D’après Jean-Paul Betbeze, les robots n’auront de boulot !
Certes, on ne connaît pas bien l’ampleur de ce « risque robot », mais il existe. Entre 1 emploi sur 2 et 1 sur 7 seraient condamnés à brève échéance par l’automation dans nos économies avancées. C’est beaucoup, mais très variable. Pourquoi donc ?
2013 d’abord : deux chercheurs de l’Oxford Martin School, Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, publient une étude affirmant que « 47 % du total des emplois aux Etats-Unis présentaient de grands risques de devenir automatisables ». Depuis, on ne compte plus les études tragiques sur le sujet. Toutes vont dans le même sens : plus de robots, moins de boulots. Chaque salarié en vient à regarder, activité par activité, son taux de remplacement prévu par des robots, comme s’il lisait sa table de mortalité !
2018 ensuite : mais la dernière étude de Ljubica Nedelkoska, Glenda Quintini renverse la perspective. Publiée par l’OCDE, elle nous dit que 14 % des emplois « seulement » seraient « hautement automatisables ». 86% pourraient subsister, quitte à s’adapter ! Pour les Etats-Unis, 9% des emplois de 2016 « seulement » seraient menacés, soit quand même 13 millions. Et pourtant, l’intelligence dite « artificielle » et la robotique ne cessent de faire des progrès ! Que se passe-t-il donc ?
Tout le monde est d’accord : hors emplois de proximité, notamment dans les services à la personne, les robots « tuent » les emplois peu ou pas qualifiés. Ils sont routiniers, pour les salariés les moins bien payés, notamment dans le manufacturier et les activités physiques. Ces robots font en même temps pression sur les salaires d’emplois un peu plus qualifiés ou délocalisables. C’est bien pourquoi le risque d’automatisation est très variable : 33 % des emplois seraient fortement automatisables en Slovaquie, contre 6 % en Norvège ! « Le » risque d’automatisation ou « les » risques d’automatisation ? « Les ».
Risque Détroit et risque Est : voilà les deux grands « risques robots ». C’est d’abord le risque local du type Détroit, l’ancien épicentre américain de l’automobile. Il menace les zones industrielles avec forte densité d’emplois remplaçables. Vient ensuite le risque social, dans les pays industriels aux moindres qualifications, et surtout aux structures d’entreprises lourdes et complexes, même si les salaires y sont déjà bas : on aura reconnu les pays de l’Est. Ce qui est en cause, ce sont les entreprises en retard d’automation, insuffisamment productives, dans les zones industrielles (et agricoles). Préparation, simplification et formation massives donc : les pays et secteurs qui nous paraissent moins « touchés » ont en réalité pris de l’avance.
Risque jeune : méconnu, le risque d’automatisation le plus élevé concerne les emplois occupés par les adolescents ! Le lien entre automatisation et âge a en effet la forme d’un U : faible au centre pour les travailleurs de 30-40 ans, il monte du côté des travailleurs âgés, mais plus encore pour les jeunes. L’automatisation risque de se traduire bien plus par du chômage chez les jeunes que par des préretraites ! Certes, ce risque peut être contrebalancé par le fait que les jeunes passent plus facilement d’un emploi à un autre que leurs aînés. Surtout, dans la plupart des pays, ils sont plus qualifiés qu’eux, ce qui facilite l’adaptation à des emplois nouveaux, notamment à contenu technologique. Apprentissage massif pour les jeunes donc.
En fait, au-delà des améliorations des calculs et des études, il n’y a pas de « reflux de la destruction d’emplois par la robotisation ». D’abord et surtout, les entreprises se préparent, les formations s’adaptent, permanentes et initiales. Ensuite, pour les entreprises de petite taille desservant des marchés locaux, l’automatisation est de fait limitée, laissant place à la pluri-expertise. Restent les retards de formation et d’organisation, plus les salaires faibles : des problèmes économiques, sociaux et politiques.
Alors, pour se protéger des robots, il faudrait être bien et constamment formé, donc bien payé, ou moins payé dans de grandes entreprises, avec des emplois sans intérêt, ou dans des entreprises de taille moyenne, avec des emplois variés ou de proximité ?
Ne robotisons pas les réponses ! Oui les emplois vont changer, beaucoup disparaître, comme toujours mais plus vite. Mais attention à ne voir que le côté négatif des choses, sans voir ce qu’apporte cette révolution sur l’efficacité de l’industrie, et surtout des services. Si je sais m’y prendre, les robots aideront mon boulot !