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Pourquoi tout ce qui est prévu finit-il par arriver ?

Pour que les 44 personnes mortes la semaine dernière dans l’effondrement du viaduc Morandi à Gènes ne soient pas mortes pour rien, il faudrait qu’en Italie et ailleurs, on en tire au moins les dix conclusions suivantes.
1. Ce pont aurait dû être réparé depuis longtemps et tous ceux qui sont coupables de négligence doivent être punis sévèrement.
2. Il a été laissé en l’état parce que chacun est, en général, convaincu que tout problème sera un jour réglé par quelqu’un d’autre. Alors que, au contraire, un problème qu’on n’entreprend pas de régler soi-même ne le sera jamais. En particulier, ceux des voisins du pont qui aujourd’hui se plaignent, en prétendant avoir averti des risques qu’il faisait courir, sont coupables eux-aussi de ne pas avoir insisté et de ne pas avoir créé les conditions d’une solution, technique, sociale, économique ou politique.
3. Tous ont tous été victime d’un syndrome bien connu : On attache plus d’importance aux voitures qui circulent sur un pont qu’à sa solidité. Pourtant, dans le cas du viaduc de Gènes, on aurait dû comprendre que sa solidité conditionnait la survie économique et sociale de toute une région, qui, faute de voie de circulation de rechange, va sans doute s’effondrer pour plusieurs mois au moins.
4. Cela n’a rien à voir avec l’austérité, ni avec l’Europe, mais beaucoup avec le mauvais usage de la dette publique, qui aurait dû servir à financer des infrastructures, et non pas à améliorer à crédit le bien être des générations présentes.
5. Plus généralement, on s’intéresse trop souvent plus aux flux qu’aux stocks ; à ce qu’on consomme qu’au patrimoine. L’un est source de valeur et de profit, l’autre est sujet de dépense. Les statistiques s’en vantent même : la production de flux augmente le PIB, même si elle doit pour cela détruire des infrastructures ou d’autres patrimoines, artificiels ou naturels.
6. Si on mesure en quoi une collectivité protège ses patrimoines, dans l’intérêt des générations futures, (c’est-à-dire en quoi elle est « positive »), ces problèmes apparaissent au grand jour. Ainsi, depuis que Positive Planet mesure la « positivité » des pays de l’OCDE, l’Italie a toujours été classée dans les derniers rangs, entre autres parce que ses infrastructures ne sont pas entretenues.
7. Ce mauvais classement de l’Italie est révélateur de l’inquiétude des Italiens pour leur avenir. Cela va avec la croyance en le « c’était mieux avant », dont on retrouve l’impact dans l’effondrement de la natalité, et dans la montée du populisme. De fait, il y a un lien entre l’arrivée au pouvoir de Salvini et l’effondrement du pont de Gènes : l’un et l’autre sont le reflet d’une même peur de l’avenir, d’un manque de confiance en soi.

8. La France, qui est à peine mieux classée que l’Italie, est aussi menacée de ces mêmes tropismes. S’occuper de ses infrastructures, renforcer les patrimoines matériels et immatériels de l’avenir, ne pas détruire le patrimoine du passé, dont nous ne sommes que locataires, y est donc une priorité. Il faudrait donc, pour cela, prendre une à une toutes les dimensions de cet indicateur, en débattre et en faire les fondements d’un programme politique enfin sérieux.
9. Plus généralement, chacun de nous devrait se comporter de façon positive, c’est-à-dire en se mettant au service de la génération suivante, et pas seulement de ses propres enfants (si tant est qu’il s’y intéresse, ce qui n’est même pas toujours le cas) mais en se préoccupant aussi des enjeux collectifs de l’avenir.
10. On verrait alors qu’il y a bien des choix humbles (comme le triage des déchets) ou majeur (comme la défense de toutes les formes de patrimoines) qui sont urgents, qui révolutionneraient nos vies et les rendraient bien plus sereines et joyeuses.

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