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Épargnants, tremblez ! Le casse programmé de l’assurance-vie…

PLD

La prise en main de l’assurance-vie par le pouvoir a démarré. Cette manne gigantesque de 1,500 milliards représente 40% de l’épargne des Français. Plus qu’une manne, c’est un trésor que l’Etat regarde avec convoitise. Ne pouvant rapidement se servir dans cette caisse sans révolution, il a donc commencé les préparatifs du casse du siècle. Premiers outils de la manœuvre : encadrer les rendements proposés aux détenteurs de l’assurance-vie – prétendument pour préserver les banques et assurances – et, surtout, permettre la suspension des remboursements en cas de tensions. Tensions qui ne devraient pas tarder. Tous les ingrédients d’une crise systémique étant en place, la question n’est pas de savoir si elle aura lieu ou non, mais quand elle se déclenchera.

Malgré une pression fiscale effrayante – les Français ont travaillé pour l’Etat jusqu’au 29 juillet, jour de « libération fiscale » cette année –, l’Etat vit à découvert. Très largement à découvert. Chaque fois que les administrations publiques dépensent 100 euros, elles doivent en emprunter plus de 15 – imaginez au bout de combien de temps un ménage ou une entreprise se verrait couper les crédits par un banquier si elle fonctionnait avec tant de prodigalité –, ce qui gonfle encore un peu plus la dette publique proche de 100% du PIB à quasiment 2,150 milliards d’euros. Et c’est sans compter la dette « hors bilan » – notamment les retraites de la fonction publique dues et non compensées par des cotisations futures –, soigneusement occultée dans les rapports officiels mais bel et bien réelle. Le rapport de la Cour des Comptes de 2013 l’estimait proche de 150% du PIB. Ce qui nous mène à une dette totale de 250% du PIB – 80 000 euros par habitant à la louche –, promesse de futurs impôts massifs pour les contribuables français en plus de leur charge fiscale actuelle.

Les pouvoirs publics n’en sont pas arrivés là sans complice. C’est la BCE qui leur a permis d’acheter du temps à crédit, pacte véritablement faustien entre les (ir)responsables politiques et le diable monétaire. Nos dirigeants ont pu repousser les réformes structurelles et surendetter le pays dans des proportions folles pour financer à crédit festivals à gogo et ronds-points par milliers. Le tout grâce à l’intervention massive de la banque centrale. Depuis le début de la crise, elle a fait tourner ses rotatives jour et nuit, imprimant pour 10 000 euros de billets neufs par habitant de la zone euro. Elle a acheté tant de dette publique – en particulier de la dette française – avec cet argent factice qu’elle ne sait plus quoi acheter aujourd’hui. Il faut ajouter la folie des taux négatifs grignotant lentement l’épargne sans aucun impact sur l’activité économique pour comprendre les bases de la bulle financière gigantesque suspendue au-dessus de nos têtes.

Les taux sont proches de zéro – le 10 ans allemand navigue en terrain négatif depuis juin –, les intérêts sont insignifiants. Ils remonteront un jour – sans doute abruptement – et l’Etat français devra alors régler une facture explosive. Pour vous donner un ordre de grandeur, 1% de hausse des taux coûterait 53 milliards d’euros en année pleine (appliquée à l’intégralité de la dette, hors bilan incluse), soit l’équivalent du seul budget de la Défense, une paille ; il y a 5 ans, les taux longs français ont atteint 3,5% de plus que leur niveau actuel… Ce jour-là, le pouvoir devra choisir entre suspendre la rémunération des 5 millions de fonctionnaires, arrêter brutalement les aides sociales… et piocher dans l’épargne là où elle se trouve. Le risque de révolte des épargnants apparaît bien moins menaçant que celui des fonctionnaires ou des assistés (tous les spécialistes des questions de sécurité publique savent que le jour où les allocs seront rognées ou simplement versées avec retard, les fusils seront de sortie dans les quartiers sensibles). Quant aux grands capitaux, bien plus mobiles, ils n’auront pas attendu cette phase pour s’éloigner vers des environnements moins instables. L’assurance-vie est toute désignée.

C’est pourquoi les articles 21 et 21 bis de la loi Sapin 2 prévoient un premier élargissement des pouvoirs de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et du HCSF (Haut conseil de stabilité financière) visant à faciliter le « rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d’assurance« . C’est joliment dit. En langage simple, cela revient à confier à l’Etat le soin – arbitraire – de prendre des mesures drastiques de blocage de l’assurance-vie. La plus inquiétante consiste à suspendre les arbitrages et remboursements en cas de panique. Le principe se défend, les ventes nourrissant et amplifiant un tel mouvement de défiance. Mais le risque nouveau qu’il engendre, c’est l’amorce de larges mouvements de retrait dès les premiers indices de crise. Les épargnants seront prudents lorsqu’ils comprendront que leur argent pourra être bloqué des mois (ou des années) si le pouvoir en décide ainsi.

L’étape suivante, tue à ce stade, c’est le prélèvement ponctuel mais significatif des comptes ainsi bloqués. Au nom de la « solidarité nationale », qui n’imagine pas l’Etat se déclarer légitime à ponctionner un pourcentage – 10%, 20%, 50% ? – de l’assurance-vie ? Il pourrait éventuellement fixer un seuil d’exonération – 30 000 euros séparant les « riches » de ceux qui pourront bénéficier des APL selon Emmanuelle Cosse ? – pour protéger les petits épargnants. Nous verrions dans cet acte une forme moderne d’effort de guerre justifiant la tonte, la spoliation des épargnants. Sans parler d’une atteinte au droit de propriété sans équivalent dans un pays occidental à l’époque moderne.

D’autres pays ont déjà agi de la sorte. L’Argentine a confisqué l’intégralité des plans d’épargne retraite sans que ses citoyens réagissent, tétanisés par la crise et englués dans un cauchemar économique et social. Tout l’art de la tonte consiste à agir sans effrayer les tondus. La méthode est progressive, faiblement douloureuse jusqu’au moment ultime où plus aucune réaction n’est possible. L’Etat pourra ainsi reporter une dernière fois son agenda de restrictions budgétaires et de réformes de notre modèle social que le monde ne « nous envie » plus du tout. Et tuer toute chance de reprise économique pour de nombreuses années. Les épargnants n’auront que leurs yeux pour pleurer… tant que les larmes ne sont pas taxées.

Par Aurélien Véron, article paru dans atlantico le 29 septembre 2016

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