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Mélody Mock-Gruet : « Pourquoi des députés de l’opposition annoncent déjà une motion de censure ? »

Le discours de politique générale est un moment important : lors de l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement, le Premier Ministre (PM) expose son programme avec les principales réformes et mesures qu’il veut mettre en place à l’Assemblée nationale.

Est-ce une obligation pour le PM ?

Selon l’article 49 alinéa 1 de la Constitution : « Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. »

Même si la formulation de la Constitution semble ambiguë, l’approbation d’une déclaration de politique générale relève de l’appréciation discrétionnaire du PM. Etant donné qu’elle est prise en Conseil des ministres, l’initiative exige l’accord (ou l’absence d’opposition) du chef de l’Etat. Cette procédure remplace celle de l’investiture qui existait sous les précédentes Républiques. Le Gouvernement existe juridiquement dès sa nomination par le Président de la République (article 8 de la Constitution). 

Dans la pratique, le PM présente une déclaration de politique générale après sa nomination, mais il n’engage la responsabilité du Gouvernement que s’il le juge opportun. Solliciter un vote à l’Assemblée nationale n’est donc pas une obligation constitutionnelle à la différence de pays voisins européens. Jusqu’à aujourd’hui, aucun Gouvernement n’a été renversé sur ce fondement.

Il n’y a pas de distinction à opérer entre « programme » et déclaration de politique générale ».  (CC, 2 juin 1976, n°64-1976)

Quels ministres n’ont pas engagé la responsabilité du gouvernement ?

8 PM n’ont pas soumis au vote de confiance leur déclaration :

–       Georges Pompidou (1966), 

–       Maurice Couve de Murville (1968), 

–       Pierre Messmer (1972), 

–       Raymond Barre (1976), 

–       Michel Rocard (1988)

–       Edith Cresson (1991)

–       Pierre Bérégovoy (1992)

–       Elisabeth Borne (2022)

L’absence de majorité absolue (1988 à 1993, ou encore 2022) a un impact direct sur le refus de l’engagement de la responsabilité. La confiance est « toujours présumée sauf preuve du contraire » (A. Le Divellec).

Quelle est la procédure ?

Elle est prévue à l’article 152 du RAN. Le temps du débat consécutif à la déclaration du Gouvernement est fixé par la conférence des présidents, réparti en proportion de leur importance numérique, entre les groupes d’oppositions et les autres groupes. Chaque groupe dispose d’un temps minimum de 10 minutes.

Quel est la place du Sénat ?

La règle veut qu’au moment où le Premier ministre expose sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, celle-ci soit lue en même temps à la tribune du Sénat par un autre membre du Gouvernement. 

C’est un simple acte d’information qui ne peut être confondu avec la procure de l’alinéa 4 de l’article 49 de la Constitution : « Le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale ».

On peut noter que Elisabeth Borne avait souhaité prononcer une seconde intervention devant les sénateurs le lendemain de sa déclaration de politique générale devant les députés.

  • Pourquoi des députés de l’opposition annoncent déjà une motion de censure ?

Etant donné qu’il y a peu de chance que le PM engage la responsabilité du Gouvernement, le groupe LFI a déjà annoncé le dépôt d’une motion de censure spontanée pour marquer leur opposition. Ils utilisent également cet outil pour avoir un vote suite à la déclaration de la politique générale, obligeant ainsi les différents groupes et députés à se positionner. Mais la motion a peu de chance d’être adoptée.

Mélody Mock-Gruet est docteure en droit public de l’Université Paris II Panthéon-Assas (thèse sur le coup d’État moderne) et titulaire du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Après trois ministères, elle a travaillé dix ans à l’Assemblée nationale, notamment en qualité de conseillère législative en charge de la prospective et du contrôle dans un groupe parlementaire. Elle est également enseignante à Sciences Po Paris, dispensant un cours sur les actualités et enjeux parlementaires.

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