Brésil : 100 jours de Lula au pouvoir – Principales mesures Par Maya Cottet-Emard
Luiz Inácio Lula da Silva a remporté l’élection présidentielle du Brésil, le 30 octobre 2022 et a été investi le 1er janvier 2023. Cette victoire s’inscrit dans un contexte brésilien complexe où les idées du président sortant, Jair Bolsonaro, sont bien représentées au sein des différents échelons de l’État brésilien et plus largement, au sein de la société. L’ancien Président d’extrême droite a laissé à son successeur un pays à la société profondément fracturée. Le 11 avril marque les 100 premiers jours du mandat de Lula.
L’arrivée au pouvoir de Lula fut marquée par de nombreuses émeutes. Le Président nouvellement élu avait notamment dû faire face à des attentats qui ont vandalisé les sièges des trois pouvoirs à Brasilia, au mois de janvier.
Politique Économique et Sociale
Le Brésil – et sa population – commence l’année 2023 fortement endetté. Environ 33 millions de brésiliens (7%) sont touchés par la famine, dans un contexte ou le marché du travail est affaibli par des politiques dites « d’uberisation » du travail et de démantèlement des droits sociaux.
Le Président a promis la baisse des taux d’intérêts pour les ménages, la création d’emploi et l’augmentation des salaires. Les effets n’étaient pas attendus dans les 100 premiers jours. Toutefois, engagé dans un présidentialisme de coalition, Lula semble en difficulté dans la mise en place de ses réformes économiques. En effet, des postes-clés sont occupés par des opposants au Président, parmi lesquels : le ministre du Tourisme (Juscelino Filho de l’Union Brésil, formation conservatrice), les ministres de l’Agriculture et celui des Mines et de l’énergie (respectivement Carlos Favaro et Alexandre Silveira du Parti Social Démocrate, centre-droit) et la ministre de l’Aménagement et du budget (Simone Nassar Tebet du parti social-libéral).
En 100 jours, il a pu faire avancer ses promesses de campagne, notamment dans le domaine social, comme le retour du programme Bolsa Família. Lors de son premier mandat, Lula créé un programme unique : la Bourse Famille – Bolsa Familia en portugais – qui remplace et regroupe toutes les aides existantes. Selon les besoins des familles et leurs nombres d’enfants, les familles les plus pauvres reçoivent ainsi des aides financières de l’État. La condition est de scolariser leurs enfants ainsi que d’assurer leur suivi médical et notamment vaccinal. Ciblant les populations les plus nécessiteuses, la Bolsa Familia bénéficie en 2006 à plus de 11 millions de familles, contre 3.6 millions en 2003. A la fin de son mandat, elle est perçue par 12.6 millions de familles, soit 1 quart de la population.
Relations Extérieures
Lors de ses deux premiers mandats, Lula a investi des efforts colossaux pour consolider la politique extérieure de son pays, permettant au Brésil d’acquérir une popularité certaine à l’international. Lors de la COP27, Lula annonce que le « Brésil est de retour », mettant l’accent sur un agenda international multipolaire.
La stratégie internationale du gouvernement Lula III consiste également à relancer la politique régionale latino-américaine. A ce titre, il souhaite relancer les communautés économiques telles que la CELAC et le Mercosur. Au sein de cette dernière, l’accent est mis sur la reprise des négociations autour du traité de libre-échange avec l’Union Européenne, mises en pause sous le mandat de Jair Bolsonaro.
Il ambitionne de redonner au BRICS la place qu’ils occupaient jadis sur la scène internationale. Le Président brésilien s’est ainsi rendu en Chine, au début du mois d’avril.
Voyages
Au cours des 100 premiers jours de son mandat, Lula a effectué trois voyages internationaux, dont deux en Amérique latine. Selon les spécialistes brésiliens, le choix des pays voisins était stratégique et symbolisait l’intention du président de renouer les liens. Le premier voyage, en Argentine, a eu lieu quelques jours après la troisième investiture de Lula.
À Buenos Aires, il a rencontré le président Alberto Fernández, qui entretenait des relations conflictuelles avec l’ancien président Jair Bolsonaro. Lula s’est alors excusé pour ce qu’il a appelé « l’impolitesse » de l’ancien président.
De l’Argentine, Lula s’est rendu en Uruguay où il a rencontré le président du pays, Luis Alberto Lacalle Pou, et l’ancien président Pepe Mujica.
Lula souhaite également investir pleinement son pays dans le G7 et le G20. À cet égard, il a rencontré son homologue États-unien, Joe Biden, en février. Ils ont souligné l’importance d’un partenariat entre les deux pays dans la lutte contre le changement climatique. « Je n’ai pas parlé spécifiquement du Fonds pour l’Amazonie. J’ai parlé de la nécessité pour les pays riches d’assumer la responsabilité du financement de tous les pays qui ont des forêts », a déclaré Lula dans une interview accordée après la réunion.
Les deux présidents ont également parlé de la défense de la démocratie, un thème central pour Lula et Biden.
Peuples autochtones
En vue d’assurer la défense des droits des peuples autochtones de son pays, Lula a créé un ministère des Peuples indigènes. Il a nommé l’activiste autochtone Sônia Guajajara à sa tête. Au cours du mois de janvier, Joenia Wapichana, ancienne députée fédérale et avocate, devient la première femme autochtone à occuper le poste de présidente de la FUNAI (Fondation Nationale des Peuples Indigènes). La Fondation avait subi de drastiques coupes budgétaires durant les quatres années précédentes. Cette nomination à un organisme d’aide aux populations autochtones est donc hautement symbolique.
Ces nominations découlent d’une nécessité de protéger les peuples autochtones du pays, parmi lesquels les Yanomamis d’Amazonie. Situé à l’extrême nord du Brésil, la Terre Indigène Yanomami (TIY) est un territoire de 9,6 millions d’hectares, très riche en ressources (minières notamment).
En janvier, le gouvernement fédéral a dû faire face à l’aggravation de la crise humanitaire dans le TIY, conséquence de l’invasion des mineurs et de l’abandon de l’aide de l’État.
Des enfants et des adultes Yanomamis ont été identifiés comme souffrant de malaria sévère et de malnutrition, ainsi que de cas de pneumonie et de contamination par le mercure, un métal utilisé par les mineurs illégaux sans aucun contrôle. L’inaction Étatique a fait que les Yanomamis ont 13 fois plus de chances de mourir de causes évitables que le reste de la population brésilienne.
Le gouvernement fédéral a lancé l’opération Yanomami pour expulser les mineurs des terres indigènes, détruire les équipements, enquêter sur la chaîne de commandement de ces opérations et garantir l’assistance au peuple indigène.
Flavio Dino, ministre de la justice, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « génocide » au regard des agissements du gouvernement Bolsonaro à l’égard du peuple Yanomami.