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Débat sur l’Ukraine: les explications de Mélody Mock-Gruet sur la procédure

Débat et vote sur l’Ukraine

Le 27 février 2024, le Président de la République (PR) a demandé au Gouvernement de faire devant le Parlement une déclaration en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine le 16 février. Cette annonce intervenait juste après des déclarations polémiques sur l’hypothèse d’un envoi de soldats en Ukraine, ce dont se sont abstenus jusqu’à présent tous les pays qui soutiennent Kiev face à Moscou. 

Le débat article 50-1 a lieu ce mardi 12 mars 2024 à l’Assemblée nationale après les QAG et mercredi 18H15 au Sénat.

Objet du débat et du vote

Les députés puis les sénateurs seront notamment amenés à discuter du soutien de l’Ukraine dans la durée, ainsi que de l’accord bilatéral de sécurité signé par Paris et Kiev, où Paris s’est engagé à fournir en 2024 « jusqu’à 3 milliards d’euros » d’aide militaire « supplémentaire » à Kiev. 

L’Élysée avait précisé que la signature de cet accord faisait « suite à la déclaration que la France avait adoptée, le 12 juillet 2023, avec ses partenaires du G7 en marge du Sommet de l’Otan à Vilnius ». « Il inscrit notre soutien à l’Ukraine dans la durée pour faire échec à la guerre d’agression de la Russie. Il s’agit d’une démarche collective, puisqu’outre les pays du G7, 25 autres pays ont également décidé de conclure avec l’Ukraine un accord similaire ».

Principe du 50-1 de la Constitution 

Selon l’article 50-1 de la Constitution, créé par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ». La déclaration concerne un champ circonscrit et non la politique générale du Gouvernement.

Il faut distinguer cette procédure de celle de l’article 49 de la Constitution, par laquelle le Gouvernement met en jeu sa responsabilité.

Procédure de l’article 50-1

Pour l’Assemblée nationale, l’application de l’article 50-1 se trouve à l’article 132 du RAN. Concernant le débat, le temps global est fixé par la Conférence des présidents, les groupes d’opposition disposant de la moitié de ce temps. Chaque groupe bénéficie d’un temps minimal de dix minutes, pouvant être scindé en plusieurs orateurs. Concernant le vote, la Conférence des présidents peut autoriser des explications de vote, accordant 5 minutes à un orateur de chaque groupe après la clôture du débat. La Conférence des présidents du 5 mars détaille les modalités choisies : 

–       déclaration du Gouvernement ;

–        interventions des groupes : temps de parole : RE : 50’ ; RN : 15’ ; LFI-NUPES : 10’ ; LR : 10’ ; Dem : 15’ ; SOC, HOR, Ecolo-NUPES, GDR-NUPES, LIOT : 10’ chacun ;

–       ordre de passage : SOC, HOR, Ecolo-NUPES, GDR-NUPES, LIOT, RE, RN, LFI -NUPES, LR, Dem ; Les groupes peuvent désigner plusieurs orateurs.

–       intervention d’un député non inscrit (5’) ;

–       président de la commission des affaires étrangères, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, président de la commission des affaires européennes (5’ chacun) ;

–       réponse du Gouvernement.

–       La déclaration du Gouvernement fera l’objet d’un vote, d’une durée de 30 minutes, qui se tiendra dans les salons voisins de la salle des séances.

L’organisation du débat au Sénat est régie par l’article 29 ter du RS. La Conférence des présidents fixe la durée globale du temps : Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe. A la différence de l’Assemblée nationale, il n’y a pas d’explication de vote, avant le vote.

Organisation facultative du vote

Le vote est optionnel : C’est à la discrétion du Gouvernement. Le PR a précisé qu’il en souhaitait un.

Le résultat d’un vote n’est jamais acquis. Dans la pratique, il est rare qu’il y ait un vote à l’issue d’une déclaration gouvernementale. Entre 2008 et 2020, sur 24 déclarations, huit ont donné lieu à un vote à l’Assemblée nationale et trois au Sénat. Même s’il n’y a ni obligation ni impact juridique direct, les conséquences politiques d’un rejet ne sont pas anodines : le 4 mai 2020, le Sénat avait pour la première fois désavoué le Gouvernement par un vote négatif alors que celui-ci avait présenté une déclaration suivie d’un débat sur la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Même si le Gouvernement d’Édouard Philippe n’a pas dû démissionner, ce vote a marqué le désaccord de la Chambre Haute sur la stratégie gouvernementale face à la crise sanitaire.

Le dernier débat convoqué par le PR, en application de l’article 50-1 de la Constitution, remonte au 21 novembre 2023. Il concernait aussi une question de politique internationale, en l’occurrence la stratégie de Ce débat n’avait toutefois pas été suivi d’un vote.

Le dernier débat ayant donné lieu à un vote remonte à juin 2021 sur les engagements pris par le gouvernement en matière de programmation militaire

Ne pas confondre avec l’article 35 de la Constitution :

L’alinéa 1 est la déclaration de guerre. Jamais appliquée depuis le début de la Ve République, cet alinéa de l’article subordonne la déclaration de guerre à l’autorisation du Parlement.

En dehors de toute déclaration de guerre – par exemple, sous couverture des résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies ou en vertu d’accords de défense, le chef de l’État en sa qualité de « chef des armées »(art. 15 de la Constitution) peut ordonner l’engagement des forces armées à l’étranger. L’alinéa 2 de l’article 35 prévoit alors que « le Parlement est systématiquement informé par le Gouvernement de l’intervention des forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de cette intervention. À cette occasion, le Gouvernement précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. »

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Si la fonction législative de l’Assemblée et du Sénat est généralement bien connue du grand public, leur mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques l’est moins. L’idée que le Parlement n’aurait pas les moyens d’exercer ce rôle demeure. Ainsi, malgré les progrès constatés, la « culture du contrôle » n’est pas encore pleinement intégrée dans les mœurs.

Inscrite dans la Constitution, elle est pourtant essentielle dans un État de droit. Devenu un véritable contre-pouvoir, le contrôle parlementaire ne se résume plus à renverser le Gouvernement mais bien à analyser les situations, identifier les difficultés, discuter et vérifier l’activité gouvernementale, afin de lui demander des comptes. 

Volontairement tourné vers la pratique, l’ouvrage décrypte le contrôle afin de permettre à tous de se saisir des enjeux techniques et politiques qu’implique ce pouvoir. Chaque chapitre est consacré à un outil de contrôle, avec à chaque fois un « bon à savoir ». Protéiformes et en constante évolution, ces instruments contribuent aujourd’hui plus que jamais à la qualité des débats parlementaires et des décisions politiques, méritant l’attention de tous ceux qui s’intéressent à la bonne santé démocratique du pays.

Le Petit Guide du Contrôle Parlementaire

de Mélody Mock-Gruet et Hortense de Padirac 

paru le 17 octobre 2023 aux éditions L’Harmattan

Docteure en droit public

Enseignante à Sciences Po Paris

Auteure du Petit Guide du Contrôle Parlementaire (éditions L’Harmattan, octobre 2023)

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