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Mémoire du soldat Roger SCOTTO di CESARE

memoire

 

Monsieur Roger SCOTTO di CESARE est né le 13 juin 1922 à Alger. Il a passé une partie de sa jeunesse à Oran à compter 1928, notamment pour y passer ses études primaires supérieures. En 1941-1942, il se trouve sur le continent en classe préparatoire au diplôme d’ingénieur des Arts et Métiers à Aix en Provence. Ces études sont interrompues par le débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie lors de l’opération TORCH le 8 novembre 1942. De ce fait son sursis militaire est abrogé et il est mobilisé le 18 novembre 1942 aux chantiers de jeunesse n°102 de Tlemcen jusqu’en février 1943.

Il est incorporé le 23 février 1943 au dépôt de guerre n°41 à Rabat au Maroc puis à la 6e compagnie du 41e bataillon de transmissions. Cette dernière devient dès mars 1943, la compagnie mixte de transmissions n°96/84 au profit de la 5edivision blindée. A cette époque la compagnie est localisée à Rabat au Camp Garnier tenu par le RICM. La cohabitation avec les Marsouins, maîtres des lieux, ne fût pas toujours facile. Le moral de la troupe est plutôt en berne. En effet, la vie de caserne est assez pénible avec de nombreuses gardes, des services de semaine et autres piquets « incendie ». Le reste du temps est consacré aux fondamentaux de l’instruction : courses, marches, gymnastique ; maniement des armes, démontage, nettoyage, remontage et lecture au son (LAS) le matin. Les plus rapides en déchiffrage, l’élite, étaient affectés dans les véhicules radio de type « 2.9.9 » ou « 3.9.9 », Berliet ou Renault.

Pour faire face au désœuvrement et pour se préparer à la victoire, le commandement organise alors le déplacement de la compagnie et de nombreux exercices.

La compagnie va tout d’abord être logée en juin 1943 dans les villas de la plage de Miramar (Témara). C’est un lieu idéal, sans contrainte, la mer, la plage et une semi-liberté. Elle attend impatiemment son tour pour être équipée par les Américains et pour libérer la France. Elle séjourne dans la forêt de la Marmora, à l’est de Rabat d’octobre à décembre 1943, puis à Saint-Denis du Sig (département Oran) de décembre 1943 à janvier 1944 et à Oujda dans le Maroc oriental de janvier à avril 1944. C’est là que le 22 avril 1944, à la frontière marocaine, le Général de Gaulle rend visite à toute la 5e DB et apaise par un discours mémorable leur impatience à être engagé. La préparation se poursuit sur l’aéroport des Angades puis à Bedeau, dans le sud Oranais pour des manœuvres de six jours en juin 1944 ou encore à Trouville, une plage d’Oran de juin à août 1944.

A St Cloud près d’Oran, c’est la dernière étape. Le 13 septembre, le bruit court d’un embarquement le soir même. Ce bruit ayant couru déjà plusieurs fois, cela laisse les transmetteurs sceptiques. Toutefois, cette fois-ci cela se précise d’heures en heures et à 17 heures, l’ordre est donné d’effectuer le chargement du matériel de la compagnie (GMC, avec remorque, GMC Radio, Dodge 4×4, Dodge 6×4, Jeep) et de se tenir prêts à faire mouvement pour 19 heures. Une joie délirante s’empare alors de l’ensemble de la compagnie : dans deux heures, ce sera la mer, les côtes de France, la France dont tous rêvait depuis de longs mois, tout cela défile sous leurs yeux, c’est l’incroyable vérité. D’un seul élan, un travail fébrile commence, chacun courant à son poste, rassemblant ses affaires, veillant à la mise en place du matériel, dont il a la charge. La compagnie transformée en fourmilière, termine son chargement en un temps record. Ainsi le Parc des transmissions divisionnaire réussit à mettre en place ses 10 tonnes de matériel en une heure et demie. A 21h00 précises, tout est prêt, les véhicules forment convoi. A 22h00, le convoi démarre pour atteindre le port d’Oran à 23h00. Les quais, les rampes sont noirs de véhicules de tout genre, régulièrement alignés. Les rayons de lumière qui jaillissent des phares rendent ce décor féérique. La route est illuminée sur une longueur assez conséquente et, dans le lointain, le grondement sourd des chars, qui arriveront plus tard se fait entendre. Les « landing ship tank » (LST) sont là, la gueule béante, prêts à absorber cette masse inimaginable de matériel, gage de la puissance de l’armée de Libération. L’opération d’embarquement commence à minuit pour se terminer au petit jour.

Le 14 septembre, la compagnie mixte de transmissions embarque pour un voyage en convoi d’une quarantaine de navires. Les LST, une fois parés, gagnent la baie de Mers-el-Kébir, en attendant de prendre le large. Le 15 à 16h00, 36 LST, cinq liberty-ships et trois escorteurs prennent la haute mer. Le 19, le convoi est pris à partie par la tempête et le brouillard et se disperse. Grande émotion à bord du LST 141, qui, tous feux allumés, vogue seul et tangue à qui mieux mieux. Le trajet se poursuit en longeant la Sardaigne et la Corse pour arriver vers Saint-Tropez. Le 20 septembre au matin, tout le monde est rassemblé à l’avant du bâtiment, vers 09h00, pour apercevoir les côtes de France. Le convoi se reforme à midi et à 12h30, le mouillage s’effectue dans la baie de Fréjus, Saint-Raphaël. Il faut néanmoins patienter jusqu’au lendemain pour pouvoir débarquer à la Read Beach de Saint-Raphaël. Vers 15h30, le 21 septembre, la compagnie part pour La Molle dans le Var pour bivouaquer dans un pré.

Ici commence le cheminement d’étape en étape vers les premières lignes de front. La 5e DB est dans les faits la dernière division à être engagée sur le sol métropolitain. Le Parc des transmissions rejoint les éléments précurseurs à la ferme des Cazeaux dans la petite commune d’Eguyes dans les Bouches du Rhône, le 22 septembre. Le 23, la compagnie et le Parc font mouvement sur la ferme Vaimousse près de Lambesc, toujours dans les Bouches du Rhône, où ils stationnent dix jours. Le 6 novembre, la compagnie fait mouvement sur Moirans dans l’Isère, qu’elle quitte le lendemain à 05h30. Arrivés le même jour à Cuiseaux, dans le département de la Saône-et-Loire vers 15h30, la population lui réserve un accueil chaleureux. La compagnie se fait alors un devoir et un plaisir de lui organiser un bal, où l’entrain de fait pas défaut. Le 8, la colonne s’élance et traverse Lons le Saulnier, Besançon, Vesoul, Pont de Planche pour stopper le 10 à Fretigney en Haute-Saône. C’est là que les premiers engagés volontaires issus des FFI vont rejoindre la compagnie. Le 28, la compagnie fait route sur Fontaine les Luxeuil.

Le 14 novembre 1944, la 5e division blindée lance sa première attaque. Il est midi. La compagnie fait alors mouvement sur Bouhans les Montbozon et Chasse les Montbozon. Le temps est pluvieux et la boue accroît les difficultés de manœuvre. Des sabots avaient été distribués pour faciliter le travail dans des fossés impraticables mais ça n’a pas marché car les télégraphistes y laissaient un sabot à chaque pas dans ces vingt centimètres de boue.

Dans la matinée du 17, la compagnie prend la direction de Saint-Ferjeux où se pose le problème des logements. Montbéliard est délivrée et la compagnie n’y reste qu’une seule journée. Le 18, le cantonnement est installé à Dampierre les Bois, pour deux jours. Le 25 novembre, la compagnie pénètre en Alsace pour la première fois, les enseignes des boulangeries sont devenues des « Bakeries ». Ils atteignent alors Hirsingue, où une colonne du QG comprenant le commandement des transmissions et une partie des véhicules de la compagnie est attaquée dans la forêt de Sepois. Elle essuie un violent tir de mortiers et un homme de la compagnie de QG est tué. Deux jours après, sur la route d’Hirsigue à Alkirch, le CCH LESTRAYT et un indigène de la compagnie ramènent au PC par leurs propres moyens, les deux premiers prisonniers faits par l’unité. Une semaine s’écoule dans cette ville avant le départ pour Alkirch.

Après ce court séjour en Alsace, la compagnie reprend les pentes boisées et neigeuses desVosges et le 12 décembre, arrive à la station thermale d’eaux chaudes de Plombières. Malheureusement, elle n’y reste que la nuit et reprend la route le lendemain matin en direction de Lepanges et Deycimont. Suivant la marche des blindés, elle atteind Verpellières et Ban de Laveline où les hommes souffrent du froid et de la neige. Les engins chenillés ont de la peine

à avancer.

Le 10 janvier 1945, la compagnie retrouve l’Alsace pour dix jours à Rosheim et Rosenwiller dans le Bas-Rhin. Elle se déplace ensuite sur Barr et Chatenois avant la grande victoire qui verra la libération de la ville de Colmar, dernière grande cité entre les mains de l’ennemi. Le 2 février 1945, la compagnie installe son PC à Colmar et durant les premiers jours, l’ennemi lance sur la ville quelques projectiles. Des mines à retardement font sauter une partie des casernes. Après Colmar, le PC est établi à Molsheim, le Parc des transmissions à Strasbourg. Les hommes profitent de quelques moments de repos avant de tailler en pièces la Grande Allemagne.

Un court séjour est effectué à Hoerdt au nord de Strasbourg. Le lundi de Pâques, le 2 avril, à 16h10, la compagnie franchit la frontière franco-allemande à Lauterbourg. Une immense pancarte rappelle aux hommes qu’ils entrent en Allemagne. La route est quasi déserte. Elle atteint Hoffenbach tard dans l’après-midi. Des évacuations de civils permettent de loger la troupe. L’avance se poursuit en territoire ennemi à un rythme accéléré. Le passage du Rhin s’opère le 4 avril à Ludwigschaffen et Mannheim ainsi qu’à Spire. L’unité cantonne à Hockenheim le même jour, puis le 7 avril à Knittlingen.

La marche vers le sud se poursuit à Ottenlausen, où un petit élément de la compagnie pénètre en premier. Dans la journée, le CNE BURIDANT et un sous-officier capturent huit prisonniers avec armes et munitions. Dès cet instant, l’avance devient foudroyante et les éléments de couverture peuvent à peine maintenir le contact. Le soir-même, départ pour Tuttlingen et Wagelloch, où a lieu un fait d’armes qui confèrera à la compagnie une citation à l’ordre du corps d’armée. Une battue effectuée par la compagnie dans les bois permet au soir du 21 avril de comptabiliser trois tués dont un capitaine, quatre blessés dont un adjudant et 37 prisonniers dont un capitaine-médecin, avec armes automatiques, fusils et grenades.
Le lendemain, les patrouilles ordonnées par le commandant d’unité permettent de capturer de nombreux prisonniers parmi lesquels un lieutenant-colonel et deux sous-lieutenants. Mais à midi trente, les Allemands passent à l’attaque du cantonnement dans le but certain de délivrer les leurs. La défense s’organise. Deux half-tracks et un détachement de la compagnie de quartier général arrivent en renfort. Une contre-attaque est déclenchée mais les Allemands résistent avec opiniâtreté. Le CNE BURIDANT, apprenant qu’un de ses hommes est en difficulté, repart à nouveau. Au cours de cette opération, il est atteint par une balle qui lui transperce la cuisse gauche.
La compagnie se replie sur Tubingen et y passe la nuit du 22 au 23 avril. Tous ont fait preuve de calme et de sang-froid. A 22 heures, le bilan est de 17 tués, cinq blessés et 173 prisonniers. Le 23, la compagnie rejoint le PC stationné à Tuttlingen sur le Danube. De Tuttlingen, la compagnie fait mouvement sur Pfullendorf puis sur Ravensbourg. Le 2 mai, elle atteint le Lac de Constance à Landau, c’est la fin de la campagne d’Allemagne.
Le 29 avril, les blindés ont pénétré en Autriche par le défilé de Bregenz. Le PC stationne alors à Hohenhems puis à Feldkirch. N’ayant pu se loger dans cette localité, la compagnie cantonne à Nonnenhorn. Le PC se déplace sur Blundenz, au pied du Tyrol. C’est là, le 7 mai 1945, que la compagnie apprend la reddition sans condition des forces armées allemandes. C’est également le jour où décède le caporal Gabriel CALVEZ à l’hôpital d’évacuation de Mutzig. L’unité se regroupe alors à Uberlingen, sur les bords du Lac de Constance, où tous ses éléments jouissent d’un repos bien mérité.
Monsieur SCOTTO di CESARE s’est marié le 5 octobre 1949.
En 1956, Monsieur SCOTTO di CESARE est rappelé, comme 180 000 vétérans de la guerre 1939-1945. Ces vétérans servent en Algérie dans les unités territoriales pour surveiller les points stratégiques des agglomérations : ponts, écoles, usines sensibles (Air Liquide, EDF) gares et pour effectuer des patrouilles, avec ou sans la Police. C’était en quelques sortes, le Vigipirate d’aujourd’hui. Ils étaient mobilisés un jour par semaine, de jour comme de nuit, durant 5 ans. C’était du temps, où la guerre d’Algérie, s’appelait encore le maintien de l’ordre.
Il a deux enfants de 63 et 65 ans (retraités), cinq petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Il est resté à Oran jusqu’en 1962, date à laquelle, il a subi l’exode vers la métropole.
Il s’est retiré à Aubagne dans les Bouches du Rhône, où il profite de sa retraite avec son épouse depuis 1982. Durant dix-huit ans, il a œuvré bénévolement dans deux associations caritatives. Sa santé est bonne même si deux incidents majeurs auraient pu être fatals il y a une vingtaine d’année (infarctus et AVC).
Monsieur SCOTTO di CESARE a été décoré de :

  • La Médaille Militaire
  • La Croix de guerre 1939/1945 avec citation à l’ordre du Régiment (étoile de bronze)
  • La Croix du Combattant
  • La Médaille commémorative  » 1939- 45
  • La Médaille commémorative  » Algérie »
  • Le Titre de Reconnaissance de la Nation  » Guerre 39/45″
  • Le Titre de Reconnaissance de la Nation « Algérie »La Médaille Militaire lui a été attribuée en décembre 2012 et remise par le chef de corps du 1er RE d’Aubagne. Cette nomination a été tardive du fait de la méconnaissance des textes par les anciens combattants. En effet, c’est à eux dans faire le demande. C’est sur l’insistance du Président de l’union nationale des combattants (UNC), dont il est membre que la demande a été honorée.

 

Comments

  • Bernet
    octobre 16, 2015

    AVE CÉSAR, c’est laFRNCE que l’on aime.

  • JOUGIER
    février 11, 2016

    Bonjour,
    Je suis le fils d’un ancien de la 96/84.
    Je recherche des « anciens » pour pouvoir échanger des souvenirs.
    Merci de me contacter au 06/73/04/10/79
    ou mail = joelleetgilbert@gmail.com

  • jean-Louis BAUTISTA
    août 26, 2019

    Bonjour, je suis le fils d’un ancien de la 96/84 et effectue en ce moment quelques recherches en vue reconstituer le parcours de mon père de 1942 à 1946. Merci par email dans un premier temps. JL B

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