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La pandémie: un crash test pour les politiques diversité? la vision d’Anne Delbègue,DRH du groupe Audiens

Alain Gavand Vice-Président de la Fédération de L’Autre Cercle


« La pandémie a sonné le glas du fantasme du regard omniprésent du manager sur ses équipes, pour parvenir à la performance. Elle doit conduire à une réflexion plus profonde sur les facteurs d’engagement des salariés et leur autonomisation ».
Avant la pandémie, la diversité était perçue comme un enjeu central pour les entreprises. Dans une série de dix articles, j’ai souhaité débattre avec des DRH et Responsables Diversité pour connaître l’impact de la crise sur les politiques Diversité dans les entreprises.
Écoutons Anne Delbègue, Directrice des Relations Humaines d’Audiens, le groupe de protection sociale spécialisé dans le secteur de la culture, de la communication et des médias, (600 collaborateurs), qui s’est prêtée au jeu de mes questions.
LA PANDÉMIE : UN CRASH TEST POUR LES POLITIQUES DIVERSITÉ ? LA VISION D’ANNE DELBÈGUE, DRH DU GROUPE AUDIENS
Maintenir l’activité, tout en étant cohérent avec ses valeurs sociales
Pendant la crise sanitaire, la préoccupation première du Groupe Audiens était d’assurer la continuité de service, en cohérence avec ses valeurs sociales. « Notre enjeu était de maintenir l’activité, tout en garantissant la sécurité des personnes, en préservant leur bien-être et en maintenant le lien au sein des équipes », déclare Anne Delbègue. La crise a amené la direction à ouvrir un chantier plus global avec les partenaires sociaux, et à renforcer le rôle de pilotage des managers, car le lissage de la force de travail, en corrélation avec les fluctuations de l’activité sur toute l’année, est devenu un enjeu crucial pour l’entreprise. En effet, durant la pandémie, le Groupe a dû faire face, comme beaucoup d’entreprises à des baisses de charge, mais aussi à certains endroits à des activités exceptionnellement fortes, par exemple dans le cadre de la création d’un nouveau fonds de soutien d’urgence avec Netflix pour les artistes et techniciens intermittents de l’audiovisuel et du cinéma durement touchés par l’arrêt total des productions. De même, l’avancement d’un mois du versement des congés spectacles ou encore la demande de délais de règlement des cotisations de la part des entreprises ont généré un surcroît d’activité.
Une gestion de crise en trois temps
Comment Anne Delbègue a-t-elle vécu cette crise sanitaire ? Selon elle, se sont dessinés trois temps ; un premier « en mode commando » au début de la crise. Il a fallu ensuite « animer la communauté de travail ». Le troisième temps est celui de la construction du monde d’après : « aujourd’hui, l’heure est venue d’anticiper les transformations profondes que la pandémie aura généré et de saisir l’opportunité d’un réel élan d’innovation ».
L’impact de la crise sanitaire a été, comme dans beaucoup d’entreprises du secteur tertiaire, de généraliser le télétravail à quasiment la totalité de l’effectif. En une semaine, 96% du personnel devait connaître cette organisation de travail, sans que l’activité ne s’arrête. Ainsi, le weekend juste avant le confinement, les équipes RH et informatique ont appelé chaque salarié afin de connaître leur besoin en équipement informatique à la maison. Ceux qui devaient être équipés d’un ordinateur sont venus le retirer au siège ou ont été livrés à domicile. Progressivement, des adaptations de postes de travail à la maison ont été réalisées et du matériel ergonomique a été envoyé, en relation avec le médecin du travail et l’infirmière.
La réussite des dispositifs grâce à la synergie de tous les acteurs et une politique sociale historique
Les dispositifs mis en place doivent leur réussite à une forte coordination des équipes RH, de la communication interne, des services généraux et de la direction des services informatiques. Selon Anne Delbègue, c’est également « le résultat de toute une politique sociale de gestion des compétences qui, en cas de crise, démontre, plus encore l’engagement des salariés, et leur adaptabilité ». Sans parler de l’habitude du travail à distance, en place depuis quatre ans à Audiens.
De surcroît, les équipes RH connaissaient bien les populations de leur périmètre. En relation avec les psychologues, elles ont donc pu être particulièrement attentives aux difficultés potentielles de certains collaborateurs. Les Chargés de ressources humaines ont détecté, par exemple, des difficultés chez des mères de familles qui devaient continuer à travailler tout en s’occupant de leurs enfants en bas âge à la maison, chez des salariés isolés, ou encore ayant la charge d’aidant. D’autres, confinés dans des espaces restreints, étaient placés dans des conditions matérielles peu propices au travail à distance. Davantage qu’en temps normal, il a fallu prendre en considération les émotions des salariés, faire face aux angoisses de certains, inquiets par exemple de la situation de leurs parents en Ehpad ou du retour de leurs enfants à l’école. « Nous nous devions d’être vigilants quant à des collaborateurs à risques et qui pouvaient « disjoncter » », souligne Anne Delbègue. Les personne malades, atteintes de la covid ou fragiles, en situation de handicap ou asthmatiques, étaient appelées généralement deux fois par semaine par les équipes RH, leur manager, l’infirmière. La Direction des Ressources Humaines a également activé les ressources déjà existantes comme celles des assistantes sociales, des médecins du pôle santé Bergère ou de la plateforme de soutien psychologue. Depuis le déconfinement, l’entreprise a dû mettre en place un dispositif de sécurisation avec un protocole très strict. Si l’on encourage les collaborateurs à revenir progressivement sur le site, qui est hyper-sécurisé, pour autant, il y a une réelle attention à l’égard des salariés : « nous ne mettons pas le couteau sous la gorge pour revenir d’un seul coup, car nous avons conscience des appréhensions de certains de nos collègues pour se rendre sur le site à Vanves, où la ligne de métro n°13, souvent bondée est incontournable… ».
Maintenir le lien avec les équipes
Le maillon fort des dispositifs mis en place est bien évidemment la ligne managériale. Les managers de proximité avaient à cœur, plus que jamais, de maintenir le lien avec leurs équipes. La crise sanitaire a nécessité un accompagnement fort des managers, avec par exemple, des formations sur le management à distance sous la forme de MOOC (formation à distance) ou dans le cadre de réunions animées dans chaque équipe par le RH référent. « Nous avions besoin de maintenir le collectif et de transformer le lien physique qui faisait défaut », insiste Anne Delbègue. Des groupes WhatsApp ont d’ailleurs fleuri et une multitude d’initiatives ont vu le jour, par exemple en célébrant des moments conviviaux vécus dans l’entreprise au cours des années passées par la diffusion de vidéos « fun ».
Une crise sanitaire qui ouvre des perspectives nouvelles
Pour Anne Delbègue, « la crise ouvre des perspectives immenses ; elle amène l’entreprise à tout repenser et à redéfinir ce qui est réellement important ». Les modes de travail évolueront, espère-t-elle, et remettront en question, par exemple les réunions interminables, les nombreuses heures quotidiennes de transport. Fini la réunionite très française… du moins on le souhaite ! Les temps de réunion physiques, toujours indispensables, doivent être réservés au partage d’idées, au brainstorming ou au team building.
La pandémie, selon Anne Delbègue, a également « sonné le glas du fantasme du regard omniprésent du manager sur ses équipes, pour parvenir à la performance. Elle doit conduire à une réflexion plus profonde sur les facteurs d’engagement des salariés et leur autonomisation ».
L’autre effet secondaire de la crise sanitaire porte sur l’équilibre des temps de vie. « La pandémie a mis en exergue l’importance d’une plus grande discipline en termes d’équilibre de vie personnelle et professionnelle, en gérant mieux la dualité des vies. L’unité de lieu avec le travail à distance, nous contraint à mieux gérer nos espaces mentaux », conclut Anne Delbègue.

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