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Jaunes jeunes et vieux jaunes : pourquoi cette rencontre ?


La « confluence des luttes » de Jean-Luc Mélenchon est en fait celle des générations. Les jeunes manifestent, les séniors aussi : la crise est celle du futur. Les jeunes n’arrivent pas à se projeter dans les quarante prochaines années. Les quadras ne voient pas bien les vingt qui les mèneront à la retraite, et après, quelle retraite ? Nous vivons, par les deux bouts, jeunes et « vieux », la remise en cause de la promesse d’après-guerre : la génération qui vient vivra mieux que celles qui ont précédé.
C’est l’économie, avec ses changements profonds et imprévisibles, qui explique cette rencontre de générations angoissées. Ce n’est pas l’usure du capitalisme, la déception du macronisme, la tradition française des jacqueries ou l’expression de pulsions aussi violentes que psychanalytiques. La triple rencontre d’une révolution technologique : la communication, démographique : le vieillissement de l’occident, et géopolitique : le réveil de l’Asie, chamboule nos stratégies. Stratégies technologiques : nous perdons pied dans les innovations, de la 5G à la santé, stratégies politiques : de la construction européenne au multilatéralisme, stratégies économiques donc, avec le chômage de masse, et sociales, avec la rupture du pacte social. Nous ne vieillirons pas bien, nos enfants ne vivront pas mieux.
La crise commence par ces jeunes plus mal embarqués que leurs ainés, même proches. En 2015, les 18-24 ans, 9,5% dans la population, ont un taux de pauvreté de 25%. Il passe à 14% pour les 25-29 ans, à 13% entre 30 et 39 ans, pour une moyenne française de 12,5%. Les jeunes nés entre 1986 et 1990 ont un début de carrière nettement plus plat que leurs aînés immédiats. A 26 ans, un jeune né entre 1986 et 1990 gagne à peine plus (en euros constants) qu’un jeune né dix ans plus tôt (entre 1976 et 1980), et surtout un peu moins qu’un jeune né entre 1981 et 1985, cinq ans plus tôt. C’est une rupture sans précédent.
La crise continue, des quadras aux séniors cette fois. Nés entre 1965 et 1975, ayant entre 40 et 50 ans, leur niveau de vie plafonne et va baisser. Nous n’en sommes plus aux générations 1961-1965, 1956-1960 et mieux encore 1951-1955, ces heureux quinquas et sexas ! Eux n’ont connu qu’une progression de leur niveau de vie, jusqu’à une confortable retraite. Les quadras se disent qu’ils ne vivront pas mieux que les sexas, qu’ils financent.
Et les « vingtas » ne pensent pas vivre mieux que les quadras actuels, dont ils devront aussi financer la retraite. Les moins de 25 ans au chômage dit de catégorie A (libres immédiatement à temps plein) sont au nombre de 468 000 au deuxième trimestre 2018, sur un total de 3 440 000. Leur nombre diminuait lentement sur un an (-1,5%), mais vient une remontée de 1,9% au deuxième. Le point bas du chômage des jeunes est-il de 460 000 ? Toutes catégories confondues, leur nombre remonte même à 744 000, avec 6,2% de 15-24 ans en chômage sur plus d’un an, contre 4,2% pour l’ensemble.
Les quadras et quinquas s’inquiètent aussi pour leur futur, au-delà de la stagnation de carrière qu’ils vivent. Il ne s’agit pas même ici des nouvelles technologies qui supprimeraient les emplois dits routiniers : le pire est pour bientôt, dans les grandes surfaces, les réseaux de banques, d’assurances, de ventes de vêtements et de chaussures avec Internet. En fait, la réduction des emplois peu qualifiés a commencé en France en 1970, avec la hausse du salaire minimum, récemment tempérée par la baisse des charges. Seule la montée en formation et en qualification empêchera cette polarisation de l’emploi, entre un peu plus d’emplois qualifiés et bien moins d’emplois non qualifiés. Et ceci d’autant plus que les nouvelles technologies moins chères arrivent : contre Apple, les chinois Huawei et Tencent.

Pas finie, la rencontre des nouvelles technologies, d’un SMIC plus élevé (de 100 euros) et de compétences insuffisantes ! Mais comment le dire, sans se faire traiter de réactionnaire, de victime ou propagateur d’idées libérales ? Echanger plus dans l’entreprise et entre entreprises, former mieux, notamment les jeunes en alternance, coopérer davantage au niveau local, est-ce impossible ? Jusqu’à quand la dette publique compensera-t-elle notre productivité trop faible ? Quand comprendra-t-on que c’est la productivité en hausse qui fait, seule, augmenter le salaire ? Ventre jaune n’a pas d’oreille ? Non : il faut changer – ensemble. Autrement tout se fera sans nous – contre nous.
Autant l’avouer, mon expertise est la finance, la banque, la conjoncture, les marchés, tout ce qui bouge tout le temps dans tous les sens, et surtout aujourd’hui. Il vaut donc mieux être calme pour comprendre, sans en rajouter, et l’expérience peut aider.
Pour y arriver (plus ou moins), j’ai d’abord suivi des études de gestion (HEC 72) et d’économie (Doctorat d’état, Agrégation des Facultés de Sciences économiques, Professeur à l’Université Paris Panthéon-Assas), puis ai dirigé les études économiques du Crédit Lyonnais et celles du Crédit Agricole. Enfin, j’ai créé une société de conseil (avec Joselyne, mon épouse), étant notamment le Conseiller économique de Deloitte. Au total : 15 ans de Faculté, 23 ans et demi de banque et de finance, 5 ans de conseil, et ce n’est pas fini !
 
Jean-Paul Betbeze, né à Bagnères-de-Bigorre le 6 septembre 1949, est un économiste et professeur d’université français.
Membre du Cercle des économistes, il appartient également à la Commission économique de la nation et à l’International Conference of Commercial Bank Economists (ICCBE). Il a présidé la Commission des affaires économiques et financières de BusinessEurope, l’Union des industries de la communauté européenne (UNICE, actuelle BusinessEurope), la Société d’économie politique (SEP) et l’Association française des économistes d’entreprise (AFEDE). Il a été membre du Conseil d’analyse économique de 2004 à 2012 et président de l’ Observatoire des délais de paiement de 2006 à 2009.
Depuis 2015, il est président du Cercle des épargnants.
 
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