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POURQUOI LES EMPLOIS D’AVENIR SONT UN MIRAGE

 

 

 

 

 

Le ministre du Travail appelait récemment à « donner un dernier coup de rein » pour atteindre, d’ici à la fin de l’année, l’objectif de 100.000 emplois d’avenir, dont environ 90.000 non marchands. Rien de neuf sous le soleil puisque, depuis le début des années 1990, les emplois aidés non marchands sont le navire amiral de notre politique de l’emploi. Avec environ 3 milliards d’euros en 2013, nous y consacrons la plus grande proportion des dépenses pour l’emploi de quasiment tous les pays de l’OCDE. D’où provient cette préférence française ?
En premier lieu, d’une vision keynésienne, selon laquelle, en période de récession, ces emplois sont un moyen d’injecter de l’argent dans l’économie, permettant à la fois de soutenir l’activité et de développer des missions « socialement utiles ». L’argument, pertinent en théorie, ne saurait justifier que cette politique reste toujours aussi massive. La relance des emplois aidés intervient souvent à contretemps : en 1997, lorsque la croissance repart ; nouveau pic en 2000, année de très haute conjoncture ; relance en 2005, alors même que l’économie, certes ralentie, ne menaçait pas d’entrer en récession.
Ensuite, de l’illusion que ces emplois aideraient les bénéficiaires à reprendre pied sur le marché du travail. En 2010, moins d’un quart d’entre eux occupaient un emploi dit « durable » (CDI ou CDD de plus de six mois) six mois après leur sortie, la grande majorité se retrouvant au chômage, en inactivité ou enchaînant d’autres emplois précaires, parfois encore aidés. Toutes les études conduites en France et à l’étranger sont concordantes : une personne passée par ces dispositifs ne verra pas, en moyenne, sa trajectoire professionnelle améliorée. C’est que le bénéficiaire, durant cette période, ne recherche plus d’emploi, ne reçoit que peu ou pas de formation et n’est plus suivi par le service public de l’emploi.
Enfin, de l’illusion que ces dispositifs pourraient contribuer à faire baisser drastiquement et rapidement les statistiques du chômage. La plupart des observateurs font en effet un lien direct entre la capacité du gouvernement à « inverser la courbe » du chômage et la relance massive de ces emplois. Or ce lien doit être relativisé, pour deux raisons.
La première, ce sont les « pertes en ligne » sans doute du même ordre de grandeur pour les emplois d’avenir que pour leurs nombreux prédécesseurs : les effets d’aubaine (15-20 % de ces emplois auraient été créés sans subventions massives), la rupture anticipé du contrat (5 % des cas) et les embauches de jeunes qui n’étaient pas inscrits au chômage (20 % des cas). Au total, les 90.000 emplois d’avenir non marchands se traduiraient au mieux par 60.000 chômeurs effectivement évités.
La seconde raison a trait au phagocytage des contrats existants. La capacité d’absorption des employeurs publics et parapublics étant limitée, le lancement d’un nouveau dispositif implique toujours un affaiblissement des autres contrats aidés du même type. C’est d’ailleurs ce que l’on constate à la fin du premier semestre pour les contrats aidés « classiques » dont les effectifs ont baissé de 35.000 par rapport à l’an dernier, selon le ministère de l’Emploi.
Au total, la relance des emplois aidés aura un impact limité sur le chômage cette année. Elle concernera au mieux 50.000 personnes, soit un gros 0,1 point sur le taux de chômage. Cet effet n’est pas négligeable, mais pas de nature à « inverser la courbe ».
Cette obsession des emplois aidés nous enferme dans un piège. Pour une contrainte budgétaire donnée, l’effort et l’énergie que l’on y consacre (subvention à l’employeur de 12.876 euros par jeune et par an pour un emploi d’avenir) évincent d’autres actions moins spectaculaires, mais beaucoup moins coûteuses et plus efficaces : accompagnement renforcé, orientation et « coaching » des chômeurs les plus en difficulté, aides à l’embauche dans le secteur marchand, formation professionnelle des chômeurs, structures d’accompagnement des jeunes, apprentissage…
Tel est, en définitive, le véritable coût de ces emplois aidés.

D’après BERTRAND MARTINOT

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