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Allemagne 2020 : Les défis économiques à relever par Christopher Dembik

Malgré un modèle de croissance basé sur la compétitivité l’Allemagne n’est pas en aussi bonne santé qu’elle souhaite le faire croire. En effet, elle doit faire face à de nombreux défis aussi bien au niveau financier (investissements, secteur bancaire) que social (démographie, flux migratoire).

Eléments de contexte :

1/ Un modèle de croissance basé sur la compétitivité

Le modèle de compétitivité allemand repose sur une montée en gamme de l’industrie qui s’est accompagnée de salaires très fragmentés par secteur permettant de réduire le coût du travail dans les services et, donc, d’améliorer la compétitivité de l’ensemble de l’économie. Cela a abouti à un vaste excédent du compte courant qui a atteint 278 milliards d’euros en 2016 contre un déficit de 38,5 milliards en 2000. Avant la mise en œuvre des réformes Schröder, le coût horaire du travail était plus faible en France (24,42 euros) qu’en Allemagne (26,34 euros). La situation s’est inversée à partir de 2004 pour aboutir à un coût horaire à 36,68 euros en France et à 34,74 euros en Allemagne fin 2016. Cependant, l’introduction du salaire minimum à partir de début 2015 et, surtout, la fin de la modération salariale devraient réduire à moyen terme le déséquilibre existant par rapport aux partenaires commerciaux de l’Allemagne.

 

2/ Les points de fragilité

a) Au niveau de l’investissement

Le premier point de fragilité concerne le faible taux d’investissement. Il a chuté de 23,8% du PIB en 2000 à 18,8% en 2016. La part de l’investissement privé dans l’économie a commencé à diminuer à partir de la seconde moitié des années 90 mais la tendance s’est intensifiée au cours des années 2000. On constate, dans le détail, que la baisse est d’abord liée au secteur de la construction. Après une période de surinvestissement dans la foulée de la réunification, un repli n’est pas anormal. En revanche, la baisse de l’investissement en équipement, dont la part dans l’économie est plus basse en 2015 qu’en 2008, est source d’inquiétudes. En effet, ce repli risque de conduire à une plus faible accumulation de capital qui va limiter à moyen terme l’innovation, fragilisant la compétitivité hors-prix du pays, et la croissance économique. En outre, ce mouvement pourrait être amplifié par le déclin démographique qui devrait conduire à un ajustement à la baisse du stock de capital et donc de l’investissement. Le sous-investissement, notamment dans les infrastructures, comme les routes et les ponts, est de nos jours le principal point noir de l’économie allemande.

 

b) Au niveau du secteur bancaire

Le second point de fragilité de l’Allemagne concerne le secteur bancaire. Le mouvement de concentration entamé ces dernières années des banques régionales allemandes, qui jouent un rôle clé pour le financement des PME locales, est en voie de finalisation. En revanche, malgré les restructurations multiples, Deutsche Bank ne parvient pas à assainir sa situation financière et à retrouver la confiance des investisseurs. La banque devrait profiter des bonnes conditions de marché pour effectuer une recapitalisation dans les mois à venir, ce qui constituera un premier pas avant qu’elle ne se désengage de son activité sur les marchés des capitaux, qui affiche des pertes, pour se recentrer sur la gestion d’actifs et, surtout, la banque de détail.

 

Les prochaines échéances électorales :

12 février 2017: Election présidentielle allemande (favori: Franck Walter-Steinmeier, actuel ministre des Affaires étrangères).

7 mai 2017: Election régionale dans le Schleswig-Holstein (actuellement gouverné par une coalition réunissant le SPD, les Verts et la SSW, parti de la minorité danoise).

14 mai 2017: Election régionale dans le Nordrhein-Westfalen (actuellement gouverné par une coalition réunissant le SPD et les Verts).

24 septembre 2017: Elections législatives (la coalition au pouvoir a de fortes chances d’être reconduite).

 

L’évolution de l’économie allemande d’ici à 2020 :

1/ De nouvelles priorités commerciales

Le protectionnisme des Etats-Unis et la sortie du Royaume-Uni de l’UE (qui représentent respectivement la première et troisième destination des exportations allemandes) devraient contribuer à modifier les priorités commerciales du pays et renforcer le tropisme asiatique observé ces dernières années. L’Allemagne est non seulement membre de la banque de développement des BRICS mais également un débouché clé de la nouvelle stratégie commerciale de la Chine, la nouvelle route de la soie. Il est d’ailleurs probable que l’Allemagne en soit l’un des principaux bénéficiaires en Europe. En outre, le pays devrait se tourner encore davantage vers son pré-carré en Europe Centrale et Orientale (la Mitteleuropa), renforçant au passage la division du travail qui existe déjà à son profit.

 

2/ L’absorption des réfugiés

Les modèles de croissance à long terme concluaient que le déclin démographique allait commencer à avoir un impact négatif sur la croissance du PIB potentiel à partir du début de la prochaine décennie. La politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés devrait retarder cet effet puisqu’elle se traduit par un investissement sur trois ans de près de 60 milliards d’euros (logement, formation pour renforcer leur employabilité etc…). Ce stimulus nécessaire pour l’économie allemande devrait permettre de générer un gain de croissance d’environ 1/4 de point de pourcentage par an au cours des prochaines années.

 

3/ La crise démographique persiste

La percée probable de l’AfD aux prochaines élections législatives (potentiellement 15% des voix au niveau fédéral) devrait mettre un terme à la politique de porte ouverte menée par l’actuelle coalition. Pour limiter l’impact de la crise démographique sur le marché du travail et le système de retraite, l’une des options les plus crédibles est de favoriser le temps-plein féminin. En Allemagne, presque 50% des femmes entre 20 et 64 ans sont à temps partiel, ce qui inclut de nombreux temps partiels subis, contre une moyenne européenne à environ 30%. Dans cette perspective, l’Etat et les échelons inférieurs devront investir, notamment pour mettre en place des structures d’accueil pour les enfants en bas âge, ce qui constitue un problème criant outre-Rhin.

 

Recommandations

– Face à une population vieillissante et dotée d’un faible patrimoine à dépenser, l’Allemagne doit investir ses excédents dans la zone euro.

– Les pays ayant des marges de manœuvre budgétaire importantes et pouvant prétendre à des taux bas voire négatifs doivent, au nom du principe de solidarité européenne, emprunter sur les marchés pour relancer la croissance économique, ce qui permettrait de compléter le dispositif déjà prévu dans le cadre du plan Juncker.

– La contrepartie de l’effort allemand à investir davantage doit être un engagement des autres pays membres, en particulier de la France, à respecter la trajectoire de baisse des dépenses publiques et de désendettement.

– La crise des migrants soulève la nécessité d’une réflexion au niveau européen sur les besoins en main d’œuvre étrangère et la mise en place de solutions communes aux Etats-membres (exemple: financement européen de la sélection et de la formation des immigrés).

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