Les limites des Médecins sans frontière, et autres ONG
Ce matin, un reportage par MSF sur la Syrie. Un de plus, mais bien sûr il est sain de parler de ce qu’il s’y passe. En même temps, cela interpelle sur le rôle et l’efficacité des ONG dans tous ces pays.
MSF a été créée en 1971, il y a déjà 45 ans. En 45 ans, ils ont fait un nombre de choses extraordinaire et se sont imposés comme les « French Doctors », comme l’ONG de référence dans le monde entier.
Mais n’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal dans ce succès ? En est-il vraiment un, finalement ? Car une ONG qui se crée et qui intervient en cas d’urgence, comme lors d’un tsunami ou autre catastrophe, c’est un bel élan de solidarité, qui répond à un besoin exceptionnel. Mais lorsqu’on intervient depuis ou pendant 45 ans, est-il toujours sûr que ce caractère exceptionnel reste le moteur de l’action ? Ou bien d’autres motivations, conscientes ou pas, prennent-elles le relais ?
A y réfléchir un peu, les ONG posent deux problèmes qui, à long terme, nuisent à leur objet premier. Tout d’abord, leur existence même, qui désormais s’inscrit sur la durée, est peu compatible avec le caractère ponctuel et exceptionnel qui motivait à l’origine leur action. Pour beaucoup, telle MSF, elles sont devenues comme des entreprises, avec un business à faire fonctionner. Beaucoup donc, comme cela a été le cas pour MSF, cherchent à développer leur champ d’action, à durer. Pour peu qu’il y ait des subventions publiques parmi leurs ressources, la motivation à en profiter peut jouer.
Mais c’est alors que le second inconvénient se fait jour, bien plus grave celui-là. Car bien évidemment, les ONG apportent aux pays où elles interviennent des services gratuits, ou à très faible coûts pour les populations locales. Les médecins de MSF font donc une médecine efficace à coût zéro, ce qui est un bienfait évident quand les besoins locaux sont critiques. Cela semble très bien.
Mais lorsque cette gratuité dure, dépasse dans le temps l’urgence liée à une catastrophe, elle joue alors un rôle qui devient économique. La gratuité des services joue alors un rôle dissuasif sur le marché local, elle interdit aux entrepreneurs locaux ou étrangers de s’installer pour prendre le relais.
En effet, on pourrait imaginer que les quelques africains qui ont fait des études de médecine retournent pour certains dans leurs pays pour s’y installer. Alors que c’est déjà une chose difficile vues les conditions économiques et sociales en général, cela devient illusoire quand il y a sur place la concurrence gratuite des ONG. Il faudrait qu’elles laissent la place au marché après l’urgence.
Je ne suis pas en train de dire que les ONG sont une mauvaise chose en soi. Elles sont fort utiles lors d’événements graves et matérialisent une solidarité et une générosité magnifiques. Mais il faut pourtant oser le dire. Quand elles deviennent des institutions, souvent du fait de trop grasses subventions, elles peuvent avoir dans le temps l’effet inverse de leur intention en ruinant les conditions économiques qui auraient permis aux indigènes de se reprendre librement en mains.
S.G