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L’immigration, la solution au problème démographique en France? Par Bruno Tertrais

Bruno Tertrais est auteur de « le choc démographie » et lauréat du prix de vudailleurs 2023.

En 2022, la population française – 68 millions de personnes au 1er janvier 2023 – seulement. La France semble durablement entrée dans une phase de ralentissement démographique. Au regard de ses voisins européens, notre pays n’est pas dans une situation démographique inquiétante, mais celle-ci est néanmoins devenue préoccupante depuis le milieu des années 2000, avec davantage de décès et moins de naissances. L’excédent naturel en 2022 était ainsi le plus faible depuis 1945.

La France vieillit. Elle fut pionnière de la « transition démographique » (diminution de la mortalité et accroissement de la population, puis diminution de la natalité et ralentissement de la croissance démographique). Elle est désormais, en Europe, pionnière du vieillissement.

L’immigration change d’ampleur et de nature. La proportion d’étrangers atteint 7,7% de la population, dont 4,5 millions d’immigrés et près de 0,8 million de personnes nées en France. Le seuil de 10 % d’immigrés dans la population est maintenant dépassé. Les entrées sur le territoire concernent désormais, à plus des deux tiers, des immigrés ; pour les sorties, c’est l’inverse. Les 4,5 millions d’immigrés étrangers en France sont désormais majoritairement d’origine africaine. Entre le milieu des années 1970 et aujourd’hui, les proportions d’immigrés venant d’Europe et du reste du monde se sont inversées.

Dans ce contexte, l’immigration serait-elle une « chance pour la France » ?

Cette immigration représente une composante de plus en plus importante de la croissance de la population française – une tendance qui doit tout autant au ralentissement de la natalité et à la hausse de la mortalité qu’à l’augmentation de l’immigration. La contribution des femmes immigrées à la fécondité représente près d’un cinquième des naissances, même si cela n’équivaut qu’à environ 0,1 point d’indice conjoncturel de fécondité. Au total, les immigrés et leurs descendants immédiats représentent désormais plus d’un cinquième de la population française. En 2022, l’immigration a compté pour près des trois-quarts de l’accroissement de la population, une proportion inédite. A moins de vouloir le déclin de la population française, cette immigration sera inévitablement un apport majeur dans le maintien de la population française, car même une politique nataliste robuste ne permettra pas de compenser, à court et moyen terme, de compenser la chute du solde naturel.

Est-elle une charge ou un atout sur le plan économique ? L’impact économique – les coûts et bénéfices – de l’immigration peut être mesuré dans quatre domaines : la richesse nationale, les comptes publics, l’emploi et les salaires. Il est, dans tous ces domaines, relativement marginal, parfois dans un sens, parfois dans l’autre. 

Quid des retraites ? Les travaux du Conseil d’orientation des retraites se basent sur l’hypothèse centrale de l’INSEE, soit un solde migratoire de +70.000 personnes par an en moyenne. Ils suggèrent qu’un solde migratoire faiblement positif (+20.000 par an, soit l’hypothèse basse de l’INSEE) équivaudrait à alourdir la charge des retraites de 0,7 point de PIB annuel en 2070. De fait, l’immigration ne règle pas, à moyen terme, le problème des retraites : les nouveaux arrivants finissent aussi par vieillir, et l’amélioration du rapport de dépendance (ratio population d’âge actif / population de plus de 65 ans) est donc passagère.

Le raisonnement mécaniste qui veut combler un déficit de force de travail par l’immigration est ainsi à courte vue (sans compter qu’il faudrait élever le niveau de qualification de la main d’œuvre immigrée, celle-ci étant traditionnellement, en France, peu qualifiée). Pour stabiliser ce ratio et donc avoir un impact sur le financement des retraites, une immigration massive serait indispensable. Il avait été calculé il y a vingt ans que la France aurait besoin de plus de deux millions d’immigrés par an entre 2025 et 2060 (soit un total de 60,9 millions sur la période) pour maintenir ce ratio au niveau de ce qu’il était en 1995…

Les grandes orientations de la politique d’immigration relèvent donc davantage de choix de société que de choix économiques.   

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