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La cybersécurité pousse-t-elle vers une carte d’identité numérique ? par Stephane Geyres

 

 
Ce billet est le troisième d’une série de quatre prévus autour du thème de l’identité dans la société numérique. Il aborde le lien sécuritaire entre identité numérique et cybersécurité.
L’article précédent a fait le lien entre un état trop gros pour connaître ses citoyens et l’émergence de papiers d’identité comme conséquence. On peut illustrer ce phénomène, qui ne fait que s’amplifier, en rappelant l’échange type avec un policier qui vous arrête pour excès supposé de vitesse : il vous demande vos papiers, comme si votre acte ne suffisait pas à sa tâche ou comme si votre identité officielle pouvait changer sa décision – qui devrait pourtant ne dépendre en rien de votre identité.
C’est quand il prend la casquette de la « justice » que le policier justifie la demande d’identité, car il faut pouvoir gérer le « dossier » du « justiciable » et son historique. On entre dans la procédure judiciaire et la bureaucratie, où il y a besoin de rompre l’anonymat de l’acte lui-même pour faire le lien entre une procédure et un individu numéro vu comme citoyen justiciable. On retrouve bien sûr ce type de motivation bureaucratique dans la société numérique, comme on va le voir.
Sur le Net, tout se passe dans la virtualité. L’explosion de l’économie s’accompagne d’une explosion de malveillance, sinon réellement de « cyber criminalité » – car il reste encore difficile de mener des meurtres par Internet, même s’il est vrai que cela devient de plus en plus possible et plausible. Cette « malveillance » fait bien sûr l’objet d’investigations, de recherche des acteurs, pour d’une part les faire cesser, mais aussi pour décider in fine de leur culpabilité et des poursuites éventuelles.
Or le domaine de la sanction judiciaire est un domaine bien réel, celui des citoyens et de leur identité accordée et formalisée par l’état. Le policier et le juge du monde virtuel ont de plus en plus besoin de faire le lien entre cette identité et la ou les multiples visages virtuels qu’il est possible de prendre dans le monde numérique. Le numérique connaît ce paradoxe où il serait possible d’être un criminel du virtuel, mais où la sanction ne saurait par contre pas s’y virtualiser.
Ce besoin identitaire bureaucratique est de plus en train de s’accroître du fait de l’accélération de la menace « cyber ». Les « attaques » sur Internet n’ont rien de nouveau, elles se produisent depuis que les premiers « virus » ont vu le jour dans les années 80 et 90. Jusque dans les années 2000, le « cyber crime » payant peu et faisant peu de dégâts, les polices n’étaient que très peu actives dans le domaine – du fait aussi de leur faible formation et compétences techniques de l’époque. Mais l’ampleur et la fréquence des malveillances allant explosant, et la pression des entreprises et organisation victimes poussant de même, il n’a plus été possible d’ignorer le sujet. Désormais, les états se préoccupent de la menace et beaucoup ont mis en place des « agences » pour protéger, défendre et poursuivre les acteurs fugaces agissant souvent hors des domaines réglementés.
On commence à voir des cartes d’identité avec une puce intégrée, comme c’est le cas en Belgique, et bien d’autres projets sont à l’étude. La motivation première consiste à pouvoir signer des actes et des transactions de manière électronique avec un degré de confiance et de sécurité technique qui conviennent aux administrations. Mais de là à imaginer que demain il devienne obligatoire de s’authentifier, c’est-à-dire attester de son identité réelle, avec de telles cartes d’identité numérique dans tous les actes de notre vie sur Internet, il y a qu’un pas que beaucoup envisagent pour demain.
Dans un tel monde, non seulement nous auront perdu toute virtualité, mais notre liberté d’action sera bien moindre que dans le monde réel devenu perdu et oublié, car il sera possible pour la machine étatique de suivre et connaître le moindre de nos faits et gestes. Face à cette crainte, j’ai longtemps cru moi-même que seuls ceux qui avaient quelque chose à se reprocher méritaient de s’inquiéter. Depuis, j’ai compris que tout le monde a potentiellement quelque chose à se reprocher quand les lois sont faites de manière arbitraire et hors de tout objectif de respect de notre liberté

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