COUPE DU MONDE DE FOOT : c’est fait ! Vivement la 3ème étoile !
Ce ne fut pas un beau match du côté français tandis que les croates faisaient étalage de toutes leurs qualités techniques, mais nous avons gagné, et, de surcroît, en marquant quatre buts en finale, ce qui n’était pas arrivé à ce stade de la compétition depuis plusieurs décennies.
Bref, la victoire est là, l’essentiel est fait : les footballeurs français porteront une deuxième étoile sur leur maillot, avant peut-être de faire le « doublé » dans deux ans au championnat d’Europe, comme l’avaient fait leurs devanciers de 1998 en gagnant aussi en 2000 le tournoi européen avec un autre entraîneur (Roger Lemerre ayant entre-temps remplacé Aimé Jacquet à la tête de l’équipe de France).
Cette fois, à la différence de 1998, on aura échappé au discours sur la « génération black-blanc-beur », et c’est tant mieux, d’abord parce qu’il n’y a plus de Zizou (beur d’origine algérienne) dans l’équipe de France 2018 des 11 titulaires de la finale (Nabil Fékir et Adil Rami, tous deux d’origine maghrébine, étant remplaçants).
On célèbre donc aujourd’hui la « génération bleu-blanc-rouge » ; on crie, Didier Deschamps en tête, « Vive la République ! ». Dans les rues, Champs-Elysées en tête, mais partout en métropole, en outre-mer, ou chez les Français de l’étranger, ce fut hier, mais c’est encore aujourd’hui avec la descente en bus de nos footballeurs sur la plus belle avenue du monde un formidable moment de liesse populaire.
A nouveau la diversité saute aux yeux. Diversité des âges d’abord – même si, contrairement à 1998, les jeunes semblent, cette fois, avoir « pris le pouvoir » dans la rue. Après tout, avec une équipe de France, jeune elle-aussi et un Mbappé de 19 ans devenu en un mois un « héros national », comment s’en étonner ? Et puis si les déçus des échecs des coupes de 1982 et 1986 – qui étaient donc majoritairement adultes, avaient eu avec la consécration de 1998 une revanche sur l’histoire -, les jeunes de 2018, qui en avaient sans doute assez de ne pas avoir leur propre étoile, se sont approprié la Coupe 2018, et c’est tant mieux. Diversité des âges, diversité des sexes ensuite. On n’a jamais vu autant de femmes soutenir l’équipe nationale, autant de femmes pratiquer le foot (rappelons que la Coupe du monde féminine aura lieu en France l’année prochaine). Diversité sociale enfin, même si, contrairement à la structure de la population française, les populations des minorités issues de l’immigration sont sur-représentées dans l’équipe de France. Quand on regarde la composition de ce groupe des 23, l’on constate en effet qu’à plus de 70 % on y trouve des jeunes issus des cités, des jeunes « black » surtout. Rien d’étonnant, le football a toujours été un sport populaire (du peuple) permettant à des jeunes du bas de l’échelle sociale de s’extraire de leur condition (la boxe offre cette même possibilité). Certains avec ce sport atteignent les sommets : ce sont les joueurs professionnels : on parle alors de réussite par le sport. Mais ces jeunes, à l’image d’un Mbappé aujourd’hui sont peu nombreux. Il y a beaucoup de « recalés » dans le monde du sport !
Qu’importe ! Le sport, et le foot en particulier, a d’abord pour fonction de former des hommes et des femmes, de leur permettre de devenir des citoyens avertis. C’est le sport éducatif qui distille les valeurs du bien-vivre ensemble. A cet égard, Didier Deschamps aura réussi ce tour de force de transformer 23 individualités en un groupe uni, solidaire, fraternel. Les remplaçants, dont certains n’auront pas joué une seule minute en Russie, comme le gardien Aréola ou le défenseur Adil Rami, ont toujours gardé le sourire, le discours positif.
Le sport est un vecteur d’intégration sociale. Vieille tradition du ministère de la Jeunesse et des Sports. Mme Frédérique Bredin en parlait déjà il y a plus de vingt-cinq ans. Bien sûr, pour intégrer par le sport ou tout autre moyen, il faut des moyens que l’Etat, hélas, n’a jamais vraiment donnés.
Après ce formidable moment de liesse populaire, il faudra donc passer aux travaux pratiques car les réalités sociales sont têtues. 1998 a montré les lendemains difficiles : M. Le Pen au 2ème tour de la présidentielle de 2002, le développement d’un chômage de masse chez les jeunes des cités. L’« insertion par l’emploi », il faut par conséquent le rappeler, est une affaire d’Etat, une grande cause nationale, qui suppose la volonté d’accueil des acteurs économiques.
L’important est de ne pas renouveler l’échec de l’« après 1998 ». Il faut absolument réussir l’« après 2018 », transformer le bonheur d’un jour, la joie populaire, en un progrès social pour tous et d’abord pour les banlieues. Le rejet du Plan Banlieues de Borloo n’est à cet égard pas encourageant.
Michel Fize, sociologue
Ancien gardien de but de football (1975-1990)
Ancien conseiller-jeunesse au Cabinet ce la ministre de la Jeunesse et
des Sports (1997-1998)