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Capitalisme de connivence contre Capitalisme processus économique



Libéralisme et capitalisme sont souvent confondus, ou se côtoient, ou sont pris l’un pour l’autre. Le « laissez-faire » est souvent vu comme un symbole du capitalisme plus qu’un symbole de liberté.
Tout d’abord, « capitalisme » est lui-même un terme ambigu. Les libéraux vénèrent l’entrepreneur, or en même temps, bien des entreprises entretiennent des relations plus que contestables avec l’état, venant ternir cette pureté supposée. Alors, peut-on être libéral sans être pour le capitalisme ?
Il convient de rappeler que le capitalisme est à la base un concept purement technique. Selon Sylvère Tajan, dans « Libres ! », « le terme de capitalisme désigne avant tout un mécanisme économique fondamental, à l’origine de l’augmentation de la quantité de richesse produite : c’est par le renoncement à la jouissance immédiate de la richesse qu’il a produite que l’homme va accumuler des biens à des fins productives (le capital). Grâce à ce capital productif, et à l’effort qu’il a fourni pour le constituer, la productivité de son travail augmente : il produit plus et mieux. »
Avant d’être politique, le capitalisme est donc un pur mécanisme économique. Même s’il est au cœur de tout processus de production, et à ce titre s’il explique l’immense bond de prospérité connu par l’humanité ses cinq derniers siècles, il n’est pas directement rattaché au libéralisme stricto sensus : le capitalisme fait son œuvre même au sein des pays communistes ou sociaux-démocrates. Il demeure pourtant attaché au libéralisme dans les faits, puisque tout au long du processus entrepreneurial se pose la question du rôle ou plutôt de l’influence de la liberté sur les choix. Le choix d’accumuler du capital est-il libre ? Le choix de la manière de capitaliser – épargne ou équipement – est-il libre ?
Bien sûr, le mot « capitalisme » est souvent employé dans la langue populaire pour pointer du doigt les multinationales et le détournement de l’entreprise par les oligarchies et les effets néfastes qui en résulteraient, tels la misère du monde et des scandales écologiques. Mal défini, ce n’est pas dans ce sens que les libertariens – et spécialement les anarcho-capitalistes – se réfèrent au « capitalisme ».
Beaucoup opposeront que le « capitalisme » permet à trop de gens de s’enrichir tels des criminels. Cette lecture n’est pas celle du capitalisme vu comme processus économique, mais celle du système politique qui l’environne. Cette vision du terme amalgame un processus économique neutre avec un système politique, et c’est pour éviter cette confusion que les libertariens en limitent le sens au seul processus économique. Cette distinction met ainsi dos à dos le « capitalisme entrepreneurial » et le « capitalisme de connivence », le premier restant le compagnon naturel du libéralisme alors que le second, qui qualifie un environnement où immixtion étatique et oligarchie sont partout, constitue un obstacle à la liberté qui est la cible des critiques de tout libéral qui se respecte.
En Chine comme en Russie, ou même au Venezuela, il reste possible de faire fonctionner le mécanisme capitaliste, pour peu qu’il soit possible de capitaliser quelque chose. Ce n’est pas le capitalisme qui détermine le régime politique, mais il s’adapte à tout régime, et c’est d’ailleurs là sa grande force. Car même dans les pires conditions politiques et de liberté, le progrès induit par le processus capitaliste poursuit sa route, quoique plus ou moins vite et avec plus ou moins de justice.
Pour bien des opposants, le capitalisme serait bassement matérialiste et ne s’intéresserait qu’à la quantité et au profit. Cette assimilation avec les « capitalistes » nous fait sortir du seul mécanisme de financement de la production. Simple processus sans intention, demander au capitalisme d’intégrer un jugement de valeur ou même d’avoir une orientation idéologique est totalement hors de propos.
Etre capitaliste pour produire ceci ou cela, en quantités ternes et sans saveur, ou à l’inverse comme un artisan qui ne produit que des pièces uniques, cela relève du choix de chaque entrepreneur. Ce n’est donc plus « le » capitalisme à proprement parler, mais la manière qu’a chacun de l’interpréter. Ne voir dans le capitaliste qu’un matérialiste est à ce titre une erreur grossière, car on ne produit pas pour produire mais pour vendre, et pour vendre il faut rencontrer les motivations du consommateur.
Le capitalisme n’est pas pour autant parfait. Au contraire, il devient le miroir des travers non-libéraux de la société qui le fait fonctionner. Le capitalisme prend alors une connotation plus politique pour devenir « capitalisme de connivence ». Ce faux capitalisme est celui que critique le libéral, celui où la concurrence est remplacée par les monopoles, celui où les affaires se font entre amis, celui où pour espérer faire fortune ce n’est pas le mérite qui prime, mais la proximité avec le pouvoir en place.
Le capitalisme de connivence n’est alors que l’expression économique des défauts de la société qui le met en œuvre. Ainsi, s’il y a des abus et des scandales, ce n’est jamais le capitalisme-processus le fautif, mais la faute en revient à l’organisation sociale et au capitalisme-connivence rendu possible. Il faut toujours chercher la faute du côté du pouvoir, elle n’est jamais purement « capitaliste ».
A titre d’exemple, on opposera que la grande distribution, en « imposant sa loi », montre combien le « capitalisme » peut être injuste. Mais ce n’est pas exact. Regardez ce qui se passe en la matière dans les autres pays et vous constaterez que cette « domination » en effet déséquilibrée connue en France n’existe pas partout, ce qui devrait être le cas si cet argument était un fait objectif universel.
Il ne faut pas oublier qu’en France, l’implantation des grandes surfaces est soumise à de nombreux textes plus ou moins artificiels, dont le plus connu est la loi Galland. Ces textes forcent une politique qui rend très difficile l’accès des petites enseignes à la construction de magasins et réduit le marché à quelques grandes marques qui se partagent un monopole de fait. Si le marché de la distribution était libre, et donc si le capitalisme pur avait cours, il y aurait des magasins de toutes tailles, souvent plus petits d’ailleurs, partout ou presque, ouverts tous les jours et des dizaines de marques.
D’autres critiques portent sur le marché de la téléphonie mobile qui montrerait que la concurrence ne garantit rien, alors qu’elle est selon les libéraux une des caractéristiques du « capitalisme ». Au contraire, l’arrivée de Free comme empêcheur de tourner en ronds du trio d’origine a bien montré qu’avant lui, les trois opérateurs ne se faisaient pas une véritable concurrence, convaincus qu’ils étaient que le marché leur était réservé. Or un marché n’est jamais réservé de manière naturelle, c’est l’état seul qui peut venir, par la loi et le monopole, biaiser les règles et fermer ou réduire l’accès au marché. Ainsi, l’existence d’une licence obligatoire pour offrir de la téléphonie est un acte étatique contraire à la morale de la vraie justice sociale et qui exprime les connivences du secteur.
Enfin, le pire « capitalisme » de nos jours serait celui de Monsanto, connu pour imposer ses OGM au marché au point de s’être forgé une réelle position dominante. Or une entreprise ne peut jamais rien imposer seule à un consommateur. Dans des conditions normales de liberté, celui-ci peut toujours dire non et aller à la concurrence ou nulle part. Pour que Monsanto, ou toute autre entreprise – on pense à Microsoft – puisse se trouver en position de diktat, il faut que la concurrence ait été rendue impossible par la loi ou le pouvoir politique. Il n’est par exemple pas juste que le politique interdise aux paysans de réutiliser leurs propres graines comme semence. C’est ce genre de stupidités qui crée les monopoles et qui manifeste un faux capitalisme, celui de la connivence et de l’état voyou.
Citations
« Le vice inhérent au capitalisme est le partage inégal des richesses, la vertu inhérente au socialisme est le partage égal de la misère. » — Winston Churchill
« Le capitalisme a suscité les progrès de la production, mais aussi ceux de la connaissance, et ce n’est pas un hasard. » — Albert Einstein
« Le système de production capitaliste est une démocratie économique dans laquelle chaque sou donne un droit de vote. Les consommateurs constituent le peuple souverain. » — Ludwig von Mises
« L’État-providence est une pornographie de la générosité, car il nous force à accomplir les gestes, même si nous n’éprouvons pas le sentiment. Le capitaliste connaît la valeur de la générosité, car il connaît la valeur de la propriété. » — Christian Michel
Stephane Geyres

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