Créditiste et croissance molle Par Simone Wapler
Le crédit gratuit favorise les opérations de fusions-acquisitions des entreprises cotées mais nuit à la croissance de l’économie réelle. La croissance molle est en réalité le sous-produit des politiques monétaires des banques centrales.
Les marchés actions et obligataire vont très bien. Aux Etats-Unis, l’indice S&P 500 marque un nouveau record, l’indice Dow Jones n’en est pas loin.
Certes, les actions sont chères mais qui s’en soucie ? Il y a de l’argent, c’est-à-dire des liquidités, enfin plutôt du crédit en surabondance. Et il faut bien en faire quelque chose n’est-ce pas ? Quand vous avez une ligne de crédit gratuit ou presque, ce serait bête de ne pas l’utiliser. C’est ce qui explique la croissance de la valeur des actifs financiers. Mais la croissance de l’activité économique ?
“Les entreprises ne font plus de croissance organique. Leurs directeurs font de beaux discours centrés sur les clients puis rentrent au bureau, rachètent leurs concurrents et baissent leurs prix. Scandaleusement, les conseils d’administration encouragent ces pratiques”. Le président directeur général de la société américaine de sondage Gallup pense que la croissance molle est le résultat du créditisme. Jim Clifton s’en est ouvert sur son blog.
Jim Clifton cite des chiffres. Le nombre des entreprises cotées sur les bourses américaines a été divisé par deux en vingt ans, passant de 7 300 à 3 700. Selon la Banque mondiale, le nombre d’entreprises cotées (44 000) plafonne depuis 2006 et décline même depuis deux ans.
Racheter ses concurrents s’appelle faire de la “croissance externe” en jargon de communication financière. Cela permet de se débarrasser de la pression de la concurrence, d’éviter de faire des investissements risqués en recherche et développement ou d’investir dans l’amélioration de son outil de production pour vendre plus à plus de monde. C’est précisément de tels investissements qui font la “croissance organique”, la vraie croissance de l’activité productive et non pas la recherche de “synergies” douteuses.
Cette politique de croissance externe a été mise en oeuvre dans le secteur pharmaceutique avec de gigantesques fusions d’une part et le rachat de petites sociétés de biotechnologie innovantes par des géants d’autre part. Un rapport de PriceWaterhouseCooper daté de décembre 2015 s’intitulait A year of merger mania [“Une année de folie de fusions-acquisitions”, ndlr.] et notait que le secteur de la santé était en tête et que cette tendance se poursuivrait en 2016.
Avec l’argent facile qui ruisselle, les entreprises rachètent les actions de leurs concurrents ou leurs propres titres. En 2014 et 2015, elles ont consacré au rachat d’actions 1 100 milliards de dollars, selon FactSet, et 166 milliards de dollars au premier trimestre 2015, en hausse de 15% par rapport à l’année précédente.
Pendant ce temps, les résultats des entreprises baissent et le deuxième trimestre 2016 marquera probablement le sixième trimestre de déclin d’affilée. Le créditisme ne produit pas de véritable croissance. Imaginez ce qu’auraient pu faire 1 000 milliards de dollars investis en recherche et développement…
Quelle est l’origine du créditisme ? Le moment, il y a quarante-cinq ans, où toutes les monnaies sont devenues flottantes.
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