LE MYTHE BERNARD TAPIE
Bernard Tapie est un homme d’affaires français, né le 26 janvier 1943 dans le 20e arrondissement de Paris. Il a été successivement ou simultanément pilote de course, chanteur, dirigeant d’un groupe d’entreprises (notamment sportives), dirigeant d’un club de football, animateur de télévision, écrivain, homme politique, ou encore acteur. Redevenu homme d’affaires depuis la fin des années 2000, il est actuellement gérant du Groupe Bernard Tapie et patron de presse.
Sous l’impulsion de Marcel Loichot, Bernard Tapie devient ensuite consultant (« ingénieur-conseil » à l’époque) au sein du cabinet de conseil SEMA spécialisé en redressement d’entreprises. En 1977, il se met à son compte et se spécialise dans le rachat d’entreprises en dépôt de bilan. Il fait parler de lui dans les médias pour la première fois en 1980, après avoir racheté très en dessous de leur valeur les châteaux du dictateur de Centrafrique Jean-Bedel Bokassa, en lui faisant croire que ses châteaux allaient être saisis par les autorités françaises. Sitôt la vente conclue, il s’envole à New York pour mettre aux enchères les châteaux chez Sothebies, les profits devant revenir à l’UNICEF. Comprenant qu’il a été berné, Bokassa intervient auprès de l’Élysée pour demander avec succès que la justice française fasse annuler la vente6.
Dans les années 1980, Bernard Tapie accélère le rythme des rachats d’entreprises. Sa méthode, qui suscite la curiosité de beaucoup d’entrepreneurs, repose sur trois piliers essentiels7 :
- la renégociation des dettes des sociétés. Les sociétés cibles étant en dépôt de bilan, donc amenées à disparaître, et n’ayant généralement pas assez d’actifs pour espérer couvrir leurs dettes ; les créanciers, fidèles à l’adage selon lequel « mieux vaut trois fois rien que rien du tout », acceptent d’abandonner l’essentiel de leur dette contre la certitude d’être payés immédiatement d’une petite partie.
- la réduction des coûts, notamment par l’investissement dans la modernisation des méthodes de production, qui va de pair avec la réduction des effectifs. C’est l’aspect le plus controversé de la méthode : très fréquemment, Bernard Tapie essuie les critiques sur les nombreux licenciements qu’il a opérés. Critiques auxquelles il répond « qu’à choisir entre une entreprise qui meurt, avec la totalité de ses salariés qui deviennent chômeurs ; et une entreprise qui survit, mais avec la moitié de ses salariés seulement ; je préfère la deuxième solution et sauver la moitié des emplois. Et je crois que l’économie française préfère aussi »8.
- la recherche de nouveaux débouchés (diversification). En restant sur leur seul marché d’origine, les sociétés cibles ont fini en dépôt de bilan. Réduire les dettes et les coûts n’étant souvent pas suffisant pour assurer le redressement, la recherche de nouveaux débouchés est primordiale. Bernard Tapie tente donc de faire preuve de créativité, et de trouver ainsi de nouvelles sources de revenus aux entreprises qu’il rachète. Pour la société Look, fabricante defixation de ski, il cherche à compenser la saisonnalité des ventes, exclusivement hivernale. Il fera ainsi fabriquer par la société les premières pédales de vélo déchaussables, sur le même principe que les fixations de ski, pour éviter les blessures occasionnées lors des chutes à vélo par les traditionnelles pédales « coques ». Pour la société Wonder, à la suite de la mort d’un bébé ayant avalé des piles d’une autre marque, empoisonné par le mercure contenu dans les piles, il fait créer la première pile sans mercure, la GreenPower, choisie dans toutes les zones à forte concentration d’enfants.
Ses sociétés les plus connues sont Terraillon (rachetée 1 franc en 1981, revendue 125 millions de francs en 1986 à l’américain Measurement Specialities) ; Look(rachetée 1F en 1983, revendue pour 260 millions de francs en 1988 au propriétaire des montres suisses Ebel), La Vie claire (rachetée 1F en 1980, revendue à Distriborg par le CDR en 1995) ; Testut (rachetée 1F en 1983, revendue par le CDR en 1999 au groupe américano-suisse Mettler Toledo) ; Wonder (rachetée 1F en 1984, revendue pour 470 millions de francs en 1988 à l’américain Ralston) ; Donnay (rachetée 1F en 1988, revendue pour 100 millions de francs en 1991 à la région Wallonne).