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Liban : Le pays risque-t-il de sombrer dans la guerre civile ?

Les politiques libanais tentent de trouver un compromis sur l’affaire d’explosion au port de Beyrouth qui s’est produite en août 2020. Les députés, les ministres et l’ancien chef du gouvernement Hassan Diab ne répondent pas aux assignations à comparaître. Les différends judiciaires et politiques ont conduit à une fusillade dans des quartiers résidentiels de Beyrouth. Mais les politiciens s’empressent d’affirmer qu’il n’est pas question d’une nouvelle guerre civile au Liban. En même temps, les Libanais ordinaires suivent avec crainte l’évolution de la situation. D’autant qu’à la hausse de la violence s’ajoute une multitude d’autres contradictions et une grave crise économique. 

L’explosion au port de Beyrouth en août 2020, faisant plus de 200 morts, a été un coup extrêmement difficile pour le Liban, alors que des milliers de personnes sont restées sans foyer. 

Les Libanais ont été bouleversés d’apprendre que le port de la capitale abritait pendant des années des explosifs sans contrôle. Ils sont sortis manifester pour exiger la démission du gouvernement. Plus d’une année a été nécessaire pour convenir de la composition du nouveau cabinet ministériel et surtout de la candidature du premier ministre. Sous la menace de sanctions occidentales contre les politiques empêchant la constitution du gouvernement, Najib Mikati est devenu premier ministre, sachant qu’il avait déjà été à la tête du gouvernement en 2005 et entre 2011 et 2013. Le gouvernement a entamé son travail fin septembre, mais les ministres n’occuperont leurs cabinets que jusqu’aux élections – en mars ou en mai. Le parlement a voté pour mars, le premier ministre a soutenu cette décision, mais le président s’y est opposé. Aucun compromis n’a pu être trouvé. 

Des problèmes sont également survenus à l’intérieur du gouvernement. Les ministres des mouvements chiites Hezbollah et Amal ont boycotté les réunions du cabinet à cause du désaccord avec le déroulement de l’enquête sur l’explosion de Beyrouth et ont exigé la démission du juge Tarek Bitar, qui mène cette enquête et envoie des assignations à comparaître aux politiques qui étaient au pouvoir entre 2014 et 2020. Les ministres, les députés, les représentants des forces de sécurité et l’ancien premier ministre Hasan Diab refusent de venir aux interrogatoires et déposent des plaintes incidentes. 

Le patriarche d’Antioche et du Levant Bechara Rahi a servi d’intermédiaire entre les forces politiques du Liban après que les différends autour de l’affaire sur l’explosion au port ont dégénéré en fusillade à Beyrouth, à la frontière entre le quartier chiite Tayouneh et le chrétien Ayn al-Rumana. L’incident avait fait 7 morts et 30 blessés. La direction des mouvements chiites a accusé de l’attaque les manifestants pacifiques qui exigeaient la démission du juge Bitar, le parti chrétien Forces libanaises. Mais ses leaders refusent de reconnaître leur culpabilité. Ils affirment que des partisans du Hezbollah et d’Amal ont joué le rôle de provocateurs en pénétrant dans le quartier d’Ayn al-Rumana. 

Le Liban n’a pas oublié que la guerre civile avait commencé en 1975 précisément par un affrontement à Ayn al-Rumana entre les groupes palestiniens et les représentants du parti chrétien Phalanges libanaises. La répétition de ces événements a sérieusement effrayé tout le monde. 

Le Hezbollah dans le système Libanais

Les Forces libanaises et le Hezbollah déclarent tous les deux qu’ils ne veulent pas une guerre civile. D’autres forces politiques sont solidaires avec eux. « Les Libanais ont tiré des leçons de la guerre civile qui a infligé un immense préjudice au Liban – à la société et à l’économie. Aucun Libanais ne voudrait revivre la guerre civile, personne n’est prêt à sacrifier sa vie sachant que cela ne mènera nulle part », estime le premier ministre libanais Najib Mikati. Selon lui, le dialogue est la seule voie qui mène au règlement de la crise libanaise. 

D’après le chef du gouvernement, la fusillade à Beyrouth n’est que l’un des incidents dans le secteur de la sécurité, qui se sont déjà produits par le passé, et il ne peut pas être considéré comme le début d’une guerre civile. 

Le président Michel Aoun a également déclaré la semaine dernière que le scénario de la guerre civile ne se reproduirait pas au Liban. 

À l’approche des élections, les Libanais s’attendent à de nouveaux affrontements, mais répètent comme un mantra: ce n’est pas une guerre. Pour l’instant, les batailles se déroulent principalement dans les tribunaux. Mais les victimes de l’explosion n’arrivent toujours pas à obtenir justice, tout comme les Libanais ordinaires n’arrivent à obtenir la réponse à la question de savoir quand leur vie deviendra meilleure.

Alexandre Lemoine

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