La Commission accepte les engagements pris par Renfe pour ouvrir la concurrence dans le domaine de la billetterie ferroviaire en ligne
La Commission européenne a rendu les engagements offerts par Renfe juridiquement contraignants en vertu des règles de l’Union en matière de pratiques anticoncurrentielles. Les engagements répondent aux préoccupations en matière de concurrence exprimées à titre préliminaire par la Commission au sujet du refus de Renfe de fournir aux plateformes de billetterie concurrentes l’intégralité de son contenu et de ses données en temps réel sur ses services de transport ferroviaire de voyageurs.
Préoccupations exprimées par la Commission à titre préliminaire
Renfe, l’opérateur ferroviaire historique espagnol détenu par l’État, est en concurrence avec des entreprises fournissant des services de billetterie en ligne à des clients par l’intermédiaire d’applications ou de sites web. Ces plateformes de billetterie tierces doivent avoir accès à l’intégralité du contenu et des données en temps réel affichés par Renfe sur ses propres canaux numériques afin d’adapter leurs offres aux besoins des clients et de livrer une concurrence effective aux canaux de distribution en ligne de Renfe.
En avril 2023, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen au motif que Renfe pourrait avoir abusé de sa position dominante sur le marché espagnol du transport ferroviaire de voyageurs en refusant de fournir aux plateformes de billetterie concurrentes: i) le contenu complet de sa gamme de billets, de ses remises et de ses spécificités; ii) des données en temps réel (avant, pendant et après le trajet) relatives à ses services de transport ferroviaire de voyageurs.
La Commission a constaté à titre préliminaire que le refus de Renfe de fournir l’intégralité de son contenu et de ses données en temps réel pourrait avoir empêché les plateformes rivales de concurrencer les propres canaux numériques directs de Renfe, au détriment des consommateurs. Un tel comportement est susceptible de contrevenir aux règles de concurrence de l’Union, qui interdisent les abus de position dominante [article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE»)].
Les engagements
Pour répondre aux préoccupations en matière de concurrence exprimées à titre préliminaire par la Commission, Renfe a offert certains engagements. Entre le 26 juin et le 8 août 2023, la Commission a soumis ces engagements aux acteurs du marché et a consulté tous les tiers intéressés afin de vérifier s’ils élimineraient les problèmes de concurrence qu’elle avait recensés. Se basant sur les résultats de la consultation des acteurs du marché, Renfe a modifié les engagements proposés initialement et offert ce qui suit:
- mettre à la disposition des plateformes de billetterie tierces, indépendamment des canaux qu’elles utilisent pour accéder au contenu et aux données en temps réel de Renfe, l’intégralité du contenu et des données en temps réel actuels et futurs affichés sur n’importe lequel de ses propres canaux en ligne. L’engagement de Renfe sera donc dynamique et ne se limitera pas au contenu ou aux données en temps réel déjà fournis par Renfe par l’intermédiaire de ses propres canaux en ligne;
- mettre à disposition l’intégralité de son contenu ou de ses données en temps réel actuels au plus tard le 29 février 2024, à quelques exceptions près. Ces exceptions concernent le contenu et les données en temps réel pour lesquels Renfe est tenue de lancer une procédure d’appel d’offres pour accorder l’accès;
- imposer aux plateformes de billetterie tierces un taux de conversion mensuel moyen maximal qui ne soit pas inférieur à 600, 200 ou 140, en fonction du nombre de demandes de disponibilité soumises par les plateformes. Le taux de conversion est le rapport entre le nombre de demandes de disponibilité liées à la vente de billets adressées au système de billetterie de Renfe et le nombre de ventes réelles réalisées au cours d’une période donnée. Renfe sera autorisée à suspendre temporairement l’accès d’une plateforme concurrente à son système de vente uniquement dans le cas où elle dépasserait le taux de conversion maximal applicable, et si cela a une incidence négative sur le système de vente de Renfe ou risque d’empêcher immédiatement la vente de billets de Renfe. Ce mécanisme garantit de manière effective un fonctionnement fluide de Renfe tout en préservant la capacité des plateformes de billetterie tierces à exercer une concurrence. Dans le même temps, il garantit la parité entre les plateformes de billetterie tierces et les propres plateformes de Renfe en ce qui concerne le taux de conversion maximal applicable et les conséquences qui résulteraient d’un non-respect;
- ne pas dépasser un taux d’erreur maximal de 4 % à partir de 2024 ni un taux d’indisponibilité mensuel maximal de 1 % à partir de 2025. Le taux d’erreur est le rapport entre le nombre de demandes de réservation ayant échoué et le nombre total de demandes de réservation, tandis que le taux d’indisponibilité se rapporte au niveau de disponibilité du système de vente de Renfe entre 6 heures et 23 heures. Ces engagements feront en sorte que les plateformes de billetterie tierces bénéficieront des services informatiques de haute qualité de Renfe.
Les engagements comportent une clause de non-contournement en vertu de laquelle Renfe s’engage à ne pas recourir à toute mesure technique ou commerciale inéquitable, déraisonnable ou discriminatoire qui empêcherait ou entraverait l’accès au contenu et aux données en temps réel de Renfe et la distribution de ceux-ci.
La Commission a conclu que les engagements définitifs répondraient à ses préoccupations préliminaires en matière de concurrence au sujet de l’abus présumé de position dominante de Renfe sur le marché espagnol de la distribution en ligne de billets ferroviaires aux voyageurs. Elle a donc décidé de les rendre juridiquement contraignants pour Renfe.
Les engagements offerts par Renfe resteront en vigueur pour une durée indéterminée. Leur mise en œuvre sera contrôlée par un mandataire chargé du contrôle désigné par Renfe, qui rendra compte à la Commission pour une période de 10 ans.
Contexte
L’article 102 du TFUE interdit les abus de position dominante qui sont susceptibles d’affecter les échanges et d’empêcher ou de restreindre la concurrence. La mise en œuvre de cette disposition est définie dans le règlement sur les pratiques anticoncurrentielles (règlement nº 1/2003), qui peut également être appliqué par les autorités nationales de concurrence.
La Commission a ouvert une procédure formelle d’examen au sujet du comportement de Renfe en avril 2023. Parallèlement à l’ouverture de la procédure, la Commission a adopté une évaluation préliminaire résumant les principaux faits de l’affaire et recensant ses préoccupations préliminaires en matière de concurrence.
L’article 9, paragraphe 1, du règlement sur les pratiques anticoncurrentielles permet aux entreprises visées par une enquête de la Commission d’offrir des engagements afin de répondre aux préoccupations de la Commission et habilite celle-ci à adopter une décision visant à rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises. En application de l’article 27, paragraphe 4, dudit règlement, la Commission, avant d’adopter une telle décision, doit donner aux tiers intéressés la possibilité de présenter leurs observations sur les engagements offerts.
S’il ressort de la consultation des acteurs du marché que les engagements constituent une réponse satisfaisante à ses préoccupations en matière de concurrence, la Commission pourrait adopter une décision rendant les engagements juridiquement contraignants pour Renfe. Sans conclure à l’existence d’une infraction aux règles de l’Union en matière de pratiques anticoncurrentielles, une telle décision contraindrait juridiquement Renfe à respecter les engagements offerts.
Si Renfe ne respecte pas ces engagements, la Commission pourrait lui infliger une amende pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires mondial, sans avoir à prouver l’existence d’une quelconque violation des règles de concurrence de l’Union.
De plus amples informations, dont le texte intégral des engagements, seront disponibles sur le site web de la Commission consacré à la concurrence, dans le registre public des affaires de concurrence, sous le numéro AT.40735. Le texte intégral des engagements sera également disponible en espagnol en tant que «document de travail», mais seule la version anglaise fait foi.