
LVMH : le géant du luxe plie mais ne rompt pas
Dans un climat économique mondial en clair-obscur, marqué par les incertitudes géopolitiques et la frilosité des consommateurs asiatiques, LVMH signe une performance en demi-teinte pour l’année 2024. Si les chiffres sont en retrait, la maison-mère de Louis Vuitton, Dior ou encore Tiffany continue d’affirmer sa stature de colosse prudent, résilient et stratège.
Un ralentissement maîtrisé
Le chiffre d’affaires annuel du groupe s’établit à 84,7 milliards d’euros, en léger repli de 2 % par rapport à l’année précédente. Le résultat opérationnel courant, quant à lui, accuse une baisse plus marquée de 14 %, à 19,6 milliards d’euros, pour une marge opérationnelle ramenée à 23,1 %, contre 26,5 % un an plus tôt.
Le résultat net part du groupe s’élève à 12,6 milliards d’euros, en recul de 17 %. Une érosion significative, mais loin d’être catastrophique pour un empire aussi diversifié que celui de Bernard Arnault.
En revanche, le cash-flow disponible progresse sensiblement, atteignant 10,5 milliards d’euros, soit une hausse de 29 %, démontrant une gestion rigoureuse des ressources en période de ralentissement.
La mode et la maroquinerie : premier signal d’essoufflement
Longtemps locomotive inébranlable du groupe, le pôle Mode et Maroquinerie (Louis Vuitton, Fendi, Celine…) enregistre une baisse de 5 % au premier trimestre 2025. Les transitions créatives en cours — notamment chez Loewe et Celine — n’ont pas suffi à compenser un fléchissement de la demande, notamment en Chine.
Le segment Vins et Spiritueux, déjà fragilisé depuis 2023, accuse une chute de 9 %, tandis que Parfums et Cosmétiques limitent la casse avec une baisse d’à peine 1 %. Seule réelle éclaircie : le pôle Montres et Joaillerie, tiré par Tiffany & Co., affiche une croissance modeste de 3 %.
La Chine en retrait, les États-Unis sous pression
La répartition géographique confirme la tendance observée par l’ensemble du secteur du luxe : l’Asie (hors Japon), traditionnel moteur de croissance, enregistre une baisse de 11 %. Le Japon, plus stable, recule légèrement (–1 %), tandis que l’Europe demeure étonnamment résiliente (+2 %).
Aux États-Unis, LVMH anticipe d’éventuels relèvements de droits de douane et réfléchit à relocaliser une partie de sa production, notamment pour Louis Vuitton et Tiffany, dont une majorité des produits est déjà fabriquée sur le sol américain.
Le luxe redevient un secteur sous tension
Autre signe de reconfiguration du marché : Hermès a brièvement ravi à LVMH sa place de groupe de luxe le plus valorisé au monde. Un symbole fort, alors que les investisseurs semblent désormais récompenser les maisons qui parviennent à conjuguer exclusivité, sobriété et rentabilité stable.
Une stratégie d’adaptation, sans renier l’ADN du groupe
LVMH ne cède pas à la panique. Le groupe maintient sa stratégie d’investissement, notamment dans ses ateliers, la formation de ses artisans et le digital. Fidèle à son approche de long terme, le numéro un mondial du luxe préfère temporiser, réorganiser, et s’armer pour le rebond.
À travers ce repli mesuré, LVMH confirme une chose : la tempête gronde sur le secteur, mais le navire amiral ne rompt pas. Il ajuste ses voiles, resserre son équipage, et poursuit sa route — lentement peut-être, mais avec assurance.