Le cyberespace: Le conflit entre Israël et le Hezbollah
L’université Saint-Joseph de Beyrouth a réalisé une étude détaillée et précise sur la dimension cybernétique de ce conflit. Comme beaucoup d’études sur la guerre de 2006, les auteurs de ce rapport abordent en détail l’utilisation d’Internet par les deux camps. Ils soulignent également l’importance donnée à la communication par les belligérants. Comme nous l’avons vu, le Hezbollah a fait de cette question une priorité stratégique dès ses premières années d’existence.
Pour Hassan Nasrallah, la dimension communication était aussi importante stratégiquement que d’envoyer massivement des roquettes sur le territoire israélien, surtout que la première phase de l’opération lancée par Israël consistait en un bombardement massif des positions du Hezbollah au Sud-Liban donnant l’impression que le mouvement se trouvait dans une situation critique.
Cette guerre de l’information s’inscrit donc complètement dans la guerre psychologique que se sont livrés les deux camps durant toute la durée des combats. Les sites Internet rattachés au Hezbollah ont d’ailleurs multiplié les reportages visant à démontrer que les opérations israéliennes n’avaient pas d’effets sur le mouvement chiite. Lorsque les affrontements au sol ont commencé, les membres du Hezbollah ont continué à poster en ligne des vidéos et des témoignages dont l’objectif était de souligner leur efficacité face à l’armée réputée la plus forte du Moyen-Orient. Face à cette stratégie, des organisations juives se sont mobilisées dans le monde entier pour contrecarrer la parole du Hezbollah et soutenir Israël. Elles ont ainsi appuyé l’Union mondiale des étudiants juifs, dont le siège est à Tel-Aviv, pour l’aider à mettre en place un logiciel, appelémégaphone, visant à centraliser toutes les informations sur les opérations israéliennes et tous les communiqués officiels d’Israël. Ce projet s’est fait en accord avec le Ministère des Affaires étrangères à Jérusalem dont ils avaient obtenu le soutien au préalable.
Le cyberespace n’a pas été qu’un espace de communication dans lequel les deux camps cherchaient à légitimer leurs actions. Il a également été un espace d’affrontement cybernétique plus violent. L’étude de l’université de Saint-Joseph de Beyrouth a effectivement montré que les attaques par déni de service distribué (DDoS) ont été monnaie courante. La majorité des sites ciblés par Israël et le Parti de Dieu l’ont été en raison de leur place dans la stratégie de communication des deux camps. Les hackers du Hezbollah s’en sont ainsi pris à plusieurs sites gouvernementaux et militaires israéliens alors qu’Israël, de son côté, a attaqué durement le site de la chaîne d’information Al-Manar, l’obligeant d’ailleurs à changer d’hébergeur. En toile de fond de cet affrontement cybernétique s’est déroulée une autre bataille entre hackers arabes et israéliens.
L’ingérence de groupes de hackers divers et variés dans les conflits du Moyen-Orient est devenue systématique. Ce fut le cas lors du raid mené par l’armée israélienne contre la flottille qui voulait rompre le blocus de Gaza en mai 2010 et lors de toutes les opérations lancées par Israël contre le Hamas en 2006, en 2008-2009 et en 201270. A chaque fois, des hackers, prenant partie pour tel ou tel camp, ont lancé des offensives cybernétiques contre celui jugé comme l’ennemi.
Concernant la dimension cybernétique de l’opération « Plomb Durci » de 2008-2009, voir Jeffrey Carr, « Inside Cyber Warfare », O’Reilly, 2e édition, décembre 2011, pp. 19 à 28.
71 David Eshel a créé dans les années 1970 une revue, aujourd’hui disponible en ligne, appelée Defense Update. Colonel de réserve de l’armée israélienne, fondateur et directeur de Defense Update, il est connu pour le sérieux de ses articles. Il a d’ailleurs publié un texte particulièrement intéressant sur la dimension cybernétique de la guerre de 2006 : David Eshel, « Hezbollah intelligence War », accessible sur http://defense-update.com/analysis/lebanon_war_1.htm
Les attaques DDoS et les « défacements » ne sont qu’un exemple d’outils mobilisés par Israël et le Hezbollah en 2006. Les deux belligérants ont ainsi créé des logiciels malveillants afin d’infecter les données des systèmes d’information du camp opposé. Le Hezbollah a fait usage à plusieurs reprises de Google Earth afin d’obtenir du renseignement sur Israël.
Tsahal a de son côté cherché à bloquer le réseau Internet libanais afin de perturber le Hezbollah qui s’en servait pour effectuer des transmissions de données, pour communiquer et pour recueillir donc du renseignement. Pour y parvenir, l’armée israélienne aurait utilisé, selon les auteurs du rapport de l’université de Beyrouth, les capacités cybernétiques des navires de guerre qu’ils avaient déployés le long de la côte libanaise. Non seulement les perturbations n’ont pas été efficaces mais en plus le Hezbollah a tiré un missile de type C-801 (de fabrication chinoise mais surement d’origine iranienne) sur la corvetteHanit, de la classe Saar V, tuant quatre marins israéliens et obligeant le navire à rentrer en Israël. Le Hezbollah a fait de cette attaque un évènement exceptionnel grâce aux vidéos postées sur Internet.
Outre les tentatives de neutralisation d’Internet, les Israéliens ont également attaqué l’ensemble des réseaux de communication du Sud-Liban, téléphones fixes et mobiles inclus, pensant ainsi rendre muet le Hezbollah. En fait, il n’en a rien été. Selon David Eshel, le Parti de Dieu a bénéficié de l’aide de l’Iran durant le conflit pour protéger ses réseaux de communication. Les soldats israéliens ont effectivement trouvé à Bint-Jbeil des appareils d’écoute et de surveillance et du matériel de 38