EN QUOI LES LIBERTARIENS DIFFERENT DES LIBERAUX
Le libertarianisme (ou « libertarisme ») est une philosophie politique tendant à favoriser au maximum la liberté individuelle, que celle-ci soit conçue comme un droit naturel ou comme le résultat du principe de non-agression. De ce fait, ses partisans, les libertariens, s’opposent à l’étatisme en tant que système fondé sur la coercition, au profit d’une coopération libre et volontaire entre individus.
Même si le socle idéologique est commun, les divergences avec les libéraux sont nombreuses, et portent sur le rôle de l’État, la conception de la politique et de la démocratie, l’impôt, la loi, l’immigration, le droit pénal, etc. (les articles cités explicitent les différences). Les libéraux considèrent habituellement les libertariens comme des libéraux « radicaux » voire extrémistes, les libertariens considèrent les libéraux non libertariens comme des « compagnons de route » qui ne sont pas allés jusqu’au bout de la logique libérale (en raison d’un trop grand respect envers l’État, ou d’une conception incomplète de ce qu’est le droit). Les libertariens ont une vision pessimiste de l’État, les libéraux une vision optimiste : « pour un libéral, l’État minimal est le plancher ; pour un libertarien, il est le plafond. » (Patrick Smets).
Les libertariens, en comparaison avec les libéraux, ont de par leur logique propriétariste des idées très arrêtées sur ce que devrait être le droit dans une société libre, alors que les libéraux seront moins catégoriques sur le rôle de l’État et plus hésitants sur la réalité de la lutte des classes que dénoncent les libertariens, ou sur le principe de non agression que les libertariens érigent en règle générale.
Il est cependant impossible de tracer une frontière claire entre libertariens et libéraux (aux États-Unis, on emploie d’ailleurs le même terme dans les deux cas : libertarian). La différence est peut-être une question d’attitude : les libertariens déduisent leur position sur tout sujet de grands principes a priori tels que la non-agression, la propriété de soi-même ou le concept de droit naturel, avec le risque de tomber dans un certain dogmatisme (Rothbard est souvent cité comme l’exemple-type) ; les libéraux, eux, sont davantage attachés aux conséquences et adoptent un point de vue empirique (Hayek) ou utilitariste sans a priori. Comme le remarque un peu cruellement Virginia Postrel (an 18th-century brain in a 21st-century head) : la tradition déductive a défini l’identité libertarienne et son dogme, tandis que la tradition empirique a réalisé ses buts.
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C’est une façon de voir les choses.
Une vision alternative:
(a) Les libéraux sont les individus qui attribuent à l’une ou l’autre forme de liberté un rôle moteur dans le progrès de la société. Les libéraux forment donc une famille idéologique très vaste, groupant des gens agissant sur différentes aspects de la société, au profit de différentes libertés, au profit de groupes sociaux plus ou moins restreints.
(b) Les libertariens sont une catégorie de libéraux qui posent le primat de leur autonomie personnelle sur tout autre principe et souhaitent la diminution maximale de l’intervention étatique qu’ils perçoivent . Ils sont en conflit avec d’autres libéraux, par exemple les socio-libéraux, qui ont une autre conception du progrès, une autre conception de la liberté et/ou une autre vision de l’Etat et de son impact sur la société.
(c) Les anarchistes (anarchocapitaliste ou autre) sont une catégorie de libertariens qui rejettent toute distinction entre les gouvernants et les gouvernés. La conception de cette distinction diffère d’une catégorie d’anarchistes à l’autre. Consécutivement, les anarchistes de gauche et anarchocapitalistes se vouent mutuellement aux gémonies, contestant aux groupes d’en face la qualité d’anarchistes.
(d) Les minarchistes sont des libertariens distincts des anarchistes. Certains ne croient pas à la pertinence des solutions anarchistes pour garantir leur liberté individuelle et leur propriété; ce sont les « optimistes » cités plus haut qui souhaitent le maintient d’un Etat-gendarme. Mais d’autres sont simplement des pessimistes qui ne voient pas comment réaliser ou maintenir durablement une anarcapie. Ils optent donc pour le moindre mal: un Etat veilleur qui instaure l’anarcapie et la protège de ce qui pourrait la renverser.
Pour moi, l’étude des méthodes anarchistes présentent toutefois un intérêt majeur. Elles montrent comment on peut réduire la dépendance des individus à l’intervention publique, sachant que personne n’est à l’abrit d’une disparition provisoire des pouvoirs publics. Mais je ne suis pas anarchiste pour autant. Outre ma répulsion pour ce genre de système, je ne crois pas qu’il soit possible de maintenir durablement une société fondée sur la défense de l’autonomie maximale d’une « élite » au prix de l’exploitation des masses. Un marche-pied (autoritaire) vers des formes de régimes (encore plus) cacocratique et liberticides, trop peu pour moi.