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Loik le Floch-Prigent : « La politique de la trottinette est représentative de la politique de l’énergie »

Loïk Le Floch-Prigent est un ingénieur et un dirigeant d’entreprises français, ancien PDG de l’entreprise pétrolière Elf entre juillet 1989 et 1993, puis président de la SNCF de décembre 1995 à juillet 1996. Il est spécialiste de l’énergie et du transport. Dans le cadre d’expertises minières, il a également beaucoup travaillé dans des pays africains

Loïk Le Floch-Prigent vient de publier un ouvrage, Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel. Nous l’interrogeons aujourd’hui sur la politique énergétique.

Bonjour Loik Le Floch-Prigent, quelle est votre vision d’industriel sur les ressources et les énergies aujourd’hui ? Lesquelles doit-on privilégier ?

Loik le Floch-Prigent : Je pense qu’il y a des questions fondamentales que l’on considère être résolues qui pour moi ne le sont pas. Je pense par exemple que l’augmentation du CO2 est directement liée à la démographie. Plus on est d’humains, plus on consomme.

Les réserves d’énergie, elles, augmentent avec le prix. Plus le prix augmente, plus on achète des réserves et avec la courbe d’apprentissage, le coût d’extraction ou de fabrication diminuera. Ca s’est vérifié avec le pétrole. Si demain, ce n’est plus le moins cher, il ne sera pas utilisé. On peut chercher d’autres modes d’énergie. Mais il faut savoir que, s’il y a des éoliennes, il faut à côté une source pilotable. La meilleure, c’est le gaz. La moins chère, c’est le charbon. Et la possible, le nucléaire. Vouloir conserver les centrales longtemps à un prix faible, cela nécessite d’avoir un fonctionnement optimal et ininterrompu. Le fait d’avoir un mix d’énergie va faire durer les centrales moins longtemps et faire prendre 25% au prix du kilowatt. Sur le charbon, il y a un travail qui est fait sur la dépollution, en augmentant la température, on appelle ça supertechnique et ça donne des résultats. 

Il ne faut pas jeter l’anathème sur un produit pour ne plus du tout l’utiliser, ça n’a pas de sens.

Sur l’automobile, par exemple. Quelle vous semble être la voie à privilégier ?

Loik le Floch-Prigent : On ne sauve pas l’industrie automobile en disant qu’il n’y aura plus de véhicule thermique en 2040. On est en train de tuer le diesel sans avoir vu ce que serait son remplaçant. Les politiques et les journalistes pensent savoir, mais moi je n’en sais rien et personne n’en sait rien. Les Chinois, eux, regardent la pile à combustible ou l’hydrogène, il n’y a plus d’aide à l’électrique et on est en train de mettre tout l’appareil industriel chinois sur la voiture à hydrogène. Ca change tout. 

Ce sont les consommateurs qui diront, pas M. Hulot. Le consommateur n’a pas envie de véhicule électrique aujourd’hui. Le véhicule automobile, ce n’est pas un engin de mobilité, c’est l’apprentissage de la liberté. S’il n’est plus utilisé, on n’a plus cette liberté. 

Parce que les consommateurs ont toujours raison, selon vous ? Ils ne raisonnent pas plutôt en terme économique ?

Loik le Floch-Prigent : Les Norvégiens ont fait l’expérience du véhicule électrique et ils en sont à 50% d’équipement. Eux, ils ont l’électricité bon marché et ils ont le pétrole, donc les consommateurs peuvent choisir. La conséquence, c’est qu’il y a toujours 50% de Norvégiens qui n’ont pas adopté le véhicule électrique. Et en France, le consommateur moyen dans le territoire français a envie du diesel, il suffit de regarder qui prend du diesel à la pompe à essence. Le consommateur choisit le diesel massivement, pour des véhicules d’occasion d’ailleurs parce que le prix de l’occasion a baissé après tout le scandale qui a été fait autour. Il faut réfléchir à ce que l’on fait.

Donc la politique du transport est totalement à revoir ?

Loik le Floch-Prigent : Il n’y a qu’à regarder autour de nous et que voyons-nous ? Des trottinettes partout. La politique de la trottinette est représentative de la politique qui est menée en France : je balance ça parce que c’est à la mode, sans réfléchir d’où c’est produit, ce que ça veut amener. Le résultat, c’est qu’on a multiplié les accidents et qu’on embête tout le monde dans la ville. Une trottinette dure 27 jours en moyenne. Et tout ça est importé. Aujourd’hui, on finance plutôt la Chine qui fabrique les batteries. C’est la même chose pour la voiture électrique puisque la batterie, c’est 40% du prix de la voiture.

Autre exemple, le plastique. Ca a servi à sauver une partie de la planète avec une bouteille fermée qu’on ne peut pas ouvrir. La bouteille en verre n’était jamais complètement propre. Maintenant, on dit ça pollue. En Afrique, il y a du gaz et on a tout fait pour qu’ils n’utilisent pas leur gaz. On a fait du colonialisme énergétique. On essaie dire aux gens, puisqu’on a fait des erreurs, nous Occidentaux, vous n’allez pas commettre les mêmes.

Pareil pour les vaccins. Lorsque les Mérieux sont partis au Brésil parce qu’il y avait une épidémie pour vacciner les gens, ils ont sauvé les gens. On est arrivé à un niveau d’incompétence et de remise en cause de progrès qui avaient été faits. On est méfiants envers tout.

Comment on fait, avec des pays comme la Chine et l’Inde, qui ont surtout besoin de se développer ?

Loik le Floch-Prigent : En Inde, il y a des poêles individuelles à charbon. Si vous arrivez à convaincre qu’il faut faire des centrales collectives et avec la dernière technologie, vous enlevez 95% de la pollution indienne. Si en Afrique, vous réussissez à persuader que la cuisine doit être faite au Butagaz et pas au bois, vous enlevez les maladies respiratoires et la pollution. 

Le tout est qu’il ne faut pas se tromper. Quand on ne fait pas attention, on fait les trottinettes, c’est l’exemple clé de ce qu’il ne faut pas faire.  Ce sont les industriels d’aider, c’est à eux d’avoir une vision. 

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