
Confucius fait du kung-fu diplomatique en Afrique
REPORTAGE – Le soft power chinois s’apprend plus vite quand c’est Pékin qui paie. Des dizaines d’Instituts Confucius ont fleuri sur le continent africain : cours de calligraphie, danse du dragon et grande muraille de propagande. Officiellement, c’est pour « rapprocher les peuples ». Officieusement, c’est pour mieux vendre des centrales à charbon et poser des rails à crédit.
À Dakar, les étudiants se pressent pour apprendre le mandarin dans un institut flambant neuf. Le professeur, venu tout droit du Guangdong, enseigne comment dire “Je veux un emploi dans une entreprise chinoise qui construit des routes chez moi avec des ouvriers venus de chez elle.” En chinois, ça se dit : « nǐ hǎo, j’accepte tout si tu payes. »
Depuis une quinzaine d’années, les Instituts Confucius Afrique se sont installés un peu partout comme des franchises de McDo — sauf qu’au lieu de burgers, on y sert du soft power chinois sauce soja. Objectif : polir l’image de la Chine et faire passer le message que Xi Jinping est un copain sympa, pas du tout autoritaire, non non, et que Huawei, c’est juste pour téléphoner.
Confucius, ce brave outil de propagande soft
Officiellement, les Instituts Confucius sont là pour « enseigner la langue chinoise, promouvoir les échanges culturels et renforcer l’amitié entre les peuples ». Officieusement, c’est un peu plus subtil : il s’agit de faire oublier que la Chine, pendant qu’elle enseigne les poèmes de la dynastie Tang, achète la moitié des ports africains, pose des rails à crédit et installe discrètement des micros dans les bâtiments officiels.
Et ça marche. Dans les discours officiels, Pékin est l’ami éternel, désintéressé, anti-colonial. Un peu comme un ex qui revient vous faire un câlin, mais avec une perceuse dans le dos.
Tout le monde sourit, sauf la liberté académique
Les enseignants sont envoyés par la Chine, les manuels viennent de Chine, les conférences sont validées par la Chine. Pas un mot sur le Xinjiang, pas une syllabe sur les Ouïghours, et Hong Kong est une « affaire interne » (mais chut). L’idéogramme pour « censure » est appris dès la deuxième semaine.
Mais les gouvernements africains, eux, n’y voient que du feu. Ou plutôt des financements. Qui refuserait un centre culturel payé rubis sur l’ongle, avec la clim’ incluse ? En Europe, on commence à fermer les Instituts Confucius ; en Afrique, on les inaugure avec des tambours et des drapeaux chinois.
L’Afrique apprend le mandarin, la Chine écrit le scénario
Pour les étudiants africains, parler chinois augmente leurs chances de bosser pour une entreprise chinoise locale. Le hic, c’est que sur ces chantiers, les postes qualifiés sont souvent réservés aux cadres venus de Wuhan, et les postes locaux, c’est plutôt pour porter des briques à 45°C.
Mais qu’importe : « apprendre le mandarin, c’est l’avenir », disent-ils. Peut-être. Reste à savoir si c’est l’avenir de l’Afrique… ou celui que Pékin a rédigé pour elle.