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Les comptes des collectivités locales : Où en sommes-nous?

 

Les comptabilités des collectivités territoriales et de leurs groupements doivent respecter des normes, différentes d’une catégorie de collectivités (communes, départements, régions) à l’autre, qui sont établies par le ministre en charge des comptes publics[1]. Leurs systèmes d’information ont en commun d’avoir simultanément une fonction budgétaire et une fonction comptable.

 

Si chaque collectivité a un unique « système budgétaro-comptable », deux comptes sont néanmoins produits, sous la responsabilité de deux producteurs distincts : le « compte de gestion » du comptable, plutôt centré sur la situation patrimoniale, et le « compte administratif » du président de l’assemblée locale, plutôt centré sur l’exécution du budget.

 

Cette fiche décrit les principales caractéristiques de ces comptes ainsi que le résultat de leur centralisation et de leur agrégation au niveau national par la direction générale des finances publiques. Elle présente les faiblesses de la comptabilité des collectivités locales qui sont souvent signalées par les chambres régionales et territoriales des comptes et qui ont été plus particulièrement soulignées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 sur les finances locales. Celui de 2018 présente les voies d’amélioration de leurs comptabilité.

 

A) Les principales caractéristiques

 

Les collectivités locales ont une comptabilité générale ou « d’exercice ». Les produits et charges sont rattachés à l’exercice au cours duquel sont émis les titres permettant de recouvrer les créances et les « mandats » donnant ordre au comptable de payer les dépenses. Ils ne sont donc pas rattachés à l’année au cours de laquelle ces produits et charges sont encaissés ou décaissés.

1)Les comptes de gestion

 

Les comptes de gestion des collectivités locales d’une certaine importance, par exemple les communes de plus de 500 habitants, comprennent un compte de résultat, un bilan et des informations en annexe. Le compte de résultat présente :

 

  • Le résultat courant non financier qui est le solde des :

 

  • produits courants non financiers, à savoir notamment les impôts et taxes perçus, les dotations de l’Etat, la production (notamment les produits des services et du domaine), les reprises sur amortissement et provisions et les dotations et subventions reçues (notamment de l’Etat) ;
  • et charges courantes non financières, à savoir notamment les traitements et salaires bruts, les charges sociales, les achats et charges externes, les impôts payés, les dotations aux amortissements et provisions, les « participations et interventions » (subventions versées à d’autres organismes) ;

 

  • Le résultat courant financier qui est le solde des produits courants financiers (intérêts reçus…) et des charges courantes financières (intérêts versés…) ;

 

  • Le résultat exceptionnel.

 

Le bilan présente notamment :

 

  • à l’actif : les immobilisations corporelles (en distinguant celles détenues en toute propriété et celles reçues au titre d’une mise à disposition ou d’une affectation), les immobilisations incorporelles (dont les subventions d’équipement versées) et les immobilisations financières (prêts et avances…), les stocks et encours, les créances, les disponibilités (obligatoirement déposées sur un compte auprès du Trésor public, non rémunéré et sans possibilité de découvert) et les comptes de régularisation ;

 

  • au passif : les fonds propres (résultat de l’exercice et report à nouveau, dotations…), les provisions pour risques et charges, les dettes (financières, commerciales, fiscales et sociales…) et les comptes de régularisation.

2)Les comptes administratifs

 

Les budgets et les comptes administratifs distinguent une « section de fonctionnement », qui comprend les mêmes informations que le compte de résultat, et une « section d’investissement », qui comprend l’excédent de la section de fonctionnement (le solde du compte de résultat) ainsi que la variation de certains postes du bilan entre le 1er janvier et le 31 décembre (les immobilisations, les subventions d’équipement et les dettes financières notamment). La section d’investissement est soldée par la variation du « fonds de roulement » de la collectivité qui regroupe les opérations financières à moins d’un an sans les distinguer.

 

Une présentation plus précise des comptes administratifs est donnée dans la fiche sur les budgets des collectivités locales.

 

3)Les comptes des services annexes et autonomes

 

Il existe des budgets et des comptes « annexes » pour certains services spécialisés, tels que l’assainissement et la distribution d’eau, qui ne sont pas consolidés avec les comptes administratifs et de gestion « principaux » même si ces services n’ont pas de personnalité propre et si leurs budgets et comptes doivent faire l’objet d’un vote des assemblées locales. Ces services annexes ont le même compte auprès du Trésor public que les services principaux.

 

Certains services locaux sont assurés par des établissements publics locaux (centres communaux d’action sociale…), voire des associations, et des établissements publics de coopération intercommunale contrôlés par une ou plusieurs collectivités locales mais disposant d’une personnalité propre. Ils ont des budgets et comptes « autonomes » qui ne sont pas consolidés avec ceux des collectivités qui les contrôlent.

B) L’agrégation des comptes

 

Les comptes de gestion des collectivités locales, hors comptes annexes et autonomes, et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont centralisés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui en publie une « agrégation » : les transferts entre collectivité et entre les collectivités et leurs groupements sont partiellement annulés et les autres recettes et dépenses sont additionnées. Seuls les produits et charges « réels », c’està-dire donnant lieu à encaissement ou décaissement, sont ainsi agrégés. Les reprises et dotations aux provisions et amortissements ou encore les « dépenses et recettes d’ordre » (cf. plus loin) ne sont donc pas prises en compte.

 

Cette agrégation est restituée sous forme de résultats de synthèse des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre qui sont publiées notamment par

« l’observatoire des finances et de la gestion locales ». Celui-ci est une formation spécialisée du « comité des finances locales », instance de concertation qui rassemble les représentants des collectivités territoriales et de l’Etat ainsi que des parlementaires. Elle distingue les opérations non financières et financières. Les premières comprennent :

 

  • les recettes et dépenses réelles de fonctionnement, issues du compte de résultat, dont le solde est appelé « épargne brute » ou « autofinancement » ;
  • les « recettes et dépenses d’investissement », qui comprennent les dépenses d’équipement des collectivités et les subventions d’investissement versées ainsi que les subventions d’investissement reçues (dont le remboursement par l’Etat de la TVA sur les investissements).

 

Le solde de l’épargne brute, des recettes et dépenses d’investissement est « la capacité ou le besoin de financement ».

 

Les comptes des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre

 (Opérations non financières, 2017 en Md€)

 

Dépenses de fonctionnement (1) dont :

Achats et charges externes

Frais de personnel

Interventions  Intérêts

171,7

 

30,5

62,4

69,5 4,0

Recettes de fonctionnement (2)  dont :

Impôts locaux Autres impôts

Concours de l’Etat

 

 

201,6

 

84,7

49,1

38,9

Epargne brute (3) = (2) – (1) 29,9
Dépenses d’investissement (4) Dont :

Subventions d’équipement Dépenses d’équipement

48,3

 

11,9

33,5

Recettes d’investissement (5) dont :

Remboursement TVA Autres subventions

19,4

 

4,5

10,2

Capacité de financement (3+5-4) 1,1

Source : rapport de l’observatoire des finances et de la gestion locales (2018) ; FIPECO.

 

Cette capacité de financement résultant des comptes des collectivités locales et de leurs groupements à fiscalité propre (1,1 Md€ en 2017) est proche de la capacité de financement des collectivités locales en comptabilité nationale (1,7 Md€).

 

Les nouveaux emprunts et cette capacité de financement permettent de couvrir le remboursement des anciens emprunts et la variation du fonds de roulement.

 

Les comptes des collectivités territoriales et groupements à fiscalité propre

 (Opérations financières, 2017 en Md€)

 

Capacité de financement 1,1
Remboursements d’emprunts 13,5 Nouveaux emprunts 13,8
Variation du fonds de roulement 1,4

Source : rapport de l’observatoire des finances locales (2018) ; FIPECO.

 

C) Les faiblesses de la comptabilité des collectivités locales et les voies d’amélioration

 

Dans son rapport de septembre 2018 sur les finances locales, la Cour des comptes fait le point sur la fiabilité des comptes publics locaux et les moyens de l’améliorer.

1)La dualité des comptes

 

La Cour des comptes critique depuis longtemps la dualité des comptes des collectivités locales, entre le compte administratif et le compte financier, qui est une source de complexité et de fragilité des états financiers, et plaide en faveur d’un compte financier unique. Un rapport des inspections générales de l’administration et des finances d’août 2017 confirme l’intérêt et la faisabilité de cette réforme et propose des pistes d’évolution pour y parvenir.

2)Le compte de résultat

 

Beaucoup de collectivités omettent d’amortir leurs immobilisations ou de provisionner leurs créances ou leurs risques. La Cour des comptes a recensé 42 départements, 13 régions et 41 communes de plus de 50 000 habitants qui n’avaient passé aucune provision pour risque en 2012 (respectivement 74, 16 et 88 n’avaient passé aucune provision pour dépréciation de créances). Dans son rapport de septembre 2018, elle note que les provisions pour dépréciation et pour risques sont inexistantes dans les trois quarts des collectivités qui se sont engagées à expérimenter la certification de leurs comptes (cf. plus loin).

 

En outre, pour éviter que ces dotations ne contraignent les collectivités locales à trouver des recettes « réelles » supplémentaires, les instructions comptables leur permettent de comptabiliser des « recettes d’ordre » fictives dans leurs comptes administratifs en contrepartie des dotations aux provisions et amortissements[2]. Ces écritures pour ordre brouillent la lecture de leurs comptes.

 

Par ailleurs, malgré l’existence d’une « période complémentaire » qui permet de rattacher à l’exercice N des charges payées au début de l’année N+1, le rattachement des charges à l’exercice approprié est souvent très incertain.

 

Enfin, alors qu’ils devraient être enregistrés sur des lignes comptables spécifiques, les flux financiers entre les comptes principaux des communes, les comptes annexes et les comptes des groupements auxquels elles appartiennent, ne sont pas toujours correctement identifiés, notamment ceux qui concernent les mises à disposition de personnels.

3)Le bilan

 

Selon la Cour des comptes, la connaissance de leur patrimoine par les collectivités territoriales est très lacunaire, voire inexistante, alors qu’elles sont supposées tenir une comptabilité d’exercice patrimoniale. En particulier, les inventaires comptables sont d’une fiabilité très limitée. Un rapport de mai 2016 de l’inspection générale des finances sur le patrimoine des collectivités locales confirme ce constat.

 

A la suite de la découverte d’importants « emprunts toxiques » dans les comptes des collectivités locales au début de la décennie, des travaux ont été entrepris, notamment par le conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP), et des instructions ont été données par le ministre chargé des comptes publics pour qu’elles intègrent mieux dans les comptes et leurs annexes les risques liés à leurs engagements financiers.

 

Le CNoCP devrait publier avant la fin de 2019 un recueil de normes comptables tenant compte des spécificités du secteur public local et concernant le bilan, le compte de résultat et les annexes.

4)La certification des comptes

 

Les comptes des collectivités locales sont examinés par les chambres régionales des comptes, avec une périodicité variable, à l’occasion des contrôles de leur gestion, mais ces travaux ne correspondent pas à une mission de certification.

 

La loi de 2015 sur une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) prévoit l’expérimentation d’une certification des comptes des collectivités les plus grandes, sur une base volontaire, conduite sous l’égide de la Cour et en liaison avec les chambres régionales des comptes. Cette expérimentation portera d’abord sur les comptes de l’exercice 2020 de 25 collectivités de toutes catégories et de toutes tailles.

 

Les diagnostics préalables à cette certification ont notamment mis en évidence la fragilité du partage des actifs entre les communes et les groupements auxquels elles ont transféré des compétences, le recensement imparfait des organismes « satellites » des collectivités locales (sociétés d’économie mixte gérant des services pour le compte de la commune par exemple), l’absence de dispositifs formalisés de contrôle et d’audit internes, les faiblesses du contrôle des régies de recettes, les faiblesses des inventaires des stocks et immobilisations et du recensement des engagements hors bilan

5)La consolidation des comptes

 

Les collectivités locales logent beaucoup de leurs interventions dans des structures juridiquement autonomes dont elles ont le contrôle de fait et dont elles partagent les risques (établissements publics locaux, associations sportives ou culturelles, sociétés d’économie mixte…). En outre, les communes transfèrent certaines de leurs compétences à des établissements publics de coopération intercommunale. Comme l’ont montré les diagnostics préalables à la certification des comptes des collectivités locales, l’absence de consolidation de leurs comptes avec ceux de leurs satellites et des groupements auxquels elles appartiennent est un obstacle à une appréciation correcte de leur situation financière.

6)L’agrégation des comptes au niveau national

 

La DGFIP n’agrège que les comptes principaux et n’intègre pas les comptes annexes, bien qu’elle les collecte, et ceux des entités juridiquement autonomes contrôlées par les collectivités locales. Dans son rapport d’octobre 2015 sur les finances locales, la Cour des comptes a noté que des travaux ont été engagés pour agréger les comptes annexes mais que les résultats n’étaient pas encore suffisamment fiables. De premiers résultats ont été publiés dans le rapport de 2018 de l’observatoire des finances et de la gestion locales.

 

La neutralisation des transferts entre les collectivités et leurs groupements est fragile, ces opérations étant mal identifiées dans les comptes des collectivités.

 

L’agrégation des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements au niveau national pâtit enfin des autres déficiences de leurs systèmes comptables individuels exposées ci-dessus.

 

Ces faiblesses des comptes agrégés par la DGFIP fragilisent le compte des administrations publiques locales établi par l’INSEE en comptabilité nationale dont cette agrégation constitue la principale donnée source.

 

[1] Instructions dites M14 pour les communes, M52 pour les départements, M71 pour les régions.

[2] En effet, les collectivités locales sont astreintes à voter et exécuter la section de fonctionnement, pour le compte administratif, ou le compte de résultat, pour le compte de gestion, en équilibre ou en excédent. Or les dotations aux amortissements et aux provisions accroissent leurs dépenses et peuvent les obliger à augmenter leurs recettes de fonctionnement, en pratique souvent les impôts locaux, pour atteindre cet équilibre.

Comments

  • Anonyme
    octobre 7, 2018

    5

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