» TROP D’IMPÔT TUE L’IMPÔT »
Fruit des travaux d’Arthur Laffer et de ses collaborateurs, cette célèbre assertion se fonde sur le fait que la relation entre l’augmentation des taux d’imposition et l’augmentation concomitante des recettes de l’État, pris ici dans le sens large de toutes les administrations publiques, peu ou prou parallèle dans un premier temps, culmine puis s’inverse au-delà d’un seuil « critique », un seuil qu’il est impossible de modéliser du simple fait qu’il n’est que d’ordre psychologique et, donc, individuel.
Pour faire simple, lorsque les prélèvements obligatoires d’un pays sont déjà très élevés, les augmenter encore finit par entraîner « paradoxalement » une baisse des recettes de l’État et, ce, tout bêtement, parce qu’il devient inutile, voire dissuasif, de travailler plus sans gagner plus… la mise en application personnelle de la courbe de Laffer !
Ce constat, qui est loin d’être nouveau, ne cesse de se vérifier et, pourtant, la France persiste à pratiquer une fiscalité délirante, dissuasive et la plus contre-productive qui puisse être imaginée.
Commençons par un impôt sur le revenu qui, dans ses modalités actuelles, présente au minimum trois graves inconvénients. Le premier, en étant assis sur une assiette trop réduite, il conduit à frapper « trop fort trop peu de contribuables », le deuxième est représenté par ces fameuses « tranches » qui, si elles sont très démagogiques, ont pour effet pervers de donner un motif psychologique, à ceux qui en ont la possibilité, de ne pas « sauter » ce seuil en se gardant bien de « travailler plus » faute de « gagner réellement plus » et, le dernier, celui d’exonérer la moitié des foyers fiscaux d’une contribution qui rendrait, à la fois, tous les Français conscients des prélèvements et nos élus plus responsables de ceux-ci aux yeux de tous les électeurs.
Ne laissons pas de côté le sempiternel recours à une « taxite aigüe » qui, grâce à l’imagination débordante de nos technocrates, finit par toucher tout ce qui bouge voire, même, ce qui avait eu la chance d’être épargné auparavant, ni une complexité des règles d’imposition qui conduisent à un surcoût de l’ordre de 1 point et demi par rapport à nos partenaires européens, ni ce qui nous est tant reproché par les investisseurs étrangers ou non, à savoir cette incorrigible propension à changer les règles fiscales en cours de partie, interdisant à tout investisseur ou entrepreneur d’avoir une vision fiable des résultats de ses investissements.
Gardons, telle la cerise sur le gâteau, cet Impôt sur la Fortune dont la charge idéologique est telle qu’elle l’emporte sur toute tentative de réalisme économique alors qu’il est formellement établi qu’il n’a contribué ni à remplir les caisses de l’État, ni à réduire les inégalités, ni à une meilleure redistribution et organisation des solidarités. Il n’en est que plus lamentable de constater que pas un homme politique n’a eu le courage de le rayer d’un trait bénéfique par crainte, pour les uns, d’une éventuelle « réaction populaire » et, pour les autres, de se discréditer en reconnaissant, implicitement, que ce fut une belle erreur économique.
Tout ceci ne pouvant que contribuer à un exode fiscal à l’exemple du plus récent, médiatique et picaresque au point d’en arriver à occulter le fait qu’il était fort loin d’être le seul et qu’entre ceux qui sont passés à l’acte, ceux qui l’envisagent et ceux qui en ont, simplement, le désir devrait inciter notre gouvernement à prendre la mesure d’un symptôme de mauvais pronostic, d’autant qu’au déplacement physique de certains s’ajoutent des transferts « virtuels » au bénéfice de nos pays voisins à l’exemple des conséquences, sans doute involontaires mais indiscutablement croquignolesques, de l’augmentation du prix des cigarettes.
D’après l’étude EPSY 2009 conduite par British American Tobacco France, plus de 20% des paquets de cigarettes français sont achetés à l’étranger. De son côté, l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) a publié une étude sur le niveau des achats transfrontaliers de cigarettes en France en mars 2011. Ainsi, l’étude estime, pour la période 2004 à 2007, que les achats transfrontaliers représentaient 22% des cigarettes consommées en France et que la perte fiscale inhérente à ces achats s’élève, elle, à près de 2 milliards d’euros par an. Nul doute qu’avec l’augmentation des prix d’Octobre 2012, nous devons flirter avec les 25%…
Que les lobbys anti-tabac se frottent les mains est une chose, mais que, par effet boomerang, les fumeurs français contribuent à l’équilibre des comptes publics des pays voisins me semble pour le moins crétin… Sans négliger d’autres conséquences comme des fermetures, pour faillite, de bar-tabacs frontaliers.
Je ne vois pas comment conclure cette introduction autrement qu’en citant un court extrait du « Prince » d’un certain Nicolas Machiavel qui devrait inspirer tant nos technocrates que nos Ministres de Finances présents et à venir …
«… Un Prince doit encore marquer de l’estime pour les vertus, et honorer les plus excellents dans les arts. Il faut aussi encourager ses sujets à s’attacher sans inquiétude à leurs professions, que ce soit l’agriculture ou le commerce, ou tout autre exercice, afin que l’un ne soit point détourné d’embellir ses terres, par la crainte de la confiscation, ni l’autre d’ouvrir un trafic, par celle des impôts. Au contraire, il faut proposer des récompenses à tous ceux qui entreprendront quelque chose qui tourne au bien de la cité et de l’État.»
Ou, encore, en revisitant la morale d’une célèbre fable de La Fontaine …
« Tant va la cruche à l’impôt qu’à la fin elle se casse ! » Elle se casse en Belgique, Luxembourg, Suisse ou ailleurs.
D’après M.BERR