Interview – Jean-Marc Sylvestre : « Le politiquement correct consiste à pestiférer les fonds de pension alors que c’est l’épargne des Français qui s’investit dans les entreprises où ils travaillent »
Que penser de la situation actuelle ? Quel est l’état du dialogue social concernant la réforme des retraites ?
Jean-Marc Sylvestre : Pour nous, c’est un peu le Brexit, on ne sait pas où on va, on ne sait pas ce à quoi on va renoncer et ce qui va être voté. On va vraisemblablement utiliser un élément paramétrique, qui est le recul de l’âge de départ à la retraite. On n’a pas besoin de l’allonger beaucoup pour rééquilibrer le tout, peut-être 6 mois et mettre un bonus pour inciter à travailler plus longtemps.
Le gouvernement s’est piégé lui-même, difficile de dire s’il l’a fait exprès ou non. Parce que vouloir appliquer la clause du grand-père et prôner l’universalité des régimes, c’est complètement contradictoire. Ça ne peut pas marcher.
Alors que le système que veut mettre en place le gouvernement est une réforme de gauche, les syndicats devraient y être favorables. Le système par points est d’ailleurs à l’origine revendiqué par les syndicats. Il marche aujourd’hui très bien dans le régime Agirc-Arrco, avec une variable d’ajustement qui lui est propre et les syndicats, même les plus radicaux, ne veulent d’ailleurs pas y toucher.
Que faut-il faire pour débloquer la situation ?
Jean-Marc Sylvestre : Une des solutions serait de fusionner tous les régimes existants en appliquant une clause d’antériorité. On a d’ailleurs des exemples où une clause d’antériorité avait été appliquée et où ça avait marché. Sur les statuts avec France Telecom, la Poste ou la SNCF. La grande leçon en matière de réforme sociale, c’est que des avantages acquis, on ne peut pas les supprimer sans les racheter ou les compenser.
Et puis une fois de plus, on devrait se tourner vers la dérégulation, la libération pour permettre aux entreprises et aux salariés de s’organiser. Et c’est d’ailleurs ce qui va se passer pour les cadres dirigeants et supérieurs qui en ont les moyens. Ils vont se créer des retraites complémentaires par capitalisation.
Le politiquement correct consiste à pestiférer les fonds de pension. Alors que c’est l’épargne des Français qui s’investit dans les entreprises où ils travaillent. Et après, on se plaint que les entreprises françaises n’aient plus de capital français ! Ce qui est un scandale, c’est qu’on aborde même pas la question des retraites par capitalisation. Pourquoi certains syndicats proches des cadres ne prônent-ils pas les retraites par capitalisation ? Les salariés cadres seraient très preneurs de ça.
Il y a toute une génération d’actifs en ce moment, une bonne moitié en activité, qui ne s’inquiètent pas trop de la retraite. Ils savent très bien qu’il va falloir qu’ils la construisent eux-mêmes. Et les assureurs et les banquiers devraient d’ailleurs s’emparer du problème et commencer à préparer des campagnes de communication… ça fera leurs affaires.
Cédric Leboussi
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Anonyme
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