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Motion de rejet déposée par le groupe écologiste : peut-être une grande première

Les explications de Mélody Mock-Gruet 

Lundi après-midi sera débattue la motion de rejet du groupe écologistes contre le projet de loi immigration.

Sous cette législature, il y a déjà eu 45 motions de rejet préalable déposées sans succès. Mais aujourd’hui, avec une majorité relative, cet outil prend une tout autre dimension, permettant peut-être de rejeter un projet de loi avant même son examen en séance.

Ainsi, pour la première fois une motion de rejet préalable d’un groupe d’opposition peut possiblement être adoptée. Dans tous les cas, elle va obliger les différents groupes à se positionner sur le texte, avant son examen.

Cette note explique ce qu’est une motion de rejet préalable, sa procédure, pourquoi la pratique peut être différente avec une majorité relative et enfin qu’elles sont les possibilités suite au vote.

Qu’est-ce qu’une motion de rejet préalable ?

La discussion en séance peut être interrompue par le vote d’une motion de procédure qui a pour effet d’entrainer le rejet du texte. C’est la motion de rejet préalable.

Elle se trouve à l’article 91 alinéa 5 du Règlement de l’Assemblée nationale. Fusionnant l’exception d’irrecevabilité et la question préalable en une seule procédure lors de la résolution du 27 mai 2009, elle a pour objet de faire reconnaître que le texte est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Son adoption entraîne le rejet du texte.

Qui peut déposer une motion de rejet ?

A la différence d’une motion référendaire, ou d’une motion de censure, il n’y a pas de nombre minimal de députés requis. Autrement dit un député seul peut déposer une motion de censure. Cette procédure reste donc un droit individuel du député dans une Assemblée nationale organisée plutôt autour des groupes politiques. En outre, la motion de rejet n’est pas une prérogative d’un Président de groupe.

Ø  Cela veut également dire qu’un député peut déposer une motion de rejet alors même que ce n’est pas la position de son groupe politique…

Ø  Dans le cas du projet de loi immigration, Olivier Marleix a déposé seul la motion, et une autre a été déposée par les écologistes.

Que se passe-t-il si plusieurs motions sont déposées en même temps ? 

A la différence des motions de censure, qui à chaque dépôt doit avoir un vote, il n’y a qu’une seule motion qui sera discutée et qui donnera lieu à un vote. Est alors organisé un tirage au sort, pondéré en fonction des effectifs des groupes. Ainsi, une motion déposée par un député du groupe RN a plus de chance statistiquement d’être tiré au sort que celle du groupe LIOT. 

Ø  Il existe une certaine opacité concernant les motions de rejet déposées. Elles ne se trouvent pas dans le dossier législatif du site de l’Assemblée nationale, il est donc difficile pour le citoyen de savoir combien de motions ont été demandées et par qui (et s’il y a des cosignataires). 

Quelle est la procédure de la motion ?

Elle est examinée avant la discussion générale, sauf lorsqu’il s’agit d’une séance réservée à l’opposition ou à un groupe minoritaire, auquel cas elle est discutée à l’issue de la discussion générale.

Dans la discussion, peuvent seuls intervenir l’un des signataires pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes sauf décision contraire de la Conférence des présidents ; Suivent dans la foulée sans limitation de temps le Gouvernement, puis le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Avant le vote, la parole est accordée, pour deux minutes, à un orateur de chaque groupe.

Combien de motions de rejet ont été adoptées ?

Ont été recensées 144 motions sous la XIIIème législature, dont aucune n’a été adoptée, et 148 motions sous la XIVème, dont 19 avaient été adoptées lors des « niches parlementaires ».

Lorsque la majorité utilisait ce dispositif, c’était pour rejeter directement une proposition de loi de l’opposition.

Concernant l’opposition, cet outil de procédure permettait de leur donner du temps de parole supplémentaire avant de commencer la discussion générale et marquer une position politique forte contre le texte étudié, car la majorité atteignait toujours un nombre de suffrage suffisant pour rejeter les motions de l’opposition.

Pourquoi la pratique peut être différente avec une majorité relative ?

Sous cette législature, il y a déjà eu 45 motions de rejet préalable déposées sans succès. Mais aujourd’hui, avec une majorité relative, cet outil prend une tout autre dimension, permettant peut-être de rejeter un projet de loi avant même son examen en séance. 

Ainsi, il est possible que la motion de rejet du groupe écologistes contre le projet de loi immigration qui sera défendue lundi après-midi puisse être adoptée. La motion va obliger les différents groupes à se positionner sur le texte, avant son examen. 

Ø  Y aurait-il une alliance de circonstance entre les différents groupes politiques, de diverses couleurs politiques, avec des idéologies très contrastées sur le texte ? 

Ø  Certains groupes d’opposition pourraient arguer qu’ils souhaitent discuter du texte et de leurs amendements car le sujet est important. Mais en utilisant la stratégie de l’opposition responsable, les autres groupes d’opposition auraient tendance à considérer qu’ils joueraient le jeu de la majorité. 

Ø  Cette motion peut également être un marqueur de division au sein de même de certains groupes, ou de l’alliance NUPES. D’ailleurs, les lors de la réunion du jeudi 7 novembre, les LR étaient divisés sur le sujet. 

Ø  Le RN n’a pas officiellement donné encore sa position : Les députés du parti se réuniront à 15h30 lundi pour en discuter, soit le plus tard possible avant le vote. L’objectif est de ne pas permettre à la majorité et aux autres groupes d’opposition de connaitre leur stratégie en amont, sachant qu’avec 88 députés, ils peuvent faire la bascule. 

Ø   Enfin, les députés seront-ils présents et mobilisés un lundi après-midi ? 

Il n’y a pas de délégation de vote pour une motion de rejet préalable : chaque voix compte, et le scrutin (que l’on pourra retrouver sur le site de l’Assemblée nationale) sera scrutée. 

Que se passe-t-il après le vote ?

Soit la motion de rejet n’est pas adoptée, la discussion générale commence ainsi que l’étude du texte. Mais le résultat des votes restera un marqueur politique important, au sein des groupes, et sur le positionnement politique de chaque député.

Soit de la motion de rejet préalable est adoptée, ce qui entraîne le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée. 

Ø  Dans le cas du projet de loi immigration, il est prévu une procédure accélérée. Ainsi, une commission mixte paritaire (CMP) pourra être convoquée. Mais le Gouvernement peut retirer l’urgence qu’il a déclarée en février dernier.

Ø  Concernant la CMP, plusieurs inconnus. Le résultat de la CMP conclusive ou non, contenu du texte ou non, dépendra de la composition de la CMP ( pour 7 places à l’Assemblée nationale, il y a 4 places pour la majorité et 3 pour l’opposition. Mais comme il y a 10 groupes, il y a un tourniquet entre les groupes). La CMP pourrait adopter un texte proche de celui du Sénat.

Ø  Il restera alors plusieurs possibilités pour le Gouvernement de reprendre la main :

·       Si la CMP est conclusive : aucun amendement n’est recevable sauf accord du gouvernement et il y a également un principe d’entonnoir. Le Gouvernement pourrait alors activer l’article 49 al.3 pour réécrire le texte, ou mobiliser sa majorité pour qu’elle vote contre le texte qui n’a plus le contenu souhaité par le Gouvernement. A ce moment-là, le texte pourrait repartir une navette, ou le Gouvernement pourrait décider de ne pas réinscrire son texte…

·       Si la CMP échoue, nouvelle navette mais également la possibilité qu’à nouveau une motion de rejet préalable soit adoptée à l’Assemblée nationale. Ainsi reviendrait à nouveau la question de l’utilisation de l’article 49 al.3 (sachant que le Gouvernement ne peut l’utiliser que sur un seul texte par session, hors PLF et PLFSS).

Mais dans tous les cas, si la motion de rejet préalable est adoptée, cela créée un précédent que les différents groupes d’opposition risquent d’utiliser à répétition. En outre, elle fragilisera la politique gouvernementale dans son ensemble et le rapport de force Gouvernement / Assemblée nationale.

Le Petit Guide du Contrôle Parlementaire

de Mélody Mock-Gruet et Hortense de Padirac 

paru le 17 octobre aux éditions L’Harmattan

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