamique dans le centre historique ?
Il faut juste rappeler que c’est un sujet national. C’est très important. Nous ne sommes pas différents des autres villes de France. Le sujet du commerce de proximité me tient à cœur. Je pense que l’on doit se préoccuper encore plus de ces commerces et de leur attractivité parce que nous sommes une région touristique. Nous devrions être reconnus ville touristique de façon à ce que certains commerces soient ouverts le dimanche. C’est un sujet sensible, mais cela crée de l’emploi et ça dynamise une ville. Il faudra aussi réfléchir avec le maire et le président de la Chambre de Commerce, qui y sont d’ailleurs favorables, à redynamiser les commerces du centre-ville, en faisant venir certaines enseignes mais aussi des boutiques indépendantes et en permettant aux prix de rester attractifs.
Je pense aussi aux commerces de proximité dans les villages et dans les quartiers. On voit bien que le système imaginé à un moment donné, avec des commerces de proximité en pied d’immeuble ne fonctionne pas. Il faut donc recréer une vie de quartier qui fasse que les quelques commerces de proximité essentiellement alimentaires puissent s’installer et ait une véritable attractivité, pour que se recrée une vie de quartier.
La grève des intermittents du spectacle de Montpellier bat son plein. Ils semblent faire figure de leaders en termes de contestation. Que leur dîtes-vous aujourd’hui ?
D’abord, il ne faut pas mettre d’huile sur le feu. Ensuite, il ne faut pas dire que le sujet des intermittents du spectacle, c’est le sujet du Medef et de Pierre Gattaz. C’est avant tout un sujet qui porte sur l’assurance-chômage. Il faut rappeler que l’ensemble des syndicats a négocié ces accords. Ce n’est pas Pierre Gattaz qui s’est réveillé tout d’un coup en disant : je vais régler le sujet des intermittents du spectacle ! C’est une aberration.
Il est très important de rappeler aussi que la France est une terre de culture. La culture est la 3e industrie française avant le secteur de l’automobile. Je le sais d’autant plus qu’il s’agit d’une étude Ernst&Young qui est sortie il y a quelques mois. Évidemment, nous sommes soucieux de préserver le système de la culture, car c’est une véritable économie, un véritable atout pour la France et pour notre région touristique. Mais c’est le système de l’assurance-chômage qui est visé et non le statut des intermittents du spectacle. Ce système est déficitaire et nous sommes tous responsables. Et on doit tous gérer le système de l’assurance-chômage, sinon on sera dans quelques temps dans une situation bien pire et qui concernera l’ensemble des chômeurs.
La réforme n’est pas simple, parce que les gens ont l’impression que l’on touche à leur système et qu’ils ont l’impression que c’est du corporatisme. C’est totalement faux. Il ne peut pas y avoir un système plus favorable pour les intermittents que pour les salariés.
Il faut noter aussi, et ça on n’en parle pas, qu’il y a des plafonnements d’indemnités qui ont été créés pour lutter contre les abus, y compris de la part des sociétés de production. Cela fait partie des propositions votées par les partenaires sociaux. Forcément on voit moins ces sujets-là, mais évidemment cela fait partie de la réforme proposée aujourd’hui.
Que conseillerez-vous à un(e) jeune chef d’entreprise qui se lance dans la création d’activités d’avenir dans la région ?
Je lui dirai qu’il ou elle a beaucoup de chance ! Sur la région, c’est quand même sur la création d’entreprise innovante que l’on est les meilleurs. Je lui conseillerai donc de se rapprocher d’un acteur incontournable comme le BIC, s’il/elle est à Montpellier. À titre d’exemple, il y a aussi les Tribunes Women Awards qui ont été remis par Objectif LR et qui met à l’honneur de belles réussites féminines en French Tech.
Et après, je leur conseillerai aussi de venir au Medef ! Nous avons un groupe qui s’appelle Génération Medef. Dans les entreprises innovantes, on a souvent de jeunes entrepreneurs qui ont des profils très « technos » et qui sont moins affutés pour aller chercher des marchés. Le fait de mettre en relation et d’échanger avec d’autres chefs d’entreprises sur les bonnes pratiques de recrutement et de développement à l’international, ça crée des dynamiques. Et ça peut aussi les aider sur ces sujets qui ne sont pas faciles à appréhender quand on est jeune entrepreneur.
Helène de Perignon
https://www.youtube.com/watch?v=HJa9FHHm24A