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Trafic et blanchiment : Dubaï est-il devenu le paradis du crime organisé au Moyen-Orient ? Par S.Grenier

Inutile de faire durer le suspense, la réponse est oui. Les petits Émirats arabes unis – Dubaï, Abu Dhabi… – servent aujourd’hui de plaque tournante à de nombreux trafics et ont attiré toute une kyrielle de malfrats en col plus ou moins blanc. Dernier scandale en date : l’or du Zimbabwe.

Quel peut bien être le point commun entre le Zimbabwe, pays d’Afrique australe, pauvre et enclavé (175e mondial pour son PIB par habitant), et les opulents Émirats arabes unis (EAU) ? La réponse tient en deux lettres : l’or. L’affaire, sortie en mars dernier, n’est pas terminée, de nouvelles révélations sur la Gold Mafia sont attendues prochainement avec la possible mise en cause du président zimbabwéen. L’histoire est d’une banalité affligeante, comme souvent avec les scandales de blanchiment. L’argent sale en provenance de Dubaï est blanchi au Zimbabwe via l’achat d’or qui est ensuite revendu aux Émirats… contre des dollars tout ce qu’il y a de plus propres.

Cette nouvelle affaire n’est pas très originale : depuis les révélations des Dubaï Papers en 2018 et celles des Pandora Papers en 2021, les Émirats sont scrutés à la loupe par les services de répression internationaux du blanchiment et des trafics en tout genre. Malgré ces accusations répétées, les choses n’ont pas vraiment changé : les EAU ferment les yeux et font souvent traîner les choses.

Un paradis fiscal pour contourner les sanctions

À Dubaï et à Abu Dhabi (la capitale officielle des EAU), les oligarques et les mafieux de toute sorte se mêlent aux fraudeurs fiscaux pour faire prospérer leurs affaires, en contournant tranquillement les mécanismes des sanctions. Selon Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles et auteur du livre Émirats arabes unis, à la conquête du monde (éd. Max Milo), « les Émirats arabes unis jouent avec le feu et, surtout, se jouent du droit international : le rapprochement officialisé de Mohammed Ben Zayed (ndlr : président des EAU depuis 2022) avec Bachar al-Assad, ces derniers mois, et l’arrivée de nombreux jets privés d’oligarques russes désireux de mettre leur fortune à l’abri en dépit des sanctions prises contre leur pays il y a un an, prouvent à quel point, une fois encore, les Émirats se moquent de la législation internationale en matière financière. Abou Dhabi n’a rien à perdre : déjà considéré comme un paradis fiscal dans la région, il est, avec Dubaï, le roi du blanchiment d’argent dans le Golfe, menant des opérations financières en permanence à la limite de la légalité. Les affaires se succèdent ». L’or du Zimbabwe n’est qu’un épiphénomène. Car c’est surtout le marché immobilier émirati qui sert de grande lessiveuse.

Ces affaires ont récemment pris un nom : Dubaï Uncovered. Le marché immobilier émirati est en effet devenu un sanctuaire pour l’argent sale et pour le crime organisé. « Début mars 2022, l’organisme mondial antiblanchiment, le GAFI, a ainsi fiché Dubaï sur la liste grise des États priés de combler leurs failles en matière de lutte contre l’argent sale, souligne Le Monde. Dans le viseur : la finance, mais aussi l’immobilier de luxe, grand vecteur de blanchiment, sur lequel règne le plus grand mystère. Une crainte aujourd’hui confirmée par une base de données, révélant l’identité de 274000 propriétaires de 800000 biens immobiliers situés à Dubaï. » Citée par Middle East Eyes, Annette Alstadsæter, professeur d’économie fiscale et directrice du Skatteforsk Center for Tax Research, s’étonne même de l’ampleur des révélations de Dubaï Uncovered : « Jusqu’à présent, personne ne disposait de ce type d’informations sur l’ensemble du marché immobilier dans un paradis fiscal aussi connu. De nombreux propriétaires de biens immobiliers à Dubaï ont été accusés ou reconnus coupables de crimes ou font l’objet de sanctions internationales. D’autres sont des agents publics qui n’ont pas déclaré leur patrimoine ou dont la propriété de biens immobiliers coûteux est difficile à concilier avec leurs revenus connus. » Des oligarques russes proches de Vladimir Poutine aux grandes familles syriennes du cercle de Bachar el-Assad, tous n’ont qu’un objectif : utiliser Dubaï comme coffre-fort à ciel ouvert.

Le trafic de drogue, encore et toujours lui

Bien évidemment, l’argent à blanchir vient aussi du trafic de drogue. Fin 2022, la nouvelle n’avait pas fait la Une des journaux français alors qu’elle était pourtant de taille : Interpol venait de « coffrer » une cinquantaine de personnes (dont deux Français) dans le cadre d’un vaste coup de filet visant les trafiquants de drogue. Bilan : 30 tonnes de cocaïne saisies. Ce « super-cartel », comme l’a annoncé Interpol, avait plusieurs épicentres, dont Dubaï où plusieurs trafiquants ont été arrêtés. « Les barons de la drogue, considérés comme des cibles de grand intérêt par Europol, s’étaient alliés pour constituer ce qui était connu comme un ‘super cartel’ qui contrôlait environ un tiers du commerce de la cocaïne en Europe », avance Interpol, fier d’avoir éradiqué ce « réseau criminel prolifique impliqué dans le trafic de drogue à grande échelle et le blanchiment d’argent ». Selon l’organisation intergouvernementale de police criminelle, « l’ampleur de l’importation de cocaïne en Europe sous le contrôle et le commandement des suspects était massive ».

Malgré tout, les affaires continuent. En février dernier, un autre réseau de trafic a été mis à jour, cette fois entre la Guyane, l’Ile de la Réunion et Dubaï. Ici, le scénario ressemblerait presque à un mauvais téléfilm du dimanche soir. Jugez plutôt : une dizaine de personnes dont une influenceuse d’origine réunionnaise – compagne de Karim Bensouici, cerveau du réseau – seraient tombées suite à l’enquête de l’Office antistupéfiants. Une partie de l’enquête se serait appuyée sur le train de vie de l’influenceuse, et sur ses allers-retours entre la Réunion et l’émirat.

Dubaï sur liste noire ?

Suite aux révélations de Dubaï Uncovered, de nombreuses voix ont réclamé de mettre Dubaï une bonne fois pour toutes sur liste noire. « Les Émirats arabes unis sont sur la liste grise du Groupe d’action financière (Financial Action Task Force), un observatoire mondial spécialisé dans le blanchiment d’argent, depuis le mois de mars 2022, explique Jonás Fernandez, député européen et coordinateur de la commission sur les affaires économiques. L’observatoire international a détecté des failles stratégiques dans le système de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, et le financement de la prolifération mis en place par le pays. L’Émirat, qui est un refuge bien connu pour l’argent d’origine illicite, protège des politiciens et des hommes d’affaires corrompus des quatre coins du monde. Il faut y mettre un terme immédiatement. Les Émirats arabes unis doivent être mis sur liste noire sans plus attendre. »

Depuis plusieurs années, les autorités émiraties font tout pour montrer patte blanche. Officiellement, elles collaborent avec les instances internationales chargées de traquer les malfaiteurs et les cerveaux du blanchiment d’argent. Début 2022 par exemple, les Émirats et la Belgique – l’un des pivots du narcotrafic en Europe – avaient signé un protocole de coopération policière. Mais comme pour le contournement des sanctions, Dubaï promet une chose mais ferme les yeux sur le reste. Pendant ce temps, le cash, lui, continue d’affluer…

Comments

  • JACQUES TIAR
    mai 22, 2023

    Et combien d’autres €/$/£ money n’a pas d’odeur ni patrie

  • STEINBERG
    avril 4, 2024

    Explicite!

  • STEINBERG
    avril 4, 2024

    Explicite

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