Elon Musk au bord du born-out
Celui qui est souvent comparé à “Iron Man” – le héros de l’univers Marvel – a, ces derniers mois, ridiculisé des analystes financiers, plaisanté sur une probable faillite de ses sociétés, insulté des journalistes, traité de pédophile une personne faisant partie de l’équipe de sauveteurs des enfants coincés le mois dernier dans la caverne en Thaïlande, vilipendé les vendeurs à découvert des actions Tesla misant sur la chute de son grand patron. L’homme fait l’unanimité contre lui et est – il est vrai – erratique, semble constamment au bord de la crise nerveuse et ne s’embarrasse jamais d’excuses lorsqu’il offense quelqu’un.
Bref, Elon Musk, fondateur de SpaceX et de Tesla est devenu lui même et à part entière un personnage de bandes dessinées et suscite des « hashtags » aussi révélateurs que #muskmeltdown prévoyant une liquéfaction de celui qui semblait invulnérable et intouchable il y a encore quelques années. Celui qui n’est, en finalité, que l’inventeur d’une auto électrique destinée aux riches va jusqu’à déclarer aux journalistes que son existence est devenue si troublée que son choix se résume à «pas dormir ou Ambien», un somnifère…
Pour autant, ce phénomène des dieux compliqués et des enfants gâtés n’est pas nouveau dans le microcosme de la Silicon Valley. A tout seigneur tout honneur, l’Apollon de ce panthéon technologique lui-même, Steve Jobs, ne reculait devant aucune manipulation – disons plutôt «artifice» – pour influencer et la presse et ses investisseurs, mais qui s’en souvient encore après sa mort tragique l’ayant définitivement propulsé dans la légende ? Mais il est vrai que – tout comme Mark Zuckerberg de Facebook et Larry Page de Google – ces personnages ayant fait de la destruction créatrice leur fonds de commerce se doivent de toujours repousser toutes les limites.
Musk, aujourd’hui, en est pourtant réduit à déclarer à l’occasion d’interviews qu’il faut le comprendre, lui qui travaille 120 heures par semaine, car il cherche désormais à – sinon inspirer la pitié – tout au moins la clémence de ses détracteurs. Il faut dire que l’homme et que sa société phare Tesla – dont l’action a perdu 20% de sa valeur en bourse en quelques semaines ! – sont sous le coup d’une enquête et de perquisitions de la part du régaleur américain, la «Securities and Exchange Commission». Car Elon Musk souffre en outre d’une addiction à Twitter qui, combinée à son impulsivité et à son manque d’égards, est en passe de se retourner sérieusement contre lui, tant et si bien que c’est sa position même au sein de Tesla qui semble désormais compromise.
Le petit monde de la finance fut en effet ébahi par son tweet sibyllin du 6 août dernier dans lequel il dévoilait son intention de privatiser Tesla, indiquant en deux mots que le financement nécessaire était sécurisé. Son conseil d’administration eut beau tenter de sauver les meubles : le mal était fait car il est effectivement impossible d’attribuer un tel tweet à l’effets de drogues prises par Musk qui aurait aussi pu céder à un coup d’impulsivité lui étant si caractéristique. Les détails et modalités ayant accompagné ce tweet dévoilèrent au contraire une stratégie bel et bien réfléchie, allant d’un prix estimé de 420 dollars par action à payer pour sortir Tesla de la bourse, à des négociations avancées avec le fonds souverain saoudiens qui en deviendrait le principal repreneur. C’est, cependant, après une mise au point limpide des saoudiens affirmant qu’aucun engagement n’avait été pris que le pot aux roses fut découvert.
En disséminant ces rumeurs, Musk manipulait le marché et avait clairement pour intention de brûler les vendeurs à découvert des actions Tesla. D’où l’enquête de la SEC et d’où la pluie de poursuites judiciaires qu’il affrontera très prochainement. Alors, ces champions ès destruction créatrice sont-ils fous, manipulateurs, ou simplement mégalomanes ?
Michel Santi